Onderwijs. Cultuuroverdracht en kritiek op 'Le maître ignorant van Rancière"
Overbelang van cultuuroverdracht en kritiek op "Le
maître ignorant" van Jacques Rancière - en de sympathie voor de visie van
Rancière vanwege de Leuvense prof. Jan
Masschelein
Inleiding
Ik heb nooit goed
begrepen waarom de Leuvense prof. Jan Masschelein zo hoog opliep met de visie
van de Franse filosoof Jean Rancière
in zijn boek "Le maître ignorant.
In deze bijdrage
stellen we vooreerst een andere visie op kennis- en cultuuroverdracht voor. In
punt 2 komt de visie van Rancière aan de orde. Ten slotte publiceren we in punt
3 een kritiek op de visie van Rancière
1.La transmission est
aussi source démancipation (Hiérarchie et éducation 2/2) juin 8, 2014 -Valéry Witsel
Les nouvelles conceptions de lenseignement qui privilégient
lauto-apprentissage à la transmission sapent lautorité intellectuelle de
lenseignant. Or, il se peut que cette dernière approche soit tout aussi
nécessaire à lépanouissement intellectuel des citoyens que léchange
démocratique.
Après la chaire du prêtre, le trône du roi, le prétoire du
juge, lestrade du professeur tend à vaciller. Depuis les années 70 et
lavènement du rénové, limportance croissante de la place accordée à
lexpression et aux aspirations des élèves a contribué à modifier le statut de
lenseignant et du savoir dont il était dépositaire. À lheure où sont
destituées les grandes figures dautorité, le professeur doit-il sastreindre à
nêtre quun simple citoyen dans le lieu de vie quest la classe ? Comme
dautres espaces, la classe doit-elle devenir un lieu où se vit à chaque
instant la démocratie au nom des droits individuels de chacun ? Si ce nest le
cas, quel fondement autoriserait le professeur à revendiquer un statut
dexception?
Une des tendances actuelles est de partir systématiquement
des impressions ou des opinions des élèves, par souci de liberté dexpression
ou de droit à la différence, pour établir les fondements de la connaissance.
Dès lors,le rôle du prof consisterait-il
seulement à révéler aux élèves ce qui est enfoui en eux-mêmes ? En réalité, il
est illusoire de penser que les jeunes disposent seuls des ressources
suffisantes pour construire le savoir qui leur était autrefois délivré par le
professeur. Sans verser dans lidéalisme naïf du passé, force est de constater
que lexcessive mise en place dexercices dexpression personnelle, de travaux
de recherche ou de débats, sans préparation préalable à un contenu, comporte de
nombreux risques.
Un des dangers de lapplication dogmatique de cette approche
prétendument égalitaire est lenfermement de certains jeunes dans la culture
dispensée par la famille, les médias et la rue. Ces derniers seraient condamnés
à ne jamais entrevoir dhorizons autres que ce quils connaissent déjà. Laccès
au savoir étant très variable dun foyer à lautre, lécole se déchargerait de
sa mission sociale et renforcerait les inégalités. Si lécole doit se garder de
porter a priori un jugement de valeur sur la culture dorigine de ses élèves,
il est essentiel quelle demeure pour tous une fenêtre ouverte sur un «
ailleurs ». Etre à lécoute des besoins et des projets exprimés par chacun est
nécessaire mais insuffisant. Le prof doit aussi éblouir, fasciner, transporter
par son savoir, ses idées et ses passions. De cette façon, lenseignant
regagnera naturellement lestime de ses élèves.
Bien sûr, il est évident que tout savoir nest pas bon à
transmettre. Il ne doit notamment pas se limiter à des connaissances
encyclopédiques ou procédurales qui ont parfois tendance à écraser ou écurer
le jeune. Le savoir doit pouvoir faire sens et pousser celui-ci à questionner
le monde dans lequel il évolue, en toute autonomie. Les enseignants multiples
et divers, riches de leur formation, de leurs expériences et de leurs lectures,
doivent permettre au futur citoyen dentrevoir des champs dexploration
nouveaux à partir desquels ce dernier pourra librement se positionner en
élaborant un projet de vie propre et en sengageant dans la société. Cest de
cette manière que lécole respectera les aspirations individuelles des jeunes.
Pour ce faire, il est nécessaire dassurer aux professeurs une posture
dexception et dassumer linégalité qui caractérise le rapport
professeur-élève au sein de la classe.
Certes, en délivrant un savoir nouveau, « étranger », le
prof ose le risque dasséner une violence symbolique au jeune, en larrachant
momentanément au confort de ses propres perceptions. La langue repliée« en dedans », les oreilles tendues vers « le
dehors », lélève est ainsi sommé de faire abstraction de lui-même. Mais cet
exil momentané, cette tension vers lautre nest-elle pas une des conditions de
possibilité de toute participation à la vie citoyenne ? La construction dune
société commune nimplique-t-elle pas un effacement provisoire des individus au
nom du bien commun ? Le débat démocratique requiert une aptitude à la remise en
question, à lécoute et ne se réduit certainement pas à la somme de paroles
individuelles qui saffrontent. À cet égard, la lutte contre la rumeur bavarde
et assourdissante qui investit les salles de cours est un enjeu crucial qui
dépasse le nécessaire confort du prof dans lexercice de son métier.
Lacceptation dun rapport dautorité dans le cadre de la classe constitue dès
lors, paradoxalement, un apprentissage nécessaire à lexercice démocratique.
La vie dune classe peut être interprétée de façon analogue
à la lecture dun livre où se tisse une relation entre un écrivain et un
lecteur. Le lecteur accepte, pendant le temps de lecture, de seffacer, d«
écouter », de comprendre le contenu dun discours émis par un autre, sans avoir
la possibilité de répondre de façon simultanée. Cest le temps de la réception,
pendant lequel le lecteur accepte potentiellement dêtre chamboulé, remis en
cause, transformé par ce quil lit. Après ce premier rapport asymétrique où
lauteur fait autorité, le lecteur peut ensuite intégrer un processus
dialogique marqué par lhorizontalité, à travers linterprétation, lannotation
ou lécriture dun nouveau livre en réponse. Ce dialogue qui sinstalle est
donc entrecoupé dintervalles où les interlocuteurs acceptent volontiers un
rapport dascendance momentané.
Le rapport dautorité prédominant dans lespace-temps quest
la classe doit-il pour autant interdire tout type dexpérience démocratique
réelle de la part des élèves ? Non, bien sûr. Comme cest le cas à travers
lexpérience de lecture, ces deux exigences ne sont pas nécessairement
contradictoires. Il ne sagit pas dasséner des savoirs que les élèves
nauraient quà croire et prendre pour acquis, sans être discutés, débattus,
mis en perspective. Une fois le sens de lécoute intégré et les notions délivrées
par le prof étudiées et comprises, il
est indispensable que le jeune soit initié, ensuite, de façon cadrée, à la
réflexion, à la critique, à largumentation au travers notamment de temps de
questions et de dialogues. Tout est une question de timing. Le prof a alors
lui-même le devoir de se placer en situation découte et de stimuler
lexpression. De cette manière, la mobilisation individuelle et collective de
savoirs acquis à travers, par exemple, des dissertations ou des temps de
débats doit constituer laboutissement dun processus et une des finalités de
lécole.
