LE FIGARO : Extraits choisis par Guillaume Perrault: Publiéle 07/02/2014
L'école est en crise. Dans leur ouvrage, Transmettre,
apprendre (Stock), en librairie le 12 février, le philosophe et historien
Marcel Gauchet et ses coauteurs veulent réconcilier les avancées des dernières
décennies avec l'enseignement d'autrefois. Le Figaro en publie en exclusivité
de larges extraits.
Rupture dans la transmission?
«On le voit, le paradoxe de la transmission aujourd'hui,
c'est qu'elle perdure avec vigueur, bien qu'elle soit par principe récusée, en
particulier en matière de pédagogie. Dans ce domaine, certains observateurs
parlent même d'évitement de la transmission, à l'instar de cette formatrice
en arts plastiques qui voit les jeunes enseignants valoriser pour leurs élèves
la démarche expérimentale et la confrontation aux matériaux, plutôt que les
savoirs et savoir-faire qu'ils ont eux-mêmes reçus de leurs maîtres, en matière
de dessin par exemple. ( )
Ce qui frappe l'observateur contemporain, c'est un retrait
significatif des adultes, parents ou enseignants, de l'acte de transmission au
profit de la liberté de choix et de l'expérimentation par soi-même. Toute appartenance
ou affiliation est vue comme un obstacle à la liberté et à la créativité,
perçue comme un déterminisme inacceptable ou comme l'imposition d'un réseau
d'obligations et de dettes à l'égard de crimes que les nouveaux n'ont pas
commis. Elle est rejetée pour son incompatibilité avec le présupposé
individualiste de la démocratie: L'individu est fils de ses uvres. Elle est
refusée en tant que facteur d'inégalité, au même titre que l'ancienne
transmission des charges, privilèges et places sociales. Aucune hiérarchie
entre les êtres n'est plus admissible. Or la transmission, qui repose sur la
différence des générations, est implicitement soupçonnée d'asseoir la
supériorité des anciens. Chaque génération devrait commencer sa trajectoire
pour son propre compte. ( )
Pourquoi les mêmes familles qui souhaitent tellement
transmettre leurs biens propres évitent de transmettre le reste, en particulier
ce qui leur vient d'un passé commun ou de la tradition? Tentons d'examiner ce
qui s'est produit. Il faut d'abord prendre en compte une mutation immense,
celle de la famille ( ), l'esprit dans lequel elle élève les enfants a changé.
Elle se préoccupe moins de leur donner les armes qui les rendront capables dans
le futur de participer à la vie sociale et d'y jouer un rôle. Elle pense avant
tout à favoriser au présent l'épanouissement de l'enfant, autour duquel elle se
bâtit désormais, et tend à rejeter les normes et codes qui, bien
qu'indispensables à tout processus de socialisation, pourraient brimer la
spontanéité: Pourquoi le forcer à dire bonjour, s'il ne le sent pas?.
En réalité, tout ce qui est de l'ordre des contraintes
imposées par la vie sociale est disqualifié. C'est pourquoi, ce qui tend à
s'affaiblir et même à disparaître, ce sont en priorité les transmissions des
croyances et les normes léguées par la tradition, ainsi que les appartenances
institutionnelles (politiques ou religieuses par exemple). La rupture la plus
patente, selon Danièle Hervieu-Léger, concerne la transmission de la religion,
dans laquelle la foi personnelle et l'adhésion à une institution collective
sont étroitement liées: Dans ce domaine plus que dans les autres, la capacité
de l'individu à choisir l'orientation qu'il donne à sa vie tend à prendre le
pas sur la fidélité à l'héritage reçu ( ).
Une autre explication serait à rechercher dans les immenses
transformations technologiques et sociales, en particulier en matière de
communication. Le sentiment de rupture s'est exprimé dès les années 1950, avec
l'explosion des médias de masse, radio et télévision, opérant une diffusion
massive de valeurs nouvelles, individualistes et consuméristes. À partir des
années 1970, un certain nombre d'auteurs analysent la troisième révolution
industrielle comme une véritable révolution culturelle. Cette révolution
silencieuse a fait émerger des valeurs dites post-matérialistes (bonheur,
famille, authenticité, épanouissement, qualité de vie) qui manifestent un
remaniement global des références collectives. Il s'agirait là de véritables
fractures qui atteignent en profondeur les identités, le rapport au monde et
les capacités de communication des individus.
