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    Onderwijskrant Vlaanderen
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    30-07-2014
    Klik hier om een link te hebben waarmee u dit artikel later terug kunt lezen.Onderwijs. Cultuuroverdracht en kritiek op 'Le maître ignorant van Rancière"

    Over  belang van cultuuroverdracht en kritiek op "Le maître ignorant" van Jacques Rancière - en de sympathie voor de visie van Rancière vanwege  de Leuvense prof. Jan Masschelein

    Inleiding

    Ik heb nooit goed begrepen waarom de Leuvense prof. Jan Masschelein zo hoog opliep met de visie van de Franse filosoof Jean Rancière in zijn boek  "Le maître ignorant”.

    In deze bijdrage stellen we vooreerst een andere visie op kennis- en cultuuroverdracht voor. In punt 2 komt de visie van Rancière aan de orde. Ten slotte publiceren we in punt 3 een kritiek op de visie van Rancière

    1.La transmission est aussi source d’émancipation (Hiérarchie et éducation 2/2) juin 8, 2014  -Valéry Witsel   

    Les nouvelles conceptions de l’enseignement qui privilégient l’auto-apprentissage à la transmission sapent l’autorité intellectuelle de l’enseignant. Or, il se peut que cette dernière approche soit tout aussi nécessaire à l’épanouissement intellectuel des citoyens que l’échange démocratique.

    Après la chaire du prêtre, le trône du roi, le prétoire du juge, l’estrade du professeur tend à vaciller. Depuis les années 70 et l’avènement du rénové, l’importance croissante de la place accordée à l’expression et aux aspirations des élèves a contribué à modifier le statut de l’enseignant et du savoir dont il était dépositaire. À l’heure où sont destituées les grandes figures d’autorité, le professeur doit-il s’astreindre à n’être qu’un simple citoyen dans le lieu de vie qu’est la classe ? Comme d’autres espaces, la classe doit-elle devenir un lieu où se vit à chaque instant la démocratie au nom des droits individuels de chacun ? Si ce n’est le cas, quel fondement autoriserait le professeur à revendiquer un statut d’exception?

    Une des tendances actuelles est de partir systématiquement des impressions ou des opinions des élèves, par souci de liberté d’expression ou de droit à la différence, pour établir les fondements de la connaissance. Dès lors,  le rôle du prof consisterait-il seulement à révéler aux élèves ce qui est enfoui en eux-mêmes ? En réalité, il est illusoire de penser que les jeunes disposent seuls des ressources suffisantes pour construire le savoir qui leur était autrefois délivré par le professeur. Sans verser dans l’idéalisme naïf du passé, force est de constater que l’excessive mise en place d’exercices d’expression personnelle, de travaux de recherche ou de débats, sans préparation préalable à un contenu, comporte de nombreux risques.

    Un des dangers de l’application dogmatique de cette approche prétendument égalitaire est l’enfermement de certains jeunes dans la culture dispensée par la famille, les médias et la rue. Ces derniers seraient condamnés à ne jamais entrevoir d’horizons autres que ce qu’ils connaissent déjà. L’accès au savoir étant très variable d’un foyer à l’autre, l’école se déchargerait de sa mission sociale et renforcerait les inégalités. Si l’école doit se garder de porter a priori un jugement de valeur sur la culture d’origine de ses élèves, il est essentiel qu’elle demeure pour tous une fenêtre ouverte sur un « ailleurs ». Etre à l’écoute des besoins et des projets exprimés par chacun est nécessaire mais insuffisant. Le prof doit aussi éblouir, fasciner, transporter par son savoir, ses idées et ses passions. De cette façon, l’enseignant regagnera naturellement l’estime de ses élèves.

    Bien sûr, il est évident que tout savoir n’est pas bon à transmettre. Il ne doit notamment pas se limiter à des connaissances encyclopédiques ou procédurales qui ont parfois tendance à écraser ou écœurer le jeune. Le savoir doit pouvoir faire sens et pousser celui-ci à questionner le monde dans lequel il évolue, en toute autonomie. Les enseignants multiples et divers, riches de leur formation, de leurs expériences et de leurs lectures, doivent permettre au futur citoyen d’entrevoir des champs d’exploration nouveaux à partir desquels ce dernier pourra librement se positionner en élaborant un projet de vie propre et en s’engageant dans la société. C’est de cette manière que l’école respectera les aspirations individuelles des jeunes. Pour ce faire, il est nécessaire d’assurer aux professeurs une posture d’exception et d’assumer l’inégalité qui caractérise le rapport professeur-élève au sein de la classe.

    Certes, en délivrant un savoir nouveau, « étranger », le prof ose le risque d’asséner une violence symbolique au jeune, en l’arrachant momentanément au confort de ses propres perceptions. La langue repliée  « en dedans », les oreilles tendues vers « le dehors », l’élève est ainsi sommé de faire abstraction de lui-même. Mais cet exil momentané, cette tension vers l’autre n’est-elle pas une des conditions de possibilité de toute participation à la vie citoyenne ? La construction d’une société commune n’implique-t-elle pas un effacement provisoire des individus au nom du bien commun ? Le débat démocratique requiert une aptitude à la remise en question, à l’écoute et ne se réduit certainement pas à la somme de paroles individuelles qui s’affrontent. À cet égard, la lutte contre la rumeur bavarde et assourdissante qui investit les salles de cours est un enjeu crucial qui dépasse le nécessaire confort du prof dans l’exercice de son métier. L’acceptation d’un rapport d’autorité dans le cadre de la classe constitue dès lors, paradoxalement, un apprentissage nécessaire à l’exercice démocratique.

    La vie d’une classe peut être interprétée de façon analogue à la lecture d’un livre où se tisse une relation entre un écrivain et un lecteur. Le lecteur accepte, pendant le temps de lecture, de s’effacer, d’« écouter », de comprendre le contenu d’un discours émis par un autre, sans avoir la possibilité de répondre de façon simultanée. C’est le temps de la réception, pendant lequel le lecteur accepte potentiellement d’être chamboulé, remis en cause, transformé par ce qu’il lit. Après ce premier rapport asymétrique où l’auteur fait autorité, le lecteur peut ensuite intégrer un processus dialogique marqué par l’horizontalité, à travers l’interprétation, l’annotation ou l’écriture d’un nouveau livre en réponse. Ce dialogue qui s’installe est donc entrecoupé d’intervalles où les interlocuteurs acceptent volontiers un rapport d’ascendance momentané.

    Le rapport d’autorité prédominant dans l’espace-temps qu’est la classe doit-il pour autant interdire tout type d’expérience démocratique réelle de la part des élèves ? Non, bien sûr. Comme c’est le cas à travers l’expérience de lecture, ces deux exigences ne sont pas nécessairement contradictoires. Il ne s’agit pas d’asséner des savoirs que les élèves n’auraient qu’à croire et prendre pour acquis, sans être discutés, débattus, mis en perspective. Une fois le sens de l’écoute intégré et les notions délivrées par le prof étudiées et comprises, il est indispensable que le jeune soit initié, ensuite, de façon cadrée, à la réflexion, à la critique, à l’argumentation au travers notamment de temps de questions et de dialogues. Tout est une question de timing. Le prof a alors lui-même le devoir de se placer en situation d’écoute et de stimuler l’expression. De cette manière, la mobilisation individuelle et collective de savoirs acquis à travers, par exemple, des dissertations ou des temps de débats doit constituer l’aboutissement d’un processus et une des finalités de l’école.