Démocratie et autorité nentrent donc pas forcément dans un
rapport dexclusion réciproque. Toutes deux sont indispensables à la formation
dun esprit citoyen.
Pour un autre regard sur la question de la hiérarchie dans
léducation, voir « Le maître ignorant (Rancière) ou laventure de
lémancipation intellectuelle », dans ce même dossier.
2. Le maître ignorant ou laventure de
lémancipation intellectuelle (Hiérarchie et éducation 1/2)
Jonathan Galoppin, juin 8, 2014
Il faut que je vous apprenne que je nai rien à vous
apprendre.J. Jacotot. [1]Il suffirait
dapprendre à être des hommes égaux dans une société inégale. J. Rancière [2]
Laventure de Jacotot
(?)
Le maître ignorant est un livre du philosophe Jacques
Rancière rapportant « laventure intellectuelle » faite par Joseph Jacotot en
1818, alors lecteur de littérature française à luniversité de Louvain. Le
point de départ de cette aventure est le suivant : Jacotot ignorait le
néerlandais et ses élèves, le français. Il ne pouvait donc communiquer que
par le biais dune chose commune : or, il se publiait alors à Bruxelles une
édition bilingue du Télémaque de Fénelon. Jacotot tenta ainsi une expérience singulière
: celle de faire apprendre le français à des élèves avec qui il ne pouvait
communiquer. La nécessité de la situation presque absurde, de prime abord
révéla pourtant à Jacotot ce qui dirigera ensuite lensemble de ses recherches
intellectuelles : lenseignement universel.
En effet, Jacotot, laissant sur cette route hasardeuse ses
élèves livrés à eux-mêmes, fut tout surpris de ce quils avaient pourtant
appris : ils étaient parvenus, en un temps record, à comprendre Fénelon et à
dire ce quils en pensaient en français ! Lacte essentiel du maître nétait-il
pas celui dexpliquer ? Cette expérience venait ainsi ébranler Jacotot dans ses
certitudes celles dun professeur qui, en 30 ans de métier, avait raisonné,
consciencieusement, en explicateur : transmettant ses connaissances en en
dégageant les éléments simples, et menant les esprits dont il avait la charge,
progressivement, vers la complexité. Ainsi, les explications du maître
étaient-elles donc superflues ? Ou, si elles ne létaient pas, à qui et quoi
étaient-elles donc utiles ?
Le système
explicateur et le maître ignorant
Ce que cette expérience met en lumière, selon Rancière
suivant les traces de Jacotot, à travers ses expériences pédagogiques concrètes
, cest quil est nécessaire de renverser la logique du « système explicateur
». En effet, « la logique de lexplication comporte le principe dune
régression à linfini : le redoublement des raisons na pas de raison de
sarrêter jamais » (p. 12 [3]). La seule chose qui arrête cette régression
potentiellement infinie est ce qui donne au système même son assise, à savoir
le (jugement du) maître explicateur lui-même dès lors que lui seul décide « du
point où lexplication est elle-même expliquée » (idem). La seule parole du
maître, son explication, se conçoit alors comme labolissement de la distance
entre savoir et apprenant mais aussi : entre le fait dapprendre et de
comprendre. Rancière en conclut que cest lexplicateur qui a besoin de
lincapable et non linverse : « expliquer quelque chose à quelquun, cest
dabord lui démontrer quil ne peut pas le comprendre par lui-même » (p. 15).
Il sagit ici de démystifier la parabole dun monde divisé
en savants et ignorants. Il est important de comprendre quil nest pas
simplement question de critiquer la vieille pédagogie et « les vieux maîtres
obtus », au contraire. Pour Rancière, labrutisseur est « dautant plus
efficace quil est savant, éclairé et de bonne foi » (p. 17). Que la manière de
faire comprendre soit novatrice, attrayante, dynamique, importe peu : il sagit
toujours du même travail de deuil. Celui que lélève fait lorsquil comprend
ou croit comprendre quil ne comprendra pas sans explication. Rancière opère
ainsi un déplacement dans le rapport au savoir lui-même. Par conséquent, il ne
sagit pas ici dune réflexion pédagogique sur la manière de transmettre un
savoir. Si la transmission est toujours bien au centre de son questionnement,
le savoir nest plus la (seule) finalité. Clarifions à ce sujet une chose
fondamentale : Jacotot (et Rancière) ne proclament pas linutilité du maître en
tant que tel, mais linutilité du maître explicateur. En effet, lexpérience
initiale de Jacotot démontre que si les élèves ont pu se passer dexplication,
ils ne se sont pas pour autant passés dun « maître ».
Volonté, égalité et
ordre social
Ce que prône Jacotot dépasse donc les querelles décoles :
il sagit de bouleverser le « système explicateur » et, partant, lordre social
qui en découle. Notons à ce sujet létonnant paradoxe du dogmatique système
explicateur : tout homme apprend, seul, de nombreuses choses au cours de sa
vie, et cest sans doute ce quil apprend le mieux (sa langue maternelle, par
exemple). Il ny a dailleurs peut-être pas dhomme sur terre qui nait appris
quelque chose sans maître explicateur.
Lenseignement universel de Jacotot nest pas autre chose :
ses principes sont ceux de la plus vieille méthode, celle qui conduit lhomme à
user de sa propre raison. Lenseignement universel ne se débarrasse pas pour
autant du maître, mais il dissocie à travers sa pratique concrète les deux
fonctions du maître explicateur : celle du savant et celle du maître. Il en
résulte que, dans lexpérience de Jacotot, sétablit entre le maître et lélève
un pur rapport de volonté à volonté. Cest ici que Rancière établit la brisure
entre domination émancipatrice et abrutissement explicateur : « il y a
abrutissement là où une intelligence est subordonnée à une autre intelligence »
(p. 25), pas lorsque la sujétion ne sétablit quau travers de la volonté.
Jacotot (et Rancière) ne nient donc pas limportance davoir un maître lorsque
la volonté nest pas assez forte pour agir seule ; lémancipation saccommode
donc de la sujétion dune volonté à une autre, non dintelligence à une autre ;
cest dailleurs dans la coïncidence de ces deux aspects distincts que se noue
labrutissement explicateur.
Reste que nul ne veut se mesurer à la révolution
intellectuelle que cette méthode signifie, insiste Rancière. Lordre des choses
lui interdit dêtre prise pour ce quelle est : la méthode par laquelle chacun
prend conscience de légalité des intelligences et la mesure du pouvoir de celle-ci.