« Quand s'efface le
passé et que l'avenir s'obscurcit, le présent devient l'horizon indépassable,
et l'on assiste à un détachement du passé qui a d'immenses répercussions sur la
transmission. »
Margaret Mead, en 1970, est sans doute celle qui a le mieux
décrit les trois temporalités du passage de relais entre générations:
déterminée par le passé, projetée vers l'avenir, ou encore focalisée sur le
présent. Or, après la Grande Guerre, la rapidité des changements dans les
moyens de communication, mais aussi dans les murs et les loisirs, a donné le
sentiment que tous les savoirs et savoir-faire établis depuis des siècles
devenaient obsolètes, donc inutiles à transmettre. C'est à ce moment que s'est
enclenché un processus de discrédit de la tradition et que s'est creusé ce que
Margaret Mead a nommé Le Fossé des générations. Quand s'efface le passé et que
l'avenir s'obscurcit, le présent devient l'horizon indépassable, et l'on
assiste à un détachement du passé qui a d'immenses répercussions sur la
transmission. C'est en partie le sens de ces répliques si fréquentes dans les
classes de philosophie d'aujourd'hui: Mais que peuvent avoir à nous dire des
hommes qui sont morts depuis longtemps? C'est le succès, à l'inverse, pour
tenter de conjurer ce déni de ce qui nous a fait ce que nous sommes, de l'appel
à un lancinant devoir de mémoire, en réalité peu propice à renouement avec le
passé tant il est dissocié d'une véritable démarche historique ( ).
Maîtres et disciples
La relation entre maître et disciple mobilise enfin cet
autre puissant ressort symbolique qu'est le don. Le maître est celui qui donne,
au sens le plus fort du terme, gratuitement, sans que rien ne l'y oblige, et
qui donne non seulement du savoir, mais de lui-même - c'est la particularité de
son don: il s'y implique. Il ne se borne pas à transmettre du savoir, il fait
don de ce qu'il a appris. Le disciple est celui qui sait qu'il a la chance de
recevoir. Celui, partant, qui sur la base de ce legs dont il mesure la portée,
peut trouver l'énergie de donner à son tour afin de rendre ce qu'il a reçu.
C'est en fonction de cette chaîne des générations conçue
idéalement pour ne pas s'interrompre que la transmission acquiert sa
signification dernière, au-delà de ses protagonistes actuels. Elle vient
d'avant et elle est destinée à se poursuivre après. Et il n'y a que le don qui
soit un ressort assez puissant pour activer ce lien de succession qui constitue
l'âme du progrès du savoir dans le temps.
Personne n'apprend que par lui-même et pour lui-même en vue
de sa seule utilité, contrairement à l'illusion qu'entretient l'individualisme
contemporain. Apprendre, en dernier ressort, symboliquement parlant, c'est
toujours apprendre de quelqu'un pour transmettre à quelqu'un ( ).
Autant de significations agissantes, le plus souvent
dissimulées sous des considérations plus triviales, voire carrément contraires,
qui émergent en se cristallisant sous les traits du maître. Elles sont
présentes à l'arrière-fond de toute relation d'enseignement, dès son plus
humble niveau. On s'en aperçoit lorsqu'elles disparaissent ( ). Chez cet
individu érigé en maître de ses curiosités, la motivation tend à s'étioler,
l'appétit chute. Ces savoirs censés avoir été rendus à leur véritable raison d'être
ne suscitent pas le désir. C'est qu'ils tiraient une bonne partie de leur sens
d'ailleurs. La mystérieuse désaffection qui les frappe au milieu d'une société
qui célèbre leur efficacité comme nulle autre avant elle trouve ici l'une de
ses sources ( ).
Lire, écrire, compter
Le problème le plus profond de l'école d'aujourd'hui est
qu'elle ne sait plus ce que veut dire apprendre. L'école dite traditionnelle
croyait le savoir, par une manière d'évidence, sans trop se poser la question.
Ses conceptions, qui étaient plutôt des présuppositions, n'ont pas résisté à
l'examen. Elles ont été balayées par les rénovateurs du XXe siècle, qui ont cru
faire entrer la pédagogie dans l'âge positif ( ).
Le contexte historique et social a consacré ces
orientations, à la faveur du grand tournant des années 1970. Il leur a donné
une force hégémonique qu'elles n'avaient pas, en dissolvant le support tacite
qui les maintenait malgré elles dans l'orbite traditionnelle. Cette fois, la
rupture avec le moule invisible de la société de tradition a été consommée pour
de bon, en même temps que la rupture avec le mode de socialisation qui allait
avec ( ).