    Démocratie et autorité n’entrent donc pas forcément dans un rapport d’exclusion réciproque. Toutes deux sont indispensables à la formation d’un esprit citoyen.

    Pour un autre regard sur la question de la hiérarchie dans l’éducation, voir « Le maître ignorant (Rancière) ou l’aventure de l’émancipation intellectuelle », dans ce même dossier.

    2.  Le maître ignorant ou l’aventure de l’émancipation intellectuelle (Hiérarchie et éducation 1/2)

    Jonathan Galoppin, juin 8, 2014              

    Il faut que je vous apprenne que je n’ai rien à vous apprendre.  J. Jacotot. [1]Il suffirait d’apprendre à être des hommes égaux dans une société inégale. J. Rancière [2]

    L’aventure de Jacotot (?)

    Le maître ignorant est un livre du philosophe Jacques Rancière rapportant « l’aventure intellectuelle » faite par Joseph Jacotot en 1818, alors lecteur de littérature française à l’université de Louvain. Le point de départ de cette aventure est le suivant : Jacotot ignorait le néerlandais – et ses élèves, le français. Il ne pouvait donc communiquer que par le biais d’une chose commune : or, il se publiait alors à Bruxelles une édition bilingue du Télémaque de Fénelon. Jacotot tenta ainsi une expérience singulière : celle de faire apprendre le français à des élèves avec qui il ne pouvait communiquer. La nécessité de la situation – presque absurde, de prime abord – révéla pourtant à Jacotot ce qui dirigera ensuite l’ensemble de ses recherches intellectuelles : l’enseignement universel.

    En effet, Jacotot, laissant sur cette route hasardeuse ses élèves livrés à eux-mêmes, fut tout surpris de ce qu’ils avaient pourtant appris : ils étaient parvenus, en un temps record, à comprendre Fénelon et à dire ce qu’ils en pensaient en français ! L’acte essentiel du maître n’était-il pas celui d’expliquer ? Cette expérience venait ainsi ébranler Jacotot dans ses certitudes – celles d’un professeur qui, en 30 ans de métier, avait raisonné, consciencieusement, en explicateur : transmettant ses connaissances en en dégageant les éléments simples, et menant les esprits dont il avait la charge, progressivement, vers la complexité. Ainsi, les explications du maître étaient-elles donc superflues ? Ou, si elles ne l’étaient pas, à qui et quoi étaient-elles donc utiles ?

    Le système explicateur et le maître ignorant

    Ce que cette expérience met en lumière, selon Rancière – suivant les traces de Jacotot, à travers ses expériences pédagogiques concrètes –, c’est qu’il est nécessaire de renverser la logique du « système explicateur ». En effet, « la logique de l’explication comporte le principe d’une régression à l’infini : le redoublement des raisons n’a pas de raison de s’arrêter jamais » (p. 12 [3]). La seule chose qui arrête cette régression potentiellement infinie est ce qui donne au système même son assise, à savoir le (jugement du) maître explicateur lui-même dès lors que lui seul décide « du point où l’explication est elle-même expliquée » (idem). La seule parole du maître, son explication, se conçoit alors comme l’abolissement de la distance entre savoir et apprenant – mais aussi : entre le fait d’apprendre et de comprendre. Rancière en conclut que c’est l’explicateur qui a besoin de l’incapable et non l’inverse : « expliquer quelque chose à quelqu’un, c’est d’abord lui démontrer qu’il ne peut pas le comprendre par lui-même » (p. 15).

    Il s’agit ici de démystifier la parabole d’un monde divisé en savants et ignorants. Il est important de comprendre qu’il n’est pas simplement question de critiquer la vieille pédagogie et « les vieux maîtres obtus », au contraire. Pour Rancière, l’abrutisseur est « d’autant plus efficace qu’il est savant, éclairé et de bonne foi » (p. 17). Que la manière de faire comprendre soit novatrice, attrayante, dynamique, importe peu : il s’agit toujours du même travail de deuil. Celui que l’élève fait lorsqu’il comprend – ou croit comprendre – qu’il ne comprendra pas sans explication. Rancière opère ainsi un déplacement dans le rapport au savoir lui-même. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une réflexion pédagogique sur la manière de transmettre un savoir. Si la transmission est toujours bien au centre de son questionnement, le savoir n’est plus la (seule) finalité. Clarifions à ce sujet une chose fondamentale : Jacotot (et Rancière) ne proclament pas l’inutilité du maître en tant que tel, mais l’inutilité du maître explicateur. En effet, l’expérience initiale de Jacotot démontre que si les élèves ont pu se passer d’explication, ils ne se sont pas pour autant passés d’un « maître ».

    Volonté, égalité et ordre social

    Ce que prône Jacotot dépasse donc les querelles d’écoles : il s’agit de bouleverser le « système explicateur » et, partant, l’ordre social qui en découle. Notons à ce sujet l’étonnant paradoxe du dogmatique système explicateur : tout homme apprend, seul, de nombreuses choses au cours de sa vie, et c’est sans doute ce qu’il apprend le mieux (sa langue maternelle, par exemple). Il n’y a d’ailleurs peut-être pas d’homme sur terre qui n’ait appris quelque chose sans maître explicateur.

    L’enseignement universel de Jacotot n’est pas autre chose : ses principes sont ceux de la plus vieille méthode, celle qui conduit l’homme à user de sa propre raison. L’enseignement universel ne se débarrasse pas pour autant du maître, mais il dissocie – à travers sa pratique concrète – les deux fonctions du maître explicateur : celle du savant et celle du maître. Il en résulte que, dans l’expérience de Jacotot, s’établit entre le maître et l’élève un pur rapport de volonté à volonté. C’est ici que Rancière établit la brisure entre domination émancipatrice et abrutissement explicateur : « il y a abrutissement là où une intelligence est subordonnée à une autre intelligence » (p. 25), pas lorsque la sujétion ne s’établit qu’au travers de la volonté. Jacotot (et Rancière) ne nient donc pas l’importance d’avoir un maître lorsque la volonté n’est pas assez forte pour agir seule ; l’émancipation s’accommode donc de la sujétion d’une volonté à une autre, non d’intelligence à une autre ; c’est d’ailleurs dans la coïncidence de ces deux aspects distincts que se noue l’abrutissement explicateur.

    Reste que nul ne veut se mesurer à la révolution intellectuelle que cette méthode signifie, insiste Rancière. L’ordre des choses lui interdit d’être prise pour ce qu’elle est : la méthode par laquelle chacun prend conscience de l’égalité des intelligences et la mesure du pouvoir de celle-ci. Cette méthode initie donc la rupture totale d’avec toutes les pédagogies, dès lors qu’elles se fondent – et fondent leur légitimité, leur pouvoir – à travers l’opposition entre science et ignorance. C’est sans doute ce qui fait la force subversive du message de Jacotot et de Rancière : la critique s’adresse aux fondements mêmes de l’ordre social établi, au cœur de la société pédagogisée. Le fond du raisonnement est celui-ci : que la forme pédagogique soit ancienne ou moderne, le postulat est le même, car il s’agit d’égaliser l’inégalité initiale et d’user de la ritournelle fantasmatique d’une école qui réaliserait l’égalité sociale. Comme le dit Rancière, « toute pratique pédagogique explique l’inégalité de savoir comme un mal, et un mal réductible dans une progression indéfinie vers le bien » (p. 197) [4]. Et que l’on soit tenant de la « vieille méthode » ou progressiste importe peu : il ne s’agit alors que de perfectionnement – de perfectionnement dans l’abrutissement, s’entend [5]. Car c’est justement en dissociant maîtrise et savoir que Jacotot tente de briser ce postulat inégalitaire, proclamant haut et fort l’égalité des intelligences.

