Mon cher ami Gustave, ‘fratello mio’,
Ce n’est pas parce que tu n’es plus de ce monde que tu ne seras plus de mon monde à moi. Au contraire je te sais maintenant plus près de moi, plus vivant, plus accessible et qu’en cela ta disparition de ce monde t’a rapproché de moi et moi je me suis rapproché de toi.
Je revis plus intensément que jamais le moment que je t’ai vu une toute dernière fois. Tu étais assis au fond du couloir et, en me voyant approcher, tu t'es levé, pour me serrer dans tes bras, chaudement, ému, comme nous étions toujours émus lorsqu’on se retrouvait après une longue séparation.
Que de souvenirs, mon cher Gustave, que de joies intenses, que de moments précieux passés ensembles. Fut-ce le sommet du Bieshorn, fut ce les Couronnes de Breyonnaz, fut-ce les cabanes du Tracuit, du Grand Mountet, de l’Arpittettaz, de Moiry ; fut-ce une des nombreuses descentes en la forêt à la recherche de chanterelles, de pieds de moutons, d’agarics ; fut-ce le jour où tu m’amena au Déjert, au-dessus d’Ayer, en plein été et assoifé, pour y trouver l’auberge fermé, mais toutes sortes de boissons qui nous attendaient dans la cuve où coulait l’eau de la source.
Et puis les jours où j’étais avec toi et ta chère Germaine et toute ta famille dans ta vigne les jours de vendange, cet endroit merveilleux pour l’homme de la plaine que j’étais, souvenirs que je partage avec Guy et Paul et Pierre et Georges. Innombrables sont ces souvenirs que j’ai eus le grand plaisir de partager avec toi, Gustave, fratello mio, comme j’aimais t’appeler, parce que tu étais un frère pour moi, Sache que tu m’as appris à aimer la montagne, la vigne, à aimer ce grand pays qu’est le Valais. Je te dois tout cela, comment pourraient jamais disparaître de mes pensées tous ces moments précieux, ces moments sacrés de ma vie.
Je ne t’ai pas écrit souvent, cela ne se faisait pas, j’aurais dû le faire lorsque tu te trouvais dans ton home, je le regrette maintenant, mais ce jour-ci, je me hâte de te saluer et de te serrer dans mes bras pour te répéter ce que tu as signifié pour moi, et te rappeler le grand ami que tu fus et que tu resteras.
Sache, mon ami de longue date, que nous ne nous sommes jamais quittés, sache que je suis avec toi et que toi tu es ici avec moi dans ce pays de Flandres que tu connais. Attends-moi, là où tu te trouves maintenant, comme tu le sais, le temps passe très vite ici sur terre.
Je ne serai pas présent à ton enterrement, je ne serai pas là lorsque, l’après-midi du six de ce mois d’octobre, on chantera le ‘in Paradisum’. Mais mon esprit y sera, mon cœur y sera et je serai là lorsque tu quitteras l’église pour te voir disparaître comme un aigle, libre et heureux, dans les cieux du Valais.
Eternité qui sera la nôtre,
Charles
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