Cette méthode initie donc la rupture totale davec toutes les pédagogies, dès
lors quelles se fondent et fondent leur légitimité, leur pouvoir à travers
lopposition entre science et ignorance. Cest sans doute ce qui fait la force
subversive du message de Jacotot et de Rancière : la critique sadresse aux
fondements mêmes de lordre social établi, au cur de la société pédagogisée.
Le fond du raisonnement est celui-ci : que la forme pédagogique soit ancienne
ou moderne, le postulat est le même, car il sagit dégaliser linégalité
initiale et duser de la ritournelle fantasmatique dune école qui réaliserait
légalité sociale. Comme le dit Rancière, « toute pratique pédagogique explique
linégalité de savoir comme un mal, et un mal réductible dans une progression
indéfinie vers le bien » (p. 197) [4]. Et que lon soit tenant de la « vieille
méthode » ou progressiste importe peu : il ne sagit alors que de
perfectionnement de perfectionnement dans labrutissement, sentend [5]. Car
cest justement en dissociant maîtrise et savoir que Jacotot tente de briser ce
postulat inégalitaire, proclamant haut et fort légalité des intelligences.
La révolution
intellectuelle hors des institutions
En conclusion, la bonne nouvelle de Jacotot est simple :
pour émanciper un ignorant, il faut et il suffit dêtre soi-même émancipé,
cest-à-dire conscient du véritable pouvoir de lesprit humain. Par ailleurs,
on peut enseigner ce quon ignore si on émancipe lélève, cest-à-dire si on le
contraint à user de sa propre intelligence. Ainsi, lenseignement universel est
lexpérience cruciale qui libère les pouvoirs de la raison, mécanisme sans fin
où lintelligence sengendre par et pour elle-même. Remarquons encore ceci :
pour Jacotot, laventure de lémancipation intellectuelle ne peut se vivre au
travers des institutions. Il sagit de passer par les individus et les familles
[6]. Car, comme le dit Rancière : « LInstruction publique [ ] est le bras
séculier du progrès, le moyen dégaliser progressivement linégalité,
cest-à-dire dinégaliser indéfiniment légalité. Tout se joue toujours sur un
seul principe, linégalité des intelligences » (p. 218). Cest précisément là
que se situe la lucidité singulière de Jacotot : avoir entrevu dans lapparent
progrès social dans la promotion de « légalité » par linstruction ,
linégalité institutionnalisée, rationalisée et bonne pour être perfectionnée ;
une égalité toujours retardée (de réforme en réforme) et un ensevelissement de
lémancipation sous linstruction (p. 222).
Ainsi, comprendre la démarche de Jacotot, cest sattacher à
cette idée simple mais vertigineuse car fondamentalement subversive : légalité ne peut être un but atteindre,
mais doit être un point de départ.
[1] Cf. Sommaire des
leçons publiques de M. Jacotot sur les principes de lenseignement universel,
publié par J.S. Van de Weyer, Bruxelles, 1822, p. 11. Cité par Jacques Rancière
dans Le maître ignorant, Fayard (10/18), 1987, p. 28.
[2] Rancière Jacques, Le maître ignorant, Fayard (10/18),
1987, p. 221.
[3] Les citations proviennent du Maître ignorant, cité plus
haut.
[4] Et la fiction du Progrès a vite dépassé les carcans de
la pédagogie scolaire, prenant place comme fiction sociétale affirmée et privilégiée.
[5] Car les progressistes sont, eux aussi, des explicateurs.
Ils continuent à proclamer, à leur manière, linégalité des intelligences. Et
comme le dit abruptement Rancière : « [Ils] nont pas dautre pouvoir que cette
ignorance, cette incapacité du peuple qui fonde leur sacerdoce » (p. 214).
[6] Il sagit de comprendre ici la portée « sociale » du
message jacotiste (bien quil ne sy réduise pas) : le père ou la mère de
famille (que lon pourrait caricaturalement dépeindre comme « pauvre et ignorant
») est typiquement lun des modèles par lequel lémancipation intellectuelle
peut passer, dans lidée de Jacotot.
3. "Le maître
ignorant" de Jacques Rancière... Je suis pas convaincu... Published by
jérôme Bonnemaison - dans Philosophie11
januari 2012
J'ai lu " Le maître ignorant" du philosophe
Jacques Rancière, censé être un texte important sur la pédagogie. Le fleuron
d'une certaine pensée égalitaire (Rancière est un de ces penseurs fidèles au
communisme, qui reviennent actuellement sur le devant de la scène intellectuelle).
J'en sors circonspect. Bon, le moins que l'on puisse dire
est que je suis plutôt court en sciences de l'éducation et pour tout ce qui
concerne ces débats entre pédagogues... Et je ne voudrais pas tomber dans des
clichés faute de disposer de mises en perspective suffisantes pour éclairer ce
livre. Mais bon...
Jacques Rancière a déterré de l'oubli l'oeuvre et les
expériences du sieur Joseph Jacotot, qui au début du 19eme siècle se lança, un
peu par hasard au début, dans une révolution pédagogique qui resta lettre morte
(ce qui désole Rancière). Le livre décrit cette expérience, sans vraiment
entrer dans les détails historiques (c'est regrettable à mon avis car du coup
le livre devient largement conceptuel et assez verbeux) et essaie d'en tirer
les conclusions, en expliquant pourquoi la tentative de ce Jacotot si génial
fut une hérésie que les institutions s'empressèrent de liquider.
Jacotot, qui par les aléas de la vie se retrouve à Louvain,
doit apprendre le Français à des élèves qui ne causent pas un mot de français
et avec lesquels il ne peut pas échanger. Faute d'autre solution, il se sert
d'un livre de Fénelon (Télémaque) et de sa traduction. Il leur demande de le
lire et de le répéter systématiquement, de tenter par la comparaison, d'en
tirer une acquisition du français. Fénelon, c'est le français classique. Un bon
début quoi... Puis il leur demande de parler en français de ce qu'ils ont lu.
Et il est stupéfait du résultat : les élèves parviennent, sans qu'on leur ait
appris quoi que ce soit, à s'exprimer correctement.
Jacotot va poursuivre en ce sens, sans jamais édifier un
système. Son approche (plus qu'une méthode) va prendre le nom
d'"enseignement universel". Elle montre qu'on peut enseigner un
savoir sans le connaître soi-même. Elle vise non pas à "abrutir"
(c'est le terme de Rancière) en imposant un savoir, mais à
"émanciper", c'est à dire à démontrer à l'élève qu'il peut accéder
lui-même au savoir, à partir de n'importe quelle parole humaine. Car "tout
est dans tout" : on peut entrer dans le savoir, user de son intelligence,
en prendre conscience, en saisir l'universalité, à partir de n'importe quelle
création humaine, qu'il s'agira de comparer à d'autres pour avancer.