    La révolution intellectuelle – hors des institutions

    En conclusion, la bonne nouvelle de Jacotot est simple : pour émanciper un ignorant, il faut et il suffit d’être soi-même émancipé, c’est-à-dire conscient du véritable pouvoir de l’esprit humain. Par ailleurs, on peut enseigner ce qu’on ignore si on émancipe l’élève, c’est-à-dire si on le contraint à user de sa propre intelligence. Ainsi, l’enseignement universel est l’expérience cruciale qui libère les pouvoirs de la raison, mécanisme sans fin où l’intelligence s’engendre par et pour elle-même. Remarquons encore ceci : pour Jacotot, l’aventure de l’émancipation intellectuelle ne peut se vivre au travers des institutions. Il s’agit de passer par les individus et les familles [6]. Car, comme le dit Rancière : « L’Instruction publique […] est le bras séculier du progrès, le moyen d’égaliser progressivement l’inégalité, c’est-à-dire d’inégaliser indéfiniment l’égalité. Tout se joue toujours sur un seul principe, l’inégalité des intelligences » (p. 218). C’est précisément là que se situe la lucidité singulière de Jacotot : avoir entrevu dans l’apparent progrès social – dans la promotion de « l’égalité » par l’instruction –, l’inégalité institutionnalisée, rationalisée et bonne pour être perfectionnée ; une égalité toujours retardée (de réforme en réforme) et un ensevelissement de l’émancipation sous l’instruction (p. 222).

    Ainsi, comprendre la démarche de Jacotot, c’est s’attacher à cette idée simple – mais vertigineuse car fondamentalement subversive : l’égalité ne peut être un but atteindre, mais doit être un point de départ.

     [1] Cf. Sommaire des leçons publiques de M. Jacotot sur les principes de l’enseignement universel, publié par J.S. Van de Weyer, Bruxelles, 1822, p. 11. Cité par Jacques Rancière dans Le maître ignorant, Fayard (10/18), 1987, p. 28.

    [2] Rancière Jacques, Le maître ignorant, Fayard (10/18), 1987, p. 221.

    [3] Les citations proviennent du Maître ignorant, cité plus haut.

    [4] Et la fiction du Progrès a vite dépassé les carcans de la pédagogie scolaire, prenant place comme fiction sociétale affirmée et privilégiée.

    [5] Car les progressistes sont, eux aussi, des explicateurs. Ils continuent à proclamer, à leur manière, l’inégalité des intelligences. Et comme le dit abruptement Rancière : « [Ils] n’ont pas d’autre pouvoir que cette ignorance, cette incapacité du peuple qui fonde leur sacerdoce » (p. 214).

    [6] Il s’agit de comprendre ici la portée « sociale » du message jacotiste (bien qu’il ne s’y réduise pas) : le père – ou la mère – de famille (que l’on pourrait caricaturalement dépeindre comme « pauvre et ignorant ») est typiquement l’un des modèles par lequel l’émancipation intellectuelle peut passer, dans l’idée de Jacotot.

    3. "Le maître ignorant" de Jacques Rancière... Je suis pas convaincu... Published by jérôme Bonnemaison - dans Philosophie  11 januari 2012

    J'ai lu " Le maître ignorant" du philosophe Jacques Rancière, censé être un texte important sur la pédagogie. Le fleuron d'une certaine pensée égalitaire (Rancière est un de ces penseurs fidèles au communisme, qui reviennent actuellement sur le devant de la scène intellectuelle).

    J'en sors circonspect. Bon, le moins que l'on puisse dire est que je suis plutôt court en sciences de l'éducation et pour tout ce qui concerne ces débats entre pédagogues... Et je ne voudrais pas tomber dans des clichés faute de disposer de mises en perspective suffisantes pour éclairer ce livre. Mais bon...

    Jacques Rancière a déterré de l'oubli l'oeuvre et les expériences du sieur Joseph Jacotot, qui au début du 19eme siècle se lança, un peu par hasard au début, dans une révolution pédagogique qui resta lettre morte (ce qui désole Rancière). Le livre décrit cette expérience, sans vraiment entrer dans les détails historiques (c'est regrettable à mon avis car du coup le livre devient largement conceptuel et assez verbeux) et essaie d'en tirer les conclusions, en expliquant pourquoi la tentative de ce Jacotot si génial fut une hérésie que les institutions s'empressèrent de liquider.

    Jacotot, qui par les aléas de la vie se retrouve à Louvain, doit apprendre le Français à des élèves qui ne causent pas un mot de français et avec lesquels il ne peut pas échanger. Faute d'autre solution, il se sert d'un livre de Fénelon (Télémaque) et de sa traduction. Il leur demande de le lire et de le répéter systématiquement, de tenter par la comparaison, d'en tirer une acquisition du français. Fénelon, c'est le français classique. Un bon début quoi... Puis il leur demande de parler en français de ce qu'ils ont lu. Et il est stupéfait du résultat : les élèves parviennent, sans qu'on leur ait appris quoi que ce soit, à s'exprimer correctement.

    Jacotot va poursuivre en ce sens, sans jamais édifier un système. Son approche (plus qu'une méthode) va prendre le nom d'"enseignement universel". Elle montre qu'on peut enseigner un savoir sans le connaître soi-même. Elle vise non pas à "abrutir" (c'est le terme de Rancière) en imposant un savoir, mais à "émanciper", c'est à dire à démontrer à l'élève qu'il peut accéder lui-même au savoir, à partir de n'importe quelle parole humaine. Car "tout est dans tout" : on peut entrer dans le savoir, user de son intelligence, en prendre conscience, en saisir l'universalité, à partir de n'importe quelle création humaine, qu'il s'agira de comparer à d'autres pour avancer.

    Jacotot met ainsi en avant une idée radicale : l'égalité de toutes les intelligences. Autre idée forte de Jacotot : le langage n'est qu'une technique. L'intelligence préexiste au langage. L'idée qu'il faille enseigner un langage pour développer l'intelligence des élèves est fausse.

    Il se heurte à la fois aux courants réactionnaires, qui défendent l'inégalité le plus vaillamment, mais aussi au progressisme républicain fondé sur l'idée du développement des intelligences, sur la notion d'instruction, sur la construction d'un système d'éducation progressif, gradué, un peu à l'image du développement de l'individu. Ce qui est subversif chez Jacotot c'est qu'il dynamite l'instruction et la nécessité des instructeurs. N'importe qui peut enseigner selon ses principes, et un maître qui ne connaît pas une note de musique peut enseigner la guitare, car enseigner c'est émanciper. Jacotot passera ainsi sa vie à recevoir des pères de famille ignorants pour leur expliquer rapidement comment émanciper leurs enfants et les conduire sur le chemin du savoir.

    Jacotot aura des admirateurs, des continuateurs, mais au mieux ils intègreront l'émancipation dans un projet progressiste organisé, n'éliminant pas l'instruction. Mais Jacotot restera un hérétique car il remettait en réalité en cause la nécessité du pédagogue lui-même. L'instruction apparaît comme une domination, un pouvoir, et part au fond du postulat de l'inégalité de l'intelligence.

