Attendre et espérer que vienne la première phrase de mon texte à insérer, cest se trouver dans le no mans land de lesprit ce qui signifie, se trouver dans létat dans lequel se trouvait le pré-univers ou le vide quantique de Prigogine, un vide potentiel, ne contenant que des particules en puissance qui, soudainement se sont converties en particules réelles, un événement connu comme le Big Bang, qui est à lorigine de cet univers en mouvement tel que nous croyons le connaître à nos jours.
Jai osé me servir de cette métaphore pour illustrer le stade de cette potentialité de pensées et didées dans lequel je me trouve chaque fois que je me suis engagé dans un travail dont je ne connais pas avec précision ni le sujet ni la teneur. Je sais toutefois une chose, et cest lexpérience qui me la apprise, que ce que jai à accomplir, que ce que jai à écrire, existe déjà potentiellement, et que mon seul mérite est de cueillir ces propos et den transformer les signes potentiels en signes réels.
Cette idée se rapproche de lidée formulée par Dante Alighieri lorsquil commence le premier chapitre de son petit livre, son libello comme il dit, quest La Vita Nuova [1], et je le cite :
En cette partie du livre de ma mémoire, avant laquelle on ne pourrait lire que peu de choses, se trouve une rubrique laquelle dit Incipit Vita Nova. Et sous cette rubrique je trouve écrites les paroles que jai lintention de transcrire dans ce libello, ce petit livre et sinon toutes, du moins leur sens.
Mais il y a une distinction à faire, cest que je ne crois pas que ce que jai à vous dire, se trouve déjà inscrit tel quel dans ma mémoire. Jai plutôt tendance à suivre Raymond Abellio qui dit que:
Le moindre sentiment, la moindre émotion et la moindre pensée sinscrivent dans la trame indéfinie de lunivers.
Davantage même, non seulement ils sy inscrivent, mais ajoute Abellio:
Jai tort de dire que cest moi qui émet ces sentiments, ces émotions ou ces pensées, car en réalité ils y sont inscrits depuis toujours: cest lunivers entier qui les induits en moi et cest ce quon appelle en ésotérisme léternel présent [2].
Inutile de dire que ce principe met en cause la liberté de lhomme - ou, pour employer les paroles dAndré Gide, que ma soi-disant liberté est restée parfaitement illusoire- mais la position des étoiles et des planètes au moment de ma naissance, la présence dans ma jeunesse des champs et des forêts, les circonstances de la vie, limpact de mon environnement, ont fait de moi ce que je suis, et cest mon univers à moi, cet amalgame de faits et de rencontres, qui sexprime ici et qui non seulement a déterminé la présence de mes blogs mais aussi de mon sujet daujourdhui, réduisant ainsi ma liberté de choisir à très peu de choses pour ne pas dire à zéro.
[1] André Pézard : Dante, Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1965.[2] Raymond Abellio : idem
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