Jacotot met ainsi en avant une idée radicale : l'égalité de
toutes les intelligences. Autre idée forte de Jacotot : le langage n'est qu'une
technique. L'intelligence préexiste au langage. L'idée qu'il faille enseigner
un langage pour développer l'intelligence des élèves est fausse.
Il se heurte à la fois aux courants réactionnaires, qui
défendent l'inégalité le plus vaillamment, mais aussi au progressisme
républicain fondé sur l'idée du développement des intelligences, sur la notion
d'instruction, sur la construction d'un système d'éducation progressif, gradué,
un peu à l'image du développement de l'individu. Ce qui est subversif chez
Jacotot c'est qu'il dynamite l'instruction et la nécessité des instructeurs.
N'importe qui peut enseigner selon ses principes, et un maître qui ne connaît
pas une note de musique peut enseigner la guitare, car enseigner c'est émanciper.
Jacotot passera ainsi sa vie à recevoir des pères de famille ignorants pour
leur expliquer rapidement comment émanciper leurs enfants et les conduire sur
le chemin du savoir.
Jacotot aura des admirateurs, des continuateurs, mais au
mieux ils intègreront l'émancipation dans un projet progressiste organisé,
n'éliminant pas l'instruction. Mais Jacotot restera un hérétique car il
remettait en réalité en cause la nécessité du pédagogue lui-même. L'instruction
apparaît comme une domination, un pouvoir, et part au fond du postulat de
l'inégalité de l'intelligence.
Ce qui me gêne dans le livre, c'est d'abord que Rancière
assène que ça marche. Les élèves apprennent vite et bien. Voila donc, ça
fonctionnerait. Des témoins l'ont affirmé et on les prend au pied de la lettre.
Mais qui sont les élèves ? De quels résultats parle t-on ? La description du
cheminement des élèves est très sommaire, et Rancière se concentre sur des
développements conceptuels autour de cette notion d'enseignement universel, de
ce qu'elle implique en termes de conception de l'homme, etc... Moi, désolé, ça
ne me suffit pas.... Le philosophe aurait du emprunter un peu au sociologue ou
à l'anthropologue.
Sans doute certains éléments sont-ils séduisants dans
l'expérience de Jacotot et dans les réflexions qu'elles inspirent à jacques
Rancière. L'idée que "tout est dans tout" me paraît excellente. Mais
pourquoi écrire cela en 1987 ? Il me semble que l'Education Nationale a depuis
longtemps intégré cette idée là, et la diversification des supports de
l'enseignement est une vieille réalité.
Bien entendu, on peut aider quelqu'un à s'emparer d'un
savoir qu'on ignore soi-même, car il y a des clés pour s'attaquer à ces
forteresses, et le maître peut les apporter.
Quand Rancière via Jacotot parle
d'"abrutissement", on peut aussi opiner du chef. Nous avons tous
connu, malheureusement, le primat détestable du cours magistral... Ces tunnels
d'heures de cours passés à écrire ce que le maître, le professeur, le maître de
conférences alignait... Pour en tirer quoi ?Nous savons tous aussi que les élèves sont soumis à un culte de la
moyenne imbécile qui méprise leur propre rythme de développement, bref leur
singularité. D'ici à conclure que toute "instruction" est
"abrutissement", il y a un pas que je franchirai pas pour ma part.
L'idée de l'émancipation me plaît aussi. Si je replonge dans
mon enfance, je vois bien que des démarches personnelles (la lecture des BD
pour moi par exemple) m'ont peut-être plus formé à l'exercice du Français que
bien des cours de collège. Mais cependant, auraient-elles été possibles, ces
démarches émancipées, sans le soutien de bases fortes ? Sans cette part forcée
de l'éducation, et pénible : apprendre à déchiffrer les syllabes, l'alphabet,
réciter les nombres... J'en doute. Tout apprentissage intègre une part de
contrainte, de souffrance aussi. Résumer tout cela à l'émancipation me semble
un peu (faussement) candide.
Ce qui me gêne aussi dans la réflexion de Rancière, c'est
qu'elle élude la transmission, sa beauté et sa grandeur. Elle réduit
l'explication à la domination. Oui il y a un rapport d'autorité dans la
transmission. Et alors ? Il y a aussi la grandeur de passer le relais, de ne
pas repartir à zéro, de bâtir sur ce qu'a produit la génération prédécente.
Aujourd'hui il y a un mépris de la transmission, cette idée qu'il ne faut pas
prendre le temps de regarder ce qui s'est dit et pratiqué dans le passé. A la
dissertation, qui utilise les grandes pensées du passé, on préfère l'expression
de soi. Mais qu'exprime t-on ? Avant de s'exprimer encore faudrait-il se
tourner vers ceux qui ont essayé de comprendre ! La pensée de Rancière, alliée
à la facilité de l'expression de soi grâce aux nouvelles technologies, ne
conduit-elle pas à mépriser le passé ?
D'autant plus que le postulat radical : "toutes les
intelligences sont égales" rend inutile la transmission, finalement.
"Toutes les intelligences sont égales", c'est tout de même une idée
différente de celle des Lumières qui considère que tous les êtres humains sont
également dotés en Raison.
Pour ma part je souscris tout à fait à cette deuxième idée,
mais l'égalitarisme forcené de la première me laisse un peu pantois. D'abord
parce que je ne suis pas certain, contrairement à Rancière, que l'intelligence
est une seule et même chose. Ma nullité crasse en maths n'a jamais été
démentie, même par l'effort... Et je ne suis pas sûr que ce soit faute
d'émancipation de ma part...Ensuite
parce que je pense qu'il nous est impossible de comprendre comment Mozart
devient Mozart, même si nous savons que tout le monde ne pourrait pas devenir
Mozart (et d'ailleurs il n'y a eu qu'un Mozart et il n'y en aura plus d'autre).
Et en définitive tant mieux, cela nous rend moins pérméable à l'action des
pouvoirs... L'Homme est irréductible et c'est très bien. Sans trancher sur ce
qui conduit les êtres à devenir eux-mêmes, si nous parvenions à l'égalité des
droits, ce serait déjà très bien... Et nous en sommes très loins, nous nous en
éloignons.
Au fond, Rancière est resté l'élève d'Althusser et le
maoïste qu'il a été (je ne sais pas à quel point d'engagement). Dans le maoïsme
occidental, phénomène petit-bourgeois intellectuel par excellence, il y avait
la honte de soi. Et la volonté d'expier son statut privilégié à cette époque où
les étudiants n'étaient qu'une minorité : d'où la fascination pour un
prolétariat recréé de toutes pièces. Un de leurs slogans était tout à fait
parlant : "Se mettre à l'école du peuple"... L'intellectuel est
forcément un tyran en puissance, un exploiteur et un dégénéré, et il paie cela
en allant s'établir en Usine (comme les intellectuels chinois qu'on envoyait de
force à la campagne, ce qui déstabilisa l'économie du pays et entraîna des
famines monstrueuses). J'avoue que pour ma part, issu d'un milieu populaire, je
ne trouve pas qu'en progressant scolairement j'aurais dégénéré et je suis
plutôt content de mon parcours et de ce que j'ai pu puiser dans l'école
républicaine malgré tous ses défauts, son hypocrisie de machine à trier, et ses
aspects proprement révoltants parfois. Je sais aussi ce que je dois aux
"instructeurs" un peu sévères qui m'ont obligé à me mobiliser, à
apprendre des leçons bêtement parfois.