    Ce qui me gêne dans le livre, c'est d'abord que Rancière assène que ça marche. Les élèves apprennent vite et bien. Voila donc, ça fonctionnerait. Des témoins l'ont affirmé et on les prend au pied de la lettre. Mais qui sont les élèves ? De quels résultats parle t-on ? La description du cheminement des élèves est très sommaire, et Rancière se concentre sur des développements conceptuels autour de cette notion d'enseignement universel, de ce qu'elle implique en termes de conception de l'homme, etc... Moi, désolé, ça ne me suffit pas.... Le philosophe aurait du emprunter un peu au sociologue ou à l'anthropologue.

    Sans doute certains éléments sont-ils séduisants dans l'expérience de Jacotot et dans les réflexions qu'elles inspirent à jacques Rancière. L'idée que "tout est dans tout" me paraît excellente. Mais pourquoi écrire cela en 1987 ? Il me semble que l'Education Nationale a depuis longtemps intégré cette idée là, et la diversification des supports de l'enseignement est une vieille réalité.

    Bien entendu, on peut aider quelqu'un à s'emparer d'un savoir qu'on ignore soi-même, car il y a des clés pour s'attaquer à ces forteresses, et le maître peut les apporter.

    Quand Rancière via Jacotot parle d'"abrutissement", on peut aussi opiner du chef. Nous avons tous connu, malheureusement, le primat détestable du cours magistral... Ces tunnels d'heures de cours passés à écrire ce que le maître, le professeur, le maître de conférences alignait... Pour en tirer quoi ?  Nous savons tous aussi que les élèves sont soumis à un culte de la moyenne imbécile qui méprise leur propre rythme de développement, bref leur singularité. D'ici à conclure que toute "instruction" est "abrutissement", il y a un pas que je franchirai pas pour ma part.

    L'idée de l'émancipation me plaît aussi. Si je replonge dans mon enfance, je vois bien que des démarches personnelles (la lecture des BD pour moi par exemple) m'ont peut-être plus formé à l'exercice du Français que bien des cours de collège. Mais cependant, auraient-elles été possibles, ces démarches émancipées, sans le soutien de bases fortes ? Sans cette part forcée de l'éducation, et pénible : apprendre à déchiffrer les syllabes, l'alphabet, réciter les nombres... J'en doute. Tout apprentissage intègre une part de contrainte, de souffrance aussi. Résumer tout cela à l'émancipation me semble un peu (faussement) candide.

    Ce qui me gêne aussi dans la réflexion de Rancière, c'est qu'elle élude la transmission, sa beauté et sa grandeur. Elle réduit l'explication à la domination. Oui il y a un rapport d'autorité dans la transmission. Et alors ? Il y a aussi la grandeur de passer le relais, de ne pas repartir à zéro, de bâtir sur ce qu'a produit la génération prédécente. Aujourd'hui il y a un mépris de la transmission, cette idée qu'il ne faut pas prendre le temps de regarder ce qui s'est dit et pratiqué dans le passé. A la dissertation, qui utilise les grandes pensées du passé, on préfère l'expression de soi. Mais qu'exprime t-on ? Avant de s'exprimer encore faudrait-il se tourner vers ceux qui ont essayé de comprendre ! La pensée de Rancière, alliée à la facilité de l'expression de soi grâce aux nouvelles technologies, ne conduit-elle pas à mépriser le passé ?

    D'autant plus que le postulat radical : "toutes les intelligences sont égales" rend inutile la transmission, finalement. "Toutes les intelligences sont égales", c'est tout de même une idée différente de celle des Lumières qui considère que tous les êtres humains sont également dotés en Raison.

    Pour ma part je souscris tout à fait à cette deuxième idée, mais l'égalitarisme forcené de la première me laisse un peu pantois. D'abord parce que je ne suis pas certain, contrairement à Rancière, que l'intelligence est une seule et même chose. Ma nullité crasse en maths n'a jamais été démentie, même par l'effort... Et je ne suis pas sûr que ce soit faute d'émancipation de ma part...  Ensuite parce que je pense qu'il nous est impossible de comprendre comment Mozart devient Mozart, même si nous savons que tout le monde ne pourrait pas devenir Mozart (et d'ailleurs il n'y a eu qu'un Mozart et il n'y en aura plus d'autre). Et en définitive tant mieux, cela nous rend moins pérméable à l'action des pouvoirs... L'Homme est irréductible et c'est très bien. Sans trancher sur ce qui conduit les êtres à devenir eux-mêmes, si nous parvenions à l'égalité des droits, ce serait déjà très bien... Et nous en sommes très loins, nous nous en éloignons.

    Au fond, Rancière est resté l'élève d'Althusser et le maoïste qu'il a été (je ne sais pas à quel point d'engagement). Dans le maoïsme occidental, phénomène petit-bourgeois intellectuel par excellence, il y avait la honte de soi. Et la volonté d'expier son statut privilégié à cette époque où les étudiants n'étaient qu'une minorité : d'où la fascination pour un prolétariat recréé de toutes pièces. Un de leurs slogans était tout à fait parlant : "Se mettre à l'école du peuple"... L'intellectuel est forcément un tyran en puissance, un exploiteur et un dégénéré, et il paie cela en allant s'établir en Usine (comme les intellectuels chinois qu'on envoyait de force à la campagne, ce qui déstabilisa l'économie du pays et entraîna des famines monstrueuses). J'avoue que pour ma part, issu d'un milieu populaire, je ne trouve pas qu'en progressant scolairement j'aurais dégénéré et je suis plutôt content de mon parcours et de ce que j'ai pu puiser dans l'école républicaine malgré tous ses défauts, son hypocrisie de machine à trier, et ses aspects proprement révoltants parfois. Je sais aussi ce que je dois aux "instructeurs" un peu sévères qui m'ont obligé à me mobiliser, à apprendre des leçons bêtement parfois. 

    Rancière voit l'enseignement classique, bâti sur la progression, conçu comme une construction, comme un système de domination. Au contraire, il me semble que l'idée de construire sur des bases a montré son efficacité, a éduqué des générations. Et on sait ce que coûte l'insuffisance de bases. Le savoir a besoin d'être organisé, et cela n'est pas spontané. Cela relève de la transmission justement : de ce que nos prédecesseurs ont trouvé, expérimenté, et qu'ils nous lèguent. Comment se réclamer du progrès humain en abolissant la transmission ?

    Enfin il y a une idée chez Rancière qui me déplaît foncièrement et me semble dangereuse : c'est l'idée que le langage est neutre. Qu'il n'influence pas l'intelligence. C'est une idée qui me paraît, justement, typique de quelqu'un qui a du accéder à un langage riche très vite dans son enfance. L'épanouissement de l'intelligence, me semble t-il au contraire, est très lié au langage qui lui donne forme. La nuance c'est la liberté. L'absence de nuance, c'est se faire berner. Les dominés sont des êtres privés de la puissance du langage, et des dispositifs puissants essaient de les flatter en ce sens, de les confiner dans la pauvreté du langage. Ne pas nommer c'est ne pas saisir la réalité. S'il y a une urgence dans le combat éducatif, c'est bien de défendre la puissance de la langue et de la diffuser. Dans ce Blog j'ai dit plusieurs fois mon admiration pour Georges Orwell, dont le chef d'oeuvre "1984" repose sur ce lien entre totalitarisme et appauvrissement du langage. Prétendre défendre l'"émancipation" comme Rancière et réserver au langage une place secondaire, c'est un contresens absolu. Telle est mon impression en tout cas.