Si audacieuses qu'elles pouvaient être, les propositions des
réformateurs continuaient de s'inscrire dans ce cadre, qu'elles entendaient
simplement transformer de l'intérieur. L'individualisation radicale qui a
résulté de la ruine de ce cadre, individualisation à la fois sociale et
idéologique, a changé la donne. Elle a non seulement assuré le triomphe des
conceptions réformatrices, en en faisant des évidences partagées (au point de
renvoyer dans l'oubli le nom de leurs promoteurs), mais elle leur a aussi conféré
en pratique une radicalité qu'elles ne comportaient pas.
Elle a imposé une idée de ce que veut dire apprendre où il
n'y a plus que des appropriations individuelles possibles et concevables, sur
la base des motivations, des intérêts et des besoins de chacun, là où le souci
des pédagogues, conscient ou non, était de préserver un équilibre entre la
précédence des savoirs et leur nécessaire conquête personnelle.
Vieille expérience: une chose est la production des idées,
autre chose sont les conditions de leur succès et de leur concrétisation. En
l'occurrence, le grossissement déformant qu'elles subissent en étant devenues
la vulgate dominante oblige à les réinterroger. Il en fait ressortir les
limites. Les éléments de vérité qu'elles comportent ne permettent pas de s'en
contenter, tellement pour le reste elles passent à côté de la réalité,
tellement elles laissent l'école désarmée devant sa tâche. Il est chaque jour
plus manifeste que les choses ne se passent pas de cette façon. Nous entrons,
volens nolens, dans une troisième étape, celle de la critique de la critique.
Il ne peut plus être question de se contenter de ce qui se révèle être une
mythologie sociale tout aussi trompeuse, pour finir, que celle qu'elle a
supplantée ( ). Nous sommes à la recherche d'un équilibre que l'on devine
difficile ( ).
À l'heure d'Internet
Ce qu'il y a de nouveau, avec l'arrivée
d'Internet, c'est la brutale contestation des apprentissages scolaires, soudain
frappés d'obsolescence: méthodes archaïques déclarées inadaptées aux digital
natives, outils périmés, savoirs soudainement dépouillés de l'intérêt qu'ils
pouvaient encore susciter il y a trente ans. Cette fois-ci, apparaît au grand
jour ce que peu osaient dire auparavant: il est impossible à l'école, au risque
de se détruire, d'être complètement en phase avec le contemporain. Sa fonction
de tradition lui impose d'être toujours en décalage avec les mutations sociales
et techniques, ainsi d'ailleurs qu'avec l'événement, aussi dramatique fût-il:
Maintenant, je commence la leçon de calcul, enchaînait l'instituteur de Jules
Romains en 1908, immédiatement après avoir annoncé à ses élèves l'imminence de
la guerre en Europe. L'institution scolaire est dans une autre temporalité,
faite de rapport au passé, d'anticipation raisonnée du futur, et de lenteur
dans l'acquisition des savoirs ( ). Nous savons que les écrans occupent
aujourd'hui les 9-16 ans trois heures et demie par jour en moyenne (pour le
couple télévision-Internet), hors du temps scolaire. Que savons-nous réellement
de leurs effets cognitifs? Une telle enquête devrait amener une société qui
prend soin de sa jeunesse à se poser au moins une question très simple: est-il
bon d'augmenter encore le temps d'exposition des enfants aux écrans?»
Onderwijs. Van cultuuroverdacht naat leren & kennismaatschappij
"Transmettre, apprendre" - recension de l'ouvrage de Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi
21/05/2014 - 18:37 Julien Gautier Revue Skhole:
Basisidee:overgang van cultuuroverdracht naar leren & kennismaatschappij : la mission directrice de lécole, désormais, ne serait plus dassurer dabord la socialisation par linculcation du passé, lhéritage de la mémoire sociale, mais de contribuer à lép...anouissement des individus, et cest pourquoi « le fait dapprendre a pris le dessus sur une démarche de transmission jugée rétrograde, tant du point de vue de ses attendus politiques que de sa vision de lacquisition dun savoir
Après Pour une philosophie politique de léducation (2002) et Conditions de léducation (2008), Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi publient leur troisième ouvrage commun, qui vient ainsi prolonger et approfondir un travail de grande ampleur pour penser léducation à lépoque contemporaine, et dont il faut saluer lexistence et limportance.