Rancière voit l'enseignement classique, bâti sur la
progression, conçu comme une construction, comme un système de domination. Au
contraire, il me semble que l'idée de construire sur des bases a montré son
efficacité, a éduqué des générations. Et on sait ce que coûte l'insuffisance de
bases. Le savoir a besoin d'être organisé, et cela n'est pas spontané. Cela
relève de la transmission justement : de ce que nos prédecesseurs ont trouvé,
expérimenté, et qu'ils nous lèguent. Comment se réclamer du progrès humain en
abolissant la transmission ?
Enfin il y a une idée chez Rancière qui me déplaît
foncièrement et me semble dangereuse : c'est l'idée que le langage est neutre.
Qu'il n'influence pas l'intelligence. C'est une idée qui me paraît, justement,
typique de quelqu'un qui a du accéder à un langage riche très vite dans son
enfance. L'épanouissement de l'intelligence, me semble t-il au contraire, est
très lié au langage qui lui donne forme. La nuance c'est la liberté. L'absence
de nuance, c'est se faire berner. Les dominés sont des êtres privés de la
puissance du langage, et des dispositifs puissants essaient de les flatter en
ce sens, de les confiner dans la pauvreté du langage. Ne pas nommer c'est ne
pas saisir la réalité. S'il y a une urgence dans le combat éducatif, c'est bien
de défendre la puissance de la langue et de la diffuser. Dans ce Blog j'ai dit
plusieurs fois mon admiration pour Georges Orwell, dont le chef d'oeuvre
"1984" repose sur ce lien entre totalitarisme et appauvrissement du
langage. Prétendre défendre l'"émancipation" comme Rancière et
réserver au langage une place secondaire, c'est un contresens absolu. Telle est
mon impression en tout cas.
Rancière reste sans doute marqué par sa jeunesse
intellectuelle quand il écrit "le maître ignorant". Et au final je ne
partage pas son enthousiasme pour l'enseignement universel même si l'apport de
Joseph Jacotot, démontrant que le peuple pouvait apprendre, qu'il n'était pas
condamné à l'obscurantisme, et qu'il n'y avait pas de différence de nature
entre les sachants et les autres, est salutaire.
Reacties
Bill: Sait-on
comment Rancière, qui était professeur, enseignait lui-même? A chaque fois que
je l'ai entendu sur un média, il avait une approche très magistrale (j'explique
ce que je sais cette histoire de Jacotot par exemple - à quelqu'un qui ne
sait pas). Ses lives eux-mêmes assènent un savoir, de haut en bas, sans laisser
vraiment de place à la contradiction. Il serait intéressantd'avoir des
témoignages de ses étudiants en philosophie. De même Rancière semble souvent
prendre ses désirs (qu'on peut partager) pour des réalités. Il présuppose
souvent que les ouvriers, les pauvres, les ignorants sont savants, mais sans
réellement le prouver, ou alors en allant chercher des expériences très
marginales (quelques membres de l'élite ouvrière du milieu du XIXè qui
écrivent, oh miracle, de la littérature, des élèves qui apprennent une langue
en lisant le Télémaque, etc...) qui ne sauraient faire oublier que l'immense
majorité des classes populaires n'a pas accès, ou a moins accès, à la culture
légitime. Mais dire cela, pour Rancière, c'est mépriser les ouvriers...
jérôme Bonnemaison: Je suis d'accord,
"Bill". Tout le monde doit refuser d'être "sachant", sauf
lui. Lui il peut l'être, et lui seul. Et les copains de son courant
intellectuel aussi. Encore une preuve du fait que décidément on ne peut pas se
regarder passer dans la rue depuis sa propre fenêtre.
jérôme Bonnemaison : d'accord avec ton
analyse Bill. Le propos de rancière me paraît typique de quelqu'un qui n'a
jamais ressenti le sentiment d'ignorance.
Onderwijs. Wat loopt er zoal fout op onze Finse scholen? Interview met Maarit Korhonen
Quest-ce qui ne va pas avec nos écoles (Wat
loopt er fout op onze Finse scholen) ?Entretien avec Maarit Korhonen (Finse
lerarares) (Men doet weinig of niets
voor de betere leerlingen, enz.) (Bijdrage in: Recherches en Education - n°16 - Juin 2013)
Auteur: Fred Dervin (prof. universiteit Finland)
Présentation : Maarit Korhonen est enseignante du primaire
depuis plus de trente ans. En août 2012, elle a publiéunpamphlet (boek!) intitulé Quest-cequi nevapasavecnos écoles
? (Koulunvika ? en finnois),dans lequelelle racontelequotidiendans plusieursécolesfinlandaisesoùellea travaillé. Nous avons pu la rencontrer pour parler de son
livre.
Fred Dervin : La première question que jai envie de vous
poser, cest pourquoi avez-vous décidé décrire ce livre ? Quand lidée vous
est-elle venue ?
MaaritKorhonen
:Ilyadeuxraisonsen fait.Dabord,jétaisfatiguéedentendrecequelesmédias racontaient sur lécole finlandaise et
sur le travail des enseignants. La deuxième raisonest liée au fait que jai travaillé dans une
école très élitiste à Helsinki, Kulosaari, il y a deux ans. Javaisdécidédytravaillercar jene supportais
plus lesassistantessocialesetlaccompagnement
des familles en difficulté, là où je travaillais. Je voulais enseigner, pas
jouer lassistante sociale, alors jai choisi la meilleure école en Finlande,
jai envoyé mes papiers et jaipuobtenirunpostepourun an.
Audébut, jétais
choquée :je nesavais pasquilyavait desfamilles si riches en Finlande. Le matin, le père venait chercher ses enfants
en Ferrari et tout cet argent, tous ces gamins qui ont déjà pu faire le tour du
monde au moins une fois. Jarrivais duneécole à Turku où les enfants navaient même pas les moyens de sacheter
des bottes dhiver.Alors que là, ils
avaient tout. Certains avaient par exemple cinq maisons ! Mais ces gamins, ils nétaient
pas heureux. Jaurais pensé avant quils auraient été plus heureux que les
autres, maisjavais tort. La plupart
était sous la pression des parents: il
leur fallait un 10/10 partout autrement les parents se mettaient en colère ! En
plus, les enfants avaient plein doccupations, des dizainesde hobbies à la sortie de lécole... et des
parents souvent absents de la maison. Je me demandetoujours lesquels sont les plus heureux : les
« pauvres » ou les « riches ». Donc pendant mon année là-bas, je me suis dit :
il faut absolument que je publie un livre sur ça, sur ce contraste !