    Rancière reste sans doute marqué par sa jeunesse intellectuelle quand il écrit "le maître ignorant". Et au final je ne partage pas son enthousiasme pour l'enseignement universel même si l'apport de Joseph Jacotot, démontrant que le peuple pouvait apprendre, qu'il n'était pas condamné à l'obscurantisme, et qu'il n'y avait pas de différence de nature entre les sachants et les autres, est salutaire.

    Reacties

    Bill: Sait-on comment Rancière, qui était professeur, enseignait lui-même? A chaque fois que je l'ai entendu sur un média, il avait une approche très magistrale (j'explique ce que je sais – cette histoire de Jacotot par exemple - à quelqu'un qui ne sait pas). Ses lives eux-mêmes assènent un savoir, de haut en bas, sans laisser vraiment de place à la contradiction. Il serait intéressantd'avoir des témoignages de ses étudiants en philosophie. De même Rancière semble souvent prendre ses désirs (qu'on peut partager) pour des réalités. Il présuppose souvent que les ouvriers, les pauvres, les ignorants sont savants, mais sans réellement le prouver, ou alors en allant chercher des expériences très marginales (quelques membres de l'élite ouvrière du milieu du XIXè qui écrivent, oh miracle, de la littérature, des élèves qui apprennent une langue en lisant le Télémaque, etc...) qui ne sauraient faire oublier que l'immense majorité des classes populaires n'a pas accès, ou a moins accès, à la culture légitime. Mais dire cela, pour Rancière, c'est mépriser les ouvriers...

     jérôme Bonnemaison: Je suis d'accord, "Bill". Tout le monde doit refuser d'être "sachant", sauf lui. Lui il peut l'être, et lui seul. Et les copains de son courant intellectuel aussi. Encore une preuve du fait que décidément on ne peut pas se regarder passer dans la rue depuis sa propre fenêtre.

     jérôme Bonnemaison : d'accord avec ton analyse Bill. Le propos de rancière me paraît typique de quelqu'un qui n'a jamais ressenti le sentiment d'ignorance.

     

     

     

     


    30-07-2014 om 17:18 geschreven door Raf Feys  

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    Tags:Cultuuroveerdracht, Rancière
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    29-07-2014
    Klik hier om een link te hebben waarmee u dit artikel later terug kunt lezen.Onderwijs. Wat loopt er zoal fout op onze Finse scholen? Interview met Maarit Korhonen

     Qu’est-ce qui ne va pas avec nos écoles (Wat loopt er fout op onze Finse scholen) ?  Entretien avec Maarit Korhonen (Finse lerarares)  (“Men doet weinig of niets voor de betere leerlingen”, enz.) (Bijdrage in:  Recherches en Education - n°16 - Juin 2013)

    Auteur: Fred Dervin (prof. universiteit Finland)

    Présentation : Maarit Korhonen est enseignante du primaire depuis plus de trente ans. En août 2012, elle a publié   un  pamphlet  (boek!) intitulé  Qu‘est-ce   qui  ne  va  pas  avec  nos  écoles ? (Koulun  vika ? en finnois),  dans  lequel  elle raconte  le  quotidien  dans plusieurs  écoles  finlandaises      elle   a travaillé.  Nous avons pu la rencontrer pour parler de son livre.

    Fred Dervin : La première question que j‘ai envie de vous poser, c‘est pourquoi avez-vous décidé d‘écrire ce livre ? Quand l‘idée vous est-elle venue ?

    Maarit   Korhonen :  Il  y  a  deux  raisons  en fait.  D‘abord,  j‘étais  fatiguée  d‘entendre  ce  que  les  médias racontaient sur l‘école finlandaise et sur le travail des enseignants. La deuxième raison  est liée au fait que j‘ai travaillé dans une école très élitiste à Helsinki, Kulosaari, il y a deux ans. J‘avais    décidé   d‘y  travailler   car  je  ne  supportais  plus les  assistantes  sociales  et  l‘accompagnement des familles en difficulté, là où je travaillais. Je voulais enseigner, pas jouer l‘assistante sociale, alors j‘ai choisi la meilleure école en Finlande, j‘ai envoyé mes papiers et j‘ai  pu  obtenir  un  poste  pour  un an.

    Au  début, j‘étais choquée :  je ne  savais pas  qu‘il  y  avait des  familles si riches en Finlande. Le matin, le père venait chercher ses enfants en Ferrari et tout cet argent, tous ces gamins qui ont déjà pu faire le tour du monde au moins une fois. J‘arrivais d‘une  école à Turku où les enfants n‘avaient même pas les moyens de s‘acheter des bottes d‘hiver.  Alors que là, ils avaient tout. Certains avaient par exemple cinq maisons ! Mais ces gamins, ils n‘étaient pas heureux. J‘aurais pensé avant qu‘ils auraient été plus heureux que les autres, mais  j‘avais tort. La plupart était sous la pression des parents  : il leur fallait un 10/10 partout autrement les parents se mettaient en colère ! En plus, les enfants avaient plein d‘occupations, des dizaines  de hobbies à la sortie de l‘école... et des parents souvent absents de la maison. Je me demande  toujours lesquels sont les plus heureux : les « pauvres » ou les « riches ». Donc pendant mon année là-bas, je me suis dit : il faut absolument que je publie un livre sur ça, sur ce contraste !

    FD : Vous êtes l‘une des premières personnes à qui je parle de l‘éducation finlandaise et qui fait  référence aux classes sociales…

    MK :   Quand  je  parlais  à   ces  gosses  de  huit ans  à  Helsinki,  c‘était  comme  si  je  parlais  à  des  jeunes   de  douze   ans  dans  l‘autre  école  à  Turku.  Leurs  connaissances  générales  étaient  épatantes.  Je  pouvais  aller  en  profondeur  durant  les  cours  de  religion.  Ça  c‘était  du  vrai  enseignement ! Je suis sûre que ces gamins iront très loin dans la vie. En plus, leurs parents connaissent tout le monde ; ils ont d‘excellents réseaux. Pourtant, je me demande s‘ils vont tous  réussir  car  il  y  a  beaucoup  de  pression  de  la  part  des  parents.  J‘ai  vu  des  enfants  souffrant d‘anorexie, de dépression, déjà à huit ans !

    FD : Donc la Finlande connaît bien le phénomène de la reproduction sociale ?

    MK : Bien sûr, ces parents ont de l‘argent pour payer des cours privés…

    FD : Il y en a en Finlande ?

    MK : Si les enfants n‘apprennent pas… par exemple, quand on a commencé la première leçon  de  mathématiques  à  Helsinki,  un  élève  m‘a  dit:   « j‘ai  déjà  fait  tout  ça  pendant  l‘été ».  Il  était excellent ! J‘ai donné moi-même des cours privés… Il y a aussi des cours d‘été en Angleterre, aux Etats-Unis… en bref, tout pour s‘assurer que leurs enfants seront docteurs ou avocats. 

    FD : Et ça s‘entend en finnois ? Je veux dire la classe sociale ?

    MK : Pas vraiment mais… par exemple, je suis assez inquiète pour mes CM2  (2de jaar s.o.) cette année. Le  manque de vocabulaire en finnois est effrayant. J‘ai utilisé par exemple le mot aukeama (diffuser) l‘autre jour et je leur ai demandé s‘ils le connaissaient. Ils m‘ont dit que non. Donc les mots de  base  leur  manquent.  Dans  les  endroits  aisés,  ils  n‘ont  pas  ce   problème. Au  contraire,  ils connaissent des mots et expressions soutenus qui m‘étonnaient parfois. 

    FD : J‘ai lu récemment dans Helsingin Sanomat (journal national finlandais) qu‘un bon nombre de  parents commencent à « tester » les écoles avant d‘inscrire leurs enfants. C‘est vrai ?

    MK :  Sans  aucun  doute.  Pour  mes  propres  enfants,  je  le  ferais. J‘appellerais le proviseur pour lui demander si l‘enseignant est compétent par exemple…

    FD : Je vous arrête à nouveau, mais y a-t-il des profs incompétents ici ?

    MK : N‘importe qui peut travailler comme enseignant en Finlande, comme remplaçant pendant un  an    je  veux   dire,  sans  avoir  aucune  qualification.  Dans   mon  école  actuelle,  on  avait  une enseignante russe, compétente en Russie, mais pas en Finlande. Elle parlait très mal le finnois. Et bien, elle a enseigné le CE1 pendant un an et personne ne s‘est plaint. 

    FD : Cela veut-il dire qu‘il y a une pénurie d‘enseignants comme en Angleterre ? MK : Non, je ne pense pas. C‘est encore très difficile d‘entrer dans les instituts de formation. Les  jeunes sont toujours intéressés par le métier. Les profs sont vraiment respectés ici : durant les réunions avec les parents, tout le monde se tait et écoute le prof comme s‘il était un prêtre !

    FD : J‘ai fait mon  teacher training en Angleterre et là-bas les profs sont peu respectés à mon avis. Les médias se moquent souvent d‘eux…

    MK : On n‘a pas ça en Finlande. Les gens vous respectent. Parfois j‘utilise d‘ailleurs mon statut  de prof. Par exemple, l‘autre jour, un gendarme m‘a arrêtée parce que je roulais un peu trop vite,  quand  il  a  appris  ma profession,  il  m‘a  laissée  partir…  (Rires).  C‘est  certainement  pourquoi  beaucoup de jeunes veulent devenir profs. Le respect.

    FD : Dans de nombreux pays, personne ne veut devenir enseignant. Ce qui m‘étonne dans mon  département à Helsinki, c‘est le nombre incroyable de candidats pour l‘examen d‘entrée, surtout  pour le primaire. C‘est très bien mais j‘ai du mal à comprendre cet attrait…

    MK : Oui c‘est un bon métier… mal payé toutefois !

    FD : Parlons à présent des migrants si vous le voulez bien. Vous travaillez comme enseignante depuis trente ans en Finlande, vous avez certainement pu observer de nombreux changements en la matière. Comment cela influence-t-il votre travail ?

     

    MK : Je n‘y prête même plus attention. Actuellement, j‘ai vingt-deux élèves dans ma classe dont huit « migrants », entre guillemets

    FD : Pourquoi entre guillemets ?

    MK :   Ils  sont  nés  en  Finlande  mais  leurs  parents  viennent  de  l‘étranger.   Et   pourtant,   on   les appelle des immigrés, au moins durant les six premières années à l‘école. Surtout s‘ils ne parlent  pas finnois à la maison, alors ce sont des « migrants ». Dans le cas de mes élèves, ils parlent un finnois excellent et je dirais qu‘ils écrivent mieux que mes élèves « finlandais ». Le seul problème avec les élèves « migrants », c‘est que je dois les envoyer chez d‘autres enseignants parce qu‘ils  sont « migrants ». Par exemple, l‘année dernière, je ne voyais certains gamins que trois heures par semaine au lieu de vingt-deux heures.

    FD : Ils allaient où exactement ?

    MK : Ils avaient le finnois comme langue seconde pendant quatre heures, la géographie avec un enseignant  qui  leur  expliquait   les  mots  difficiles,  les mathématiques avec  un  enseignant spécialisé. Ils avaient aussi des cours de langue 1, une heure par semaine.

    FD : Ils ont le droit de refuser les cours de langue 1 ?

    MK :  Non,  c‘est  obligatoire.  J‘ai  vérifié  avec le  Ministère l‘année  dernière parce  que j‘avais  un  problème avec un garçon qui se plaignait. Il me répétait tout le temps qu‘il ne parlait pas du tout  le même type de kurde que son prof et qu‘il n‘y comprenait rien… C‘est un véritable chaos ! Je crois que quelqu‘un a inventé ce système sans trop réfléchir… Il y a dix ans, on avait des élèves migrants,  c‘est-à-dire  qui  venaient  vraiment  d‘ailleurs  et  ne  parlaient  pas  un  mot  de  finnois,  il  fallait donc leur apprendre. Maintenant avec ceux qui sont nés ici et qui parlent finnois, on les traite de la même façon. On a dix ans de retard ! C‘est un système ridicule : les proviseurs savent qu‘ils   reçoivent   plus   d‘argent   quand   ils   disent   qu‘ils  ont   50%   de   migrants   dans   leurs  établissements. A mon avis, on devrait traiter ces enfants comme des « Finlandais », les parents peuvent faire le reste avec la langue et la culture « d‘origine » !

    FD :   Vous  n‘avez  pas  peur  de  passer  pour  une  « raciste »  en   disant   ça ?  Je   veux   dire   que certaines personnes pourraient vous accuser de faire preuve d‘assimilationnisme…

    MK :  Je ne  pense  pas que  la  langue   et  la  culture  des  parents  soient  de  la  responsabilité  de l‘école.  On  n‘a  pas  assez  de  ressources  pour  s‘occuper  des  « Finlandais ».   Tout  va  pour   les « migrants » mais tous les enfants talentueux voire doués, on ne fait rien pour eux. Par exemple, si  un  enfant  a  des  problèmes  en  mathématiques,  je  n‘ai  qu‘une  heure  supplémentaire  par  semaine  pour  l‘aider.  C‘est  ridicule  car  les  « migrants »  nous  demandent  tout  le  temps  s‘ils  peuvent aller dans les classes « normales » avec les autres, s‘ils peuvent étudier en finnois. On doit leur dire non. C‘est la loi… 

    FD : Les parents se plaignent-ils de ce système ?

    MK : Non, parce qu‘ils ne savent pas que ça marche comme ça. Les parents des « migrants », eux, ne veulent pas de ces cours. Ils exigent souvent que leurs enfants soient avec les autres. Les Russes par exemple. Parfois, ça marche mais ça dépend du proviseur.

    FD : Parlons un peu de PISA. Vous expliquez comment le succès finlandais ?

    MK : Pour moi, c‘est clair : c‘est une question de moyenne. Tous nos élèves arrivent à atteindre le niveau minimal, qui pour moi est 8/10. J‘enseigne jusqu‘à ce que tout le monde obtienne cette  note. Mais les plus doués n‘ont aucune motivation, en fait, on ne s‘occupe même pas d‘eux. 

    FD : Que se passe-t-il alors pour eux ?