FD : Vous êtes lune des premières personnes à qui je parle
de léducation finlandaise et qui faitréférence
aux classes sociales
MK :Quandjeparlais àcesgossesdehuit ansàHelsinki,cétaitcommesijeparlaisàdesjeunesdedouzeansdanslautreécoleàTurku.Leursconnaissancesgénéralesétaientépatantes.Jepouvaisallerenprofondeurdurantlescoursdereligion.Çacétaitduvraienseignement
! Je suis sûre que ces gamins iront très loin dans la vie. En plus, leurs parents
connaissent tout le monde ; ils ont dexcellents réseaux. Pourtant, je me
demande sils vont tousréussircarilyabeaucoupdepressiondelapartdesparents.Jaivudesenfantssouffrant danorexie, de dépression, déjà à huit ans !
FD : Donc la Finlande connaît bien le phénomène de la
reproduction sociale ?
MK : Bien sûr, ces parents ont de largent pour payer des cours
privés
FD : Il y en a en Finlande ?
MK : Si les enfants napprennent pas par exemple, quand on
a commencé la première leçondemathématiquesà Helsinki,unélèvemadit:« jaidéjàfaittoutçapendantlété ».Il était excellent ! Jai donné moi-même des
cours privés Il y a aussi des cours dété en Angleterre, aux Etats-Unis en
bref, tout pour sassurer que leurs enfants seront docteurs ou avocats.
FD : Et ça sentend en finnois ? Je veux dire la classe
sociale ?
MK : Pas vraiment mais par exemple, je suis assez inquiète
pour mes CM2 (2de jaar s.o.) cette
année. Lemanque de vocabulaire en
finnois est effrayant. Jai utilisé par exemple le mot aukeama (diffuser) lautre
jour et je leur ai demandé sils le connaissaient. Ils mont dit que non. Donc
les mots debaseleurmanquent.Danslesendroitsaisés,ilsnontpasceproblème. Aucontraire, ils connaissent des mots et expressions
soutenus qui métonnaient parfois.
FD : Jai lu récemment dans Helsingin Sanomat (journal
national finlandais) quun bon nombre deparents commencent à « tester » les écoles avant dinscrire leurs
enfants. Cest vrai ?
MK :Sansaucundoute.Pourmespropresenfants,jeleferais. Jappellerais le
proviseur pour lui demander si lenseignant est compétent par exemple
FD : Je vous arrête à nouveau, mais y a-t-il des profs
incompétents ici ?
MK : Nimporte qui peut travailler comme enseignant en
Finlande, comme remplaçant pendant unanjeveuxdire,sansavoiraucunequalification. Dansmon école actuelle,on avaitune enseignante russe, compétente en Russie,
mais pas en Finlande. Elle parlait très mal le finnois. Et bien, elle a
enseigné le CE1 pendant un an et personne ne sest plaint.
FD : Cela veut-il dire quil y a une pénurie denseignants
comme en Angleterre ? MK : Non, je ne pense pas. Cest encore très difficile
dentrer dans les instituts de formation. Lesjeunes sont toujours intéressés par le métier. Les profs sont vraiment
respectés ici : durant les réunions avec les parents, tout le monde se tait et
écoute le prof comme sil était un prêtre !
FD : Jai fait monteacher training en Angleterre et là-bas les profs sont peu respectés à
mon avis. Les médias se moquent souvent deux
MK : On na pas ça en Finlande. Les gens vous respectent.
Parfois jutilise dailleurs mon statutde
prof. Par exemple, lautre jour, un gendarme ma arrêtée parce que je roulais
un peu trop vite,quandilaapprisma profession,ilmalaisséepartir (Rires).Cestcertainementpourquoibeaucoup de jeunes
veulent devenir profs. Le respect.
FD : Dans de nombreux pays, personne ne veut devenir enseignant.
Ce qui métonne dans mondépartement à
Helsinki, cest le nombre incroyable de candidats pour lexamen dentrée,
surtoutpour le primaire. Cest très
bien mais jai du mal à comprendre cet attrait
MK : Oui cest un bon métier mal payé toutefois !
FD : Parlons à présent des migrants si vous le voulez bien.
Vous travaillez comme enseignante depuis trente ans en Finlande, vous avez
certainement pu observer de nombreux changements en la matière. Comment cela
influence-t-il votre travail ?
MK : Je ny prête même plus attention. Actuellement, jai
vingt-deux élèves dans ma classe dont huit « migrants », entre guillemets
FD : Pourquoi entre guillemets ?
MK :IlssontnésenFinlandemaisleursparentsviennentdelétranger.Etpourtant,onles appelle des immigrés, au moins durant les six premières années à
lécole. Surtout sils ne parlentpas
finnois à la maison, alors ce sont des « migrants ». Dans le cas de mes élèves,
ils parlent un finnois excellent et je dirais quils écrivent mieux que mes
élèves « finlandais ». Le seul problème avec les élèves « migrants », cest que
je dois les envoyer chez dautres enseignants parce quilssont « migrants ». Par exemple, lannée
dernière, je ne voyais certains gamins que trois heures par semaine au lieu de
vingt-deux heures.
FD : Ils allaient où exactement ?
MK : Ils avaient le finnois comme langue seconde pendant
quatre heures, la géographie avec un enseignantquileurexpliquaitlesmotsdifficiles, les mathématiques avec un enseignant spécialisé. Ils avaient aussi des
cours de langue 1, une heure par semaine.
FD : Ils ont le droit de refuser les cours de langue 1 ?
MK :Non,cestobligatoire.Jaivérifiéavec leMinistère lannéedernière parceque javaisunproblème avec un garçon qui se
plaignait. Il me répétait tout le temps quil ne parlait pas du toutle même type de kurde que son prof et quil
ny comprenait rien Cest un véritable chaos ! Je crois que quelquun a
inventé ce système sans trop réfléchir Il y a dix ans, on avait des élèves migrants,cest-à-direquivenaientvraimentdailleursetneparlaientpasunmotdefinnois,ilfallait donc leur apprendre.
Maintenant avec ceux qui sont nés ici et qui parlent finnois, on les traite de
la même façon. On a dix ans de retard ! Cest un système ridicule : les
proviseurs savent quilsreçoiventplusdargentquandilsdisentquilsont50%demigrantsdansleursétablissements. A mon avis, on devrait traiter ces enfants comme des «
Finlandais », les parents peuvent faire le reste avec la langue et la culture «
dorigine » !
FD :Vousnavezpaspeurdepasserpourune« raciste »endisantça ?Jeveuxdireque certaines personnes
pourraient vous accuser de faire preuve dassimilationnisme
MK :Je ne pense pas quelalangueet laculturedesparentssoientdelaresponsabilitéde lécole.Onnapasassezderessourcespoursoccuperdes«
Finlandais ».Toutva pourles « migrants » mais tous les enfants talentueux voire doués, on ne fait
rien pour eux. Par exemple, siunenfantadesproblèmesenmathématiques,jenaiquuneheuresupplémentaireparsemainepourlaider.Cestridiculecarles«
migrants »nousdemandenttoutletempssilspeuvent aller dans les
classes « normales » avec les autres, sils peuvent étudier en finnois. On doit
leur dire non. Cest la loi
FD : Les parents se plaignent-ils de ce système ?
MK : Non, parce quils ne savent pas que ça marche comme ça.
Les parents des « migrants », eux, ne veulent pas de ces cours. Ils exigent
souvent que leurs enfants soient avec les autres. Les Russes par exemple.
Parfois, ça marche mais ça dépend du proviseur.
FD : Parlons un peu de PISA. Vous expliquez comment le
succès finlandais ?
MK : Pour moi, cest clair : cest une question de moyenne.
Tous nos élèves arrivent à atteindre le niveau minimal, qui pour moi est 8/10.
Jenseigne jusquà ce que tout le monde obtienne cettenote. Mais
les plus doués nont aucune motivation, en fait, on ne soccupe même pas
deux.
FD : Que se
passe-t-il alors pour eux ?
MK :Rien.Jamaisrien.Ilsrestentassisànerienfaire,àattendre oubienlenseignantleurdonne
du travail supplémentaire ou ils aident les autres. Les manuels ne vont jamais
très loin non plus. On devrait avoir des classes spéciales pour eux ou même des
établissements. Mais cest un tabou dans ce pays
FD :Maiscestcontradictoirecarquandonarriveàluniversité,ondoitpasserunconcoursdentrée et seuls les plus talentueux peuvent y entrer MK : On dit
souvent quau primaire et au collège, on na pas besoin de faire de différences
entreles élèves. Mais vous avez raison,
au lycée et à luniversité, cest très compétitif. Ma nièce, quiesttrèsdouéeparexemple,narienfaitpendantsesannéesauprimaireetaucollègeetpourtant sa moyenne était de
9,7/10 tout le temps. Quand elle est arrivée au lycée, cest là oùelle a commencé à travailler.
FD : Bon, passons à lévaluation. Lune des idées qui
circulent sur léducation finlandaise, cestquil ny en a pas
MK : Ah bon ? On évalue dès le CP
FD : Mais on ne donne pas de notes ?
MK :Biensûr quesi çapeut dépendre de lécole,jecrois.Dans mon école,ondonnedesnotes en finnois, mathématiques et anglais
jusquau CE2, puis dans toutes les matières. Aune époque, on avait abandonné lévaluation formative mais on y est revenus
rapidement (rires). Moi,jaime évaluer
car si on ne donne pas de notes, il me semble que le niveau baisse, on
narrivepas à contrôler
lapprentissage.
FD : Les parents se plaignent-ils parfois des notes ?
MK : Oui, surtout les plus « riches » (rires). Alécole où jenseignais à Helsinki, je me
souviensdelapremièrefoisoùjairendudesnotes.8,5/10étaitlanotelaplusbasse.Deux outroisenfantssesontmisàpleurercarilssattendaientàobtenirun10 Jenaiparléavecdesparentsquimontditque8nevalaitrien.Unemamanmamêmedit : « pour8,il suffit simplement de venir en classe, pas besoin de travailler. 10,
cest autre chose ».
FD :Cesttrèsintéressant !Alors,pourfinircetentretien,vouspouvezmedirecequevous aimez dans le système finlandais et ce qui vous déplait ?
MK : Dabord. Ce que jaime, cest le fait que les
enseignants finlandais reçoivent tous la mêmeformation et quils sont relativement compétents. Jai du mal à trouver
dautres choses là commeça (rires).
FD : Et le fait que les repas sont gratuits du primaire au
lycée ?
FD : Oui, mais enfin tous les parents ne peuvent pas se
payer un repas à sept ouneuf euros tous
les jours
MK : Je parle des parents qui travaillent et qui doivent
aller dans un restaurant ou une cafétéria. Bon mais peu importe en tout cas, à
lécole, oui, cest bien quon leur offre ces repas car pourcertains, cest le seul repas chaud de la
journée quils reçoivent. Quand même, je pense que laqualité de la nourriture est très mauvaise
surtout en termes de goût, parfois cest froid, il ny apas assez pour tout le monde Pour moi, cest
honteux ! Je conseille dailleurs aux enfants deprendre un petit sandwich avec eux car on
mange à midi et, entre 8 heures et midi, ils ont faim
FD : Autre chose que vous naimez pas ?
MK : Les manières des enfants. Ils ne disent plus bonjour,
je dois insister pour quils me saluent.Mêmechoseaveclesstagiairesdanslesinstitutsdeformation.Quandjetravaillaisàlécolenormale de Turku, je ne
comprenais pas pourquoi par exemple les étudiants entraient dans nos classesavecducaféet desgâteaux.Je leschassais !Quant auxparents,jenaivuse faire insulter par leurs enfants dans les
conseils de classe. Je me souviens de cette fille de neuf ansquinarrêtaitpasdêtrevulgaireavecsamère,elleluifaisaitdudoigt,etc.Ellelamêmefaitpleurer devant moi !
Dat betekent dus ook dat er enkel een 'gemeenschappelijke' lagere cyclus s.o. mogelijk is met weinig differentiatie en (technische) opties. Dit is een grote handicap.
Onderwijs. Wordt Gardner's MI-theorie (mythe) met succes toegepast in Fina onderwijs?
Pasi Sahlberg: "Howard Gardners Theory of Multiple Intelligences became a leading idea in Finnish education' !???
Werd/wordt Gardner's MI (multiple intelligences) -theorie (lees:mythe) met succes toegepast in het Fins onderwijs? (Tussendoor: de voorbije jaren verschenen veel bijdragen over de MI-mythe - ook in Onderwijskrant).
Fantaseert Pasi Sahlberg er o.i. op los als hij op zijn blog beweert: "The spirit of 1970s school reform in Finland included another idea that der...ives from U.S. universities and scholars: development of the whole child. ... After abolishing all streaming and tracking of students in the mid-1980s, both education policies and school practices adopted the principle that all children have different kinds of intelligences and that schools must find ways how to cultivate these different individual aspects in balanced ways. Howard Gardners Theory of Multiple Intelligences became a leading idea in transferring these policy principles to school practice. Again, the 1994 National Curriculum emphasizes that school education must provide all students with opportunities to develop all aspects of their minds. As a consequence, that curriculum framework required that all schools have a balanced program, blending academic subjects with art, music, crafts, and physical education. This framework moreover mandated that all schools provide students with sufficient time for their self-directive activities. Gardners influence has also been notable in the Finnish system by conferring a broader definition of talent.. Today, Finnish teachers believe that over 90 percent of students can learn successfully in their own classrooms if given the opportunity to evolve in a holistic manner."