    MK :   Rien.  Jamais  rien.  Ils  restent  assis  à  ne  rien  faire,  à  attendre  ou  bien  l‘enseignant  leur  donne du travail supplémentaire ou ils aident les autres. Les manuels ne vont jamais très loin non plus. On devrait avoir des classes spéciales pour eux ou même des établissements. Mais c‘est un tabou dans ce pays…

    FD :  Mais  c‘est  contradictoire  car  quand  on  arrive  à  l‘université,  on  doit  passer  un  concours  d‘entrée et seuls les plus talentueux peuvent y entrer…MK : On dit souvent qu‘au primaire et au collège, on n‘a pas besoin de faire de différences entre  les élèves. Mais vous avez raison, au lycée et à l‘université, c‘est très compétitif. Ma nièce, qui  est  très  douée  par  exemple,  n‘a  rien  fait  pendant  ses  années  au  primaire  et  au  collège  et  pourtant sa moyenne était de 9,7/10 tout le temps. Quand elle est arrivée au lycée, c‘est là où  elle a commencé à travailler.

    FD : Bon, passons à l‘évaluation. L‘une des idées qui circulent sur l‘éducation finlandaise, c‘est  qu‘il n‘y en a pas…

    MK : Ah bon ? On évalue dès le CP…

    FD : Mais on ne donne pas de notes ?

    MK :  Bien  sûr que  si…  ça  peut dépendre de l‘école,  je  crois.  Dans mon école,  on  donne  des  notes en finnois, mathématiques et anglais jusqu‘au CE2, puis dans toutes les matières. A  une époque, on avait abandonné l‘évaluation formative mais on y est revenus rapidement (rires). Moi,  j‘aime évaluer car si on ne donne pas de notes, il me semble que le niveau baisse, on n‘arrive  pas à contrôler l‘apprentissage. 

    FD : Les parents se plaignent-ils parfois des notes ?

    MK : Oui, surtout les plus « riches » (rires). A  l‘école où j‘enseignais à Helsinki, je me souviens  de  la  première  fois    j‘ai  rendu  des  notes.  8,5/10  était  la  note  la  plus  basse.  Deux  ou  trois  enfants  se  sont  mis  à  pleurer  car  ils  s‘attendaient  à  obtenir  un  10…    J‘en  ai  parlé  avec  des  parents  qui  m‘ont  dit  que  8  ne  valait  rien.  Une  maman  m‘a  même  dit : « pour    8,  il suffit simplement de venir en classe, pas besoin de travailler. 10, c‘est autre chose ».

    FD :  C‘est  très  intéressant !   Alors,   pour   finir   cet   entretien,   vous   pouvez   me   dire   ce   que   vous aimez dans le système finlandais et ce qui vous déplait ?

    MK : D‘abord. Ce que j‘aime, c‘est le fait que les enseignants finlandais reçoivent tous la même  formation et qu‘ils sont relativement compétents. J‘ai du mal à trouver d‘autres choses là comme  ça (rires).

    FD : Et le fait que les repas sont gratuits du primaire au lycée ?

    MK :  Ah  oui,  ça  c‘est  mon  sujet  préféré !  Oui,  c‘est  bien  que  les  élèves  puissent  manger  gratuitement,  mais  j‘ai  du  mal  à  comprendre   que   les  parents  eux   mangent   pour  sept  ou  huit euros    pour   le  lunch  alors   que,   pour  leurs  enfants,   ça   coûte  soixante-dix   centimes      aux municipalités !

    FD : Oui, mais enfin tous les parents ne peuvent pas se payer un repas à sept ou  neuf euros tous les jours…

    MK : Je parle des parents qui travaillent et qui doivent aller dans un restaurant ou une cafétéria. Bon mais peu importe… en tout cas, à l‘école, oui, c‘est bien qu‘on leur offre ces repas car pour  certains, c‘est le seul repas chaud de la journée qu‘ils reçoivent. Quand même, je pense que la  qualité de la nourriture est très mauvaise surtout en termes de goût, parfois c‘est froid, il n‘y a  pas assez pour tout le monde… Pour moi, c‘est honteux ! Je conseille d‘ailleurs aux enfants de  prendre un petit sandwich avec eux car on mange à midi et, entre 8 heures et midi, ils ont faim… 

    FD : Autre chose que vous n‘aimez pas ?

    MK : Les manières des enfants. Ils ne disent plus bonjour, je dois insister pour qu‘ils me saluent.  Même   chose  avec  les  stagiaires  dans  les  instituts  de  formation.  Quand  je  travaillais  à  l‘école  normale de Turku, je ne comprenais pas pourquoi par exemple les étudiants entraient dans nos classes   avec   du   café   et des   gâteaux.  Je les   chassais !  Quant aux  parents,  j‘en  ai  vu  se faire insulter par leurs enfants dans les conseils de classe. Je me souviens de cette fille de neuf ansqui  n‘arrêtait  pas  d‘être  vulgaire  avec  sa  mère,  elle  lui  faisait  du  doigt,  etc.  Elle  l‘a  même  fait  pleurer devant moi !

    FD : Ah oui ?

    MK : Oui, c‘était un peu comme dans une comédie !

    FD :  Maarit  Korhonen,  je  vous  remercie  d‘avoir  partagé  vos  expériences  sur  l‘école  primaire finlandaise.


    29-07-2014 om 19:19 geschreven door Raf Feys  

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    Tags:Finland, Fins onderwijs
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    Klik hier om een link te hebben waarmee u dit artikel later terug kunt lezen.Onderwijs. Beperkte omvang scholen in Zweden & Finland: enkel gemeenschappelijke cyclus lager s.o. mogelijk!

     Beperkte omvang van scholen in Finland en Zweden in vergelijking met Vlaanderen en gevolgen voor inrichting lagere cyclus s.o.
     
    *Finland: combinatie lager onderwijs + lagere cyclus s.o.: gemiddeld 300 leerlingen
    *Zweden:: combinatie  lager onderwijs + lagere cyclus s.o.:  189 students (public schools) ;  152 students (independent schools)  (terloops: Finland: gemiddeld 300 leerlingen.
     Upper secondary :  343 students (public schools) ; 189 students (independent school)

    Dat betekent dus ook dat er enkel een 'gemeenschappelijke' lagere cyclus s.o.  mogelijk is met weinig differentiatie en (technische)  opties. Dit is een grote handicap.

    29-07-2014 om 10:17 geschreven door Raf Feys  

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    Tags:Zweden, finland, omvang scholen, gemeenschappelijke lagere cyclus s.o.
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    28-07-2014
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    Pasi Sahlberg: "Howard Gardner’s Theory of Multiple Intelligences became a leading idea in Finnish education' !???


     Werd/wordt Gardner's MI (multiple intelligences) -theorie (lees:mythe) met succes toegepast in het Fins onderwijs? (Tussendoor: de voorbije jaren verschenen veel bijdragen over de MI-mythe - ook in Onderwijskrant).

    Fantaseert Pasi Sahlberg er o.i. op los als hij op zijn blog beweert: "The spirit of 1970s school reform in Finland included another idea that der...ives from U.S. universities and scholars: development of the whole child. ... After abolishing all streaming and tracking of students in the mid-1980s, both education policies and school practices adopted the principle that all children have different kinds of intelligences and that schools must find ways how to cultivate these different individual aspects in balanced ways. Howard Gardner’s Theory of Multiple Intelligences became a leading idea in transferring these policy principles to school practice. Again, the 1994 National Curriculum emphasizes that school education must provide all students with opportunities to develop all aspects of their minds. As a consequence, that curriculum framework required that all schools have a balanced program, blending academic subjects with art, music, crafts, and physical education. This framework moreover mandated that all schools provide students with sufficient time for their self-directive activities. Gardner’s influence has also been notable in the Finnish system by conferring a broader definition of “talent.”. Today, Finnish teachers believe that over 90 percent of students can learn successfully in their own classrooms if given the opportunity to evolve in a holistic manner."

    28-07-2014 om 15:46 geschreven door Raf Feys  

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    Tags:MI, Gaardner, Finland, Sahlberg
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    Nefaste Invloed van sociologie bourdieusienne op ideologie van – en ontscholing in -  collège unique (gemeenschappelijke lagere cyclus ) in Frankrijk.

     Passages uit bijdrage’ L’instauration d’un nouvel ordre moral sur l’éducation des jeunes’ van Nathalie Bulle (prof. sociologie) in Revue SKHOLE France

     “Les sciences humaines sont par ailleurs marquées, à cette époque (= vanaf jaren 60-70), par l’approche structuraliste issue de la linguistique et, en sociologie, par les interprétations de nature culturaliste, notamment dans la lignée néo-marxiste[11] de la sociologie bourdieusienne. Les explications culturelles viennent rénover le schéma marxiste. Le pouvoir social de la classe dominante et sa reproduction ne sont plus tant supposés s’enraciner dans la maîtrise des moyens de production économique, que dans celle des moyens de production « idéologico-culturels ». Le caractère radical de la critique développée engendre, en particulier chez les enseignants, alors convaincus que l’école reproduit à travers eux des inégalités contre lesquelles ils pensaient au contraire lutter, une conscience malheureuse qui s’est révélée, ainsi que certains l’expriment aujourd’hui, en définitive très destructrice.

    Les sciences humaines scandent à cette époque la fin de l’universel en l’homme. Le structuralisme amène à concevoir les cultures comme des totalités irréductibles, le monde commun comme une illusion, les structures normatives à partir desquelles s’organisent les échanges comme surimposant un sens caché, au sens exprimé ouvertement. La langue apparaît le véhicule d’un ordre moral et politique : « La langue…elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire » déclare Roland Barthes dans sa conférence inaugurale au Collège de France, en 1977.

    La critique sociale touche de plein fouet l’école. La conscience collective n’est plus vue comme en accord avec la conscience individuelle mais source d’oppression et d’aliénation, que ce soit à travers les institutions ou la culture transmise, l’école est au centre des attaques. L’homme ne maîtrise pas le sens profond de son action. Ce dernier est élaboré socialement. Ce sont les circonstances sociales, et non plus l’homme, qui doivent dès lors être mises au centre du processus éducatif, suivant le mouvement qui accrédite les prémisses naturalistes des conceptions progressistes, et qu’entérinera la célèbre loi d’orientation sur l’éducation de 1989. Nous vivons, dès lors, une étape idéologique qui se situe sur le même terrain que la critique des années soixante et soixante-dix, mais qui réconcilie conscience commune et conscience individuelle par une mise en valeur de la construction collective des normes d’action et de pensée. La forme tenue pour typiquement démocratique de la construction des savoirs s’appuie sur la notion d’interaction. La participation active du citoyen dans une société démocratique est pensée contre la réflexivité qui l’isole et qui suspend son action. Elle est pensée comme mise en commun des points de vue et des jugements individuels. Le collectif devient l’objectif, et l’individuel advient sur fond de social.

    L’éducateur progressiste tient tacitement l’école pour légataire de la fonction socialisatrice de l’Eglise. La justification du nouvel ordre moral qu’il entend instaurer à l’école s’appuie sur son opposition avec l’ordre ancien. La critique développée à l’encontre de l’apprentissage des disciplines de nature académiques trahit cet objectif moral, indépendamment de toute préoccupation relative aux objectifs cognitifs propres de l’école. La relation asymétrique entre celui qui sait et celui qui apprend est assimilée à une forme d’organisation sociale fondée sur l’autorité. Elle est interprétée comme participant d’une étape archaïque, infantile, une étape antérieure à celle de la réalisation des formes naturelles, c'est-à-dire démocratiques, de l’expérience humaine. C’est pourquoi l’enseignement des disciplines est aujourd’hui tenu pour régressif. Le progressisme pédagogique confond les formes de l’ordre politico-moral et les formes de la médiation sociale qui sous-tendent le développement intellectuel. Dès lors, les savoirs constitués représentent une pensée reçue, détachée du réel et du vécu. Ils sont associés au rôle social antérieurement joué par le sacré, à la reproduction d’un ordre existant. L’abstraction, le formel, évoquent les relations avec un monde supra-naturel fictif. L’enseignant est comparé au prêtre, représentant d’une autorité supérieure, dispensant la bonne parole. En même temps ce qui est interne évoque le religieux, le spirituel, un monde du passé. La culture individuelle, l’intériorité, passent pour contre-nature. Le citoyen dans la société démocratique moderne doit être, d’une manière concrète, tourné vers le monde extérieur, les autres et le monde naturel.

    Les représentations de l’homme et de son développement qui ont investi l’école sont centrées non plus sur les facultés rationnelles de l’homme, liant à l’origine l’humanité au divin – ce que montrent les célèbres analyses de Durkheim[12] - mais sur la société comme entité donnant désormais son sens à l’expérience humaine. Ainsi le thème religieux est-il intrinsèquement présent, dans son retournement même. La lutte contre l’enseignement des disciplines exprime une lutte morale dont l’objet est de positionner le social à la place laissée libre par le sacré, comme dimension organisatrice de la société, faisant de l’éducation le fondement de la société moderne, un substitut du religieux.[13]

    Une mise au jour des processus qui ont conduit à la domination d’un ordre moral sur l’école, processus qui mettent au second plan la question des développements intellectuels et culturels des élèves, ne prétend pas que la mission la plus fondamentale de l’école ne soit pas d’ordre moral. Mais une fois clarifiée la grande mystification pédagogique moderne, plus grave que celle qui consistait, avec l’école républicaine, à tenir pour universelle des valeurs culturelles qui répondaient à un idéal humain particulier, apparaît celle qui consiste à tenir pour formatrices et inhérentes aux transformations des sociétés démocratiques modernes, des valeurs pédagogiques intellectuellement régressives. Toute éducation suppose et a toujours supposé un choix moral, un idéal en termes de développement humain. Mais cet idéal ne peut pas être atteint à partir de prémisses psychologiques réductrices. Le manque de réflexions fondamentales, la crise structurelle de l’école dans les sociétés démocratiques, la crise plus générale des institutions sociales révélée par la critique radicale des années 1960s et 1970s, la démission ou la compromission politique, ont conduit à donner la faveur à des idées pédagogiques qui justifient le discrédit de l’enseignement des disciplines, autrement dit des formes explicites, progressives et finalisées de transmission des savoirs. Fort de cette prise de recul sur quarante années d’expérimentations avortées, il reste à définir quels sont les besoins intellectuels et culturels de l’homme de demain, membre actif et averti de la société démocratique, professionnel en qualité et en responsabilité et, avant tout et par-dessus tout, être humain accompli. Et il reste à définir quelle école sera la mieux à même de satisfaire ces besoins.


    28-07-2014 om 15:11 geschreven door Raf Feys  

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    Tags:Bourdieu-ideologie, collège unique, gemeenschappelijke lagere cyclus, Masterplan
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