Nefaste Invloed van
sociologie bourdieusienne op ideologie van en ontscholing in - collège unique (gemeenschappelijke lagere
cyclus ) in Frankrijk.
Passages uit bijdrage
Linstauration dun nouvel ordre moral sur léducation des jeunes van Nathalie
Bulle (prof. sociologie) in Revue SKHOLE France
Les sciences
humaines sont par ailleurs marquées, à cette époque (= vanaf jaren 60-70), par
lapproche structuraliste issue de la linguistique et, en sociologie, par les
interprétations de nature culturaliste, notamment dans la lignée
néo-marxiste[11] de la sociologie bourdieusienne. Les explications culturelles
viennent rénover le schéma marxiste. Le pouvoir social de la classe dominante
et sa reproduction ne sont plus tant supposés senraciner dans la maîtrise des
moyens de production économique, que dans celle des moyens de production «
idéologico-culturels ». Le caractère radical de la critique développée
engendre, en particulier chez les enseignants, alors convaincus que lécole
reproduit à travers eux des inégalités contre lesquelles ils pensaient au
contraire lutter, une conscience malheureuse qui sest révélée, ainsi que
certains lexpriment aujourdhui, en définitive très destructrice.
Les sciences humaines scandent à cette époque la fin de
luniversel en lhomme. Le structuralisme amène à concevoir les cultures comme
des totalités irréductibles, le monde commun comme une illusion, les structures
normatives à partir desquelles sorganisent les échanges comme surimposant un
sens caché, au sens exprimé ouvertement. La langue apparaît le véhicule dun
ordre moral et politique : « La langue elle est tout simplement fasciste ; car
le fascisme, ce nest pas dempêcher de dire, cest dobliger à dire » déclare
Roland Barthes dans sa conférence inaugurale au Collège de France, en 1977.
La critique sociale touche de plein fouet lécole. La
conscience collective nest plus vue comme en accord avec la conscience
individuelle mais source doppression et daliénation, que ce soit à travers
les institutions ou la culture transmise, lécole est au centre des attaques.
Lhomme ne maîtrise pas le sens profond de son action. Ce dernier est élaboré
socialement. Ce sont les circonstances sociales, et non plus lhomme, qui
doivent dès lors être mises au centre du processus éducatif, suivant le
mouvement qui accrédite les prémisses naturalistes des conceptions
progressistes, et quentérinera la célèbre loi dorientation sur léducation de
1989. Nous vivons, dès lors, une étape idéologique qui se situe sur le même
terrain que la critique des années soixante et soixante-dix, mais qui
réconcilie conscience commune et conscience individuelle par une mise en valeur
de la construction collective des normes daction et de pensée. La forme tenue
pour typiquement démocratique de la construction des savoirs sappuie sur la
notion dinteraction. La participation active du citoyen dans une société
démocratique est pensée contre la réflexivité qui lisole et qui suspend son
action. Elle est pensée comme mise en commun des points de vue et des jugements
individuels. Le collectif devient lobjectif, et lindividuel advient sur fond
de social.
Léducateur progressiste tient tacitement lécole pour
légataire de la fonction socialisatrice de lEglise. La justification du nouvel
ordre moral quil entend instaurer à lécole sappuie sur son opposition avec
lordre ancien. La critique développée à lencontre de lapprentissage des
disciplines de nature académiques trahit cet objectif moral, indépendamment de
toute préoccupation relative aux objectifs cognitifs propres de lécole. La
relation asymétrique entre celui qui sait et celui qui apprend est assimilée à
une forme dorganisation sociale fondée sur lautorité. Elle est interprétée
comme participant dune étape archaïque, infantile, une étape antérieure à
celle de la réalisation des formes naturelles, c'est-à-dire démocratiques, de
lexpérience humaine. Cest pourquoi lenseignement des disciplines est
aujourdhui tenu pour régressif. Le progressisme pédagogique confond les formes
de lordre politico-moral et les formes de la médiation sociale qui
sous-tendent le développement intellectuel. Dès lors, les savoirs constitués
représentent une pensée reçue, détachée du réel et du vécu. Ils sont associés
au rôle social antérieurement joué par le sacré, à la reproduction dun ordre
existant. Labstraction, le formel, évoquent les relations avec un monde
supra-naturel fictif. Lenseignant est comparé au prêtre, représentant dune
autorité supérieure, dispensant la bonne parole. En même temps ce qui est
interne évoque le religieux, le spirituel, un monde du passé. La culture individuelle,
lintériorité, passent pour contre-nature. Le citoyen dans la société
démocratique moderne doit être, dune manière concrète, tourné vers le monde
extérieur, les autres et le monde naturel.
Les représentations de lhomme et de son développement qui
ont investi lécole sont centrées non plus sur les facultés rationnelles de
lhomme, liant à lorigine lhumanité au divin ce que montrent les célèbres
analyses de Durkheim[12] - mais sur la société comme entité donnant désormais
son sens à lexpérience humaine. Ainsi le thème religieux est-il
intrinsèquement présent, dans son retournement même. La lutte contre
lenseignement des disciplines exprime une lutte morale dont lobjet est de
positionner le social à la place laissée libre par le sacré, comme dimension
organisatrice de la société, faisant de léducation le fondement de la société
moderne, un substitut du religieux.[13]
Une mise au jour des processus qui ont conduit à la
domination dun ordre moral sur lécole, processus qui mettent au second plan
la question des développements intellectuels et culturels des élèves, ne
prétend pas que la mission la plus fondamentale de lécole ne soit pas dordre
moral. Mais une fois clarifiée la grande mystification pédagogique moderne,
plus grave que celle qui consistait, avec lécole républicaine, à tenir pour
universelle des valeurs culturelles qui répondaient à un idéal humain
particulier, apparaît celle qui consiste à tenir pour formatrices et inhérentes
aux transformations des sociétés démocratiques modernes, des valeurs
pédagogiques intellectuellement régressives. Toute éducation suppose et a
toujours supposé un choix moral, un idéal en termes de développement humain.
Mais cet idéal ne peut pas être atteint à partir de prémisses psychologiques
réductrices. Le manque de réflexions fondamentales, la crise structurelle de
lécole dans les sociétés démocratiques, la crise plus générale des
institutions sociales révélée par la critique radicale des années 1960s et
1970s, la démission ou la compromission politique, ont conduit à donner la
faveur à des idées pédagogiques qui justifient le discrédit de lenseignement
des disciplines, autrement dit des formes explicites, progressives et
finalisées de transmission des savoirs. Fort de cette prise de recul sur quarante
années dexpérimentations avortées, il reste à définir quels sont les besoins
intellectuels et culturels de lhomme de demain, membre actif et averti de la
société démocratique, professionnel en qualité et en responsabilité et, avant
tout et par-dessus tout, être humain accompli. Et il reste à définir quelle
école sera la mieux à même de satisfaire ces besoins.