Ce volume, intitulé Transmettre, apprendre, issu dun séminaire de deux ans au Collège des Bernardins[1], propose de condenser dans ces deux verbes et dans leurs relations le « problème intellectuel » de lécole daujourdhui. « Transmettre » désigne ici de manière générale lopération qui consiste à assurer le transfert de certains acquis dune génération à une autre, lhéritage dun passé, plus précisément dun ensemble de symboles et de savoirs, quil sagit dabord de recevoir : léducation envisagée du point de vue de la tradition. « Apprendre », de son côté, renvoie au contraire à lacte dapprendre envisagé du point de vue de lacteur qui apprend, et désigne dabord dans louvrage une certaine conception et orientation de lenseignement mettant laccent sur lauto-construction individuelle des savoirs, et refusant lidée dinculcation. Transmettre versus apprendre, cest la première signification du titre. Mais ce que sefforce finalement détablir le livre, cest la nécessité de penser ensemble ces deux dimensions de léducation humaine, de repenser leur lien fondamental, une fois pris acte de léchec théorique et pratique de leur opposition unilatérale. En cela, ces deux termes condensent le « problème intellectuel » de lécole daujourdhui, et aussi, dune certaine manière, les voies de sa résolution.
Problème danalyse dabord : la crise actuelle de linstitution scolaire sexpliquerait par le fait que si lunivers de la transmission est « mort et bien mort », lunivers de lapprendre qui lui a succédé, malgré ses intentions et son triomphe, nest pas parvenu jusquici à fonder une nouvelle école motivante, efficace et juste. Lunivers de la transmission est bien mort, mais pas la transmission elle-même (ni sa réalité, ni sa nécessité), lunivers de lapprendre domine mais ne tient pas ses promesses et désespère, montrant en cela son insuffisance (de fait et de droit). Ceci est déjà vrai au niveau scolaire, mais lun des intérêts de louvrage est de chercher à comprendre ces phénomènes sur le fond dun arrière plan beaucoup plus large. Le crise de lécole nest pas essentiellement imputable aux errements pédagogiques des trente dernières années, mais à des tendances beaucoup plus profondes qui travaillent la modernité depuis ses origines et qui se seraient entièrement actualisées dans le seconde moitié du XXe siècle : le passage « définitif » mais problématique dune « société de tradition » à une « société de la connaissance ». Problème de perspective ensuite : ce quindique aussi cette crise le triomphe paradoxal de lapprendre, la persistance refoulée de la transmission -, cest la nécessité de repenser ensemble ces deux dimensions irréductibles lune à lautre de léducation humaine et elle incite en cela à trouver les moyens de les articuler pratiquement. Elle permet de dessiner les contours dun programme théorique et pratique en vue dune régénération de lentreprise scolaire et de la pédagogie quelle requiert.
Ce « problème intellectuel » de lécole trouve à travers cinq parties une série déclairages sous plusieurs angles et focales, qui font la richesse de cet ouvrage à plusieurs mains, et dont nous voudrions maintenant présenter les dimensions les plus importantes à nos yeux. Sy articulent en effet une approche historique et anthropologique de large envergure[2], une approche plus sociologique des conditions contemporaines déducation (rôle des familles, persistance des figures « magistrales », nouvelles technologies)[3], des éléments pour une histoire intellectuelle des idées éducatives au XXe siècle[4], enfin une réflexion philosophique dordre épistémologique, conceptuelle et phénoménologique sur la nature de lapprendre[5]. Nous nous concentrerons essentiellement sur la première et la dernière.
Le paradoxe de la modernité scolaire
Louvrage débute par une analyse des racines de la transformation profonde quont connu les systèmes éducatifs depuis les années 70, analyse dont le cadre général est celui dune certaine histoire de la « modernité », conçue essentiellement comme un long processus à la fois socio-politique et épistémique de « détraditionnalisation » et d « individualisation » : à ce titre, Transmettre, apprendre se situe clairement dans le prolongement de luvre de Marcel Gauchet qui, depuis Le désenchantement du monde (1985), développe une vaste et complexe analyse de la modernité comprise comme « sortie de la religion » et avènement problématique - dun monde où les hommes ambitionnent de se gouverner eux-mêmes. Dans ce cadre, la naissance et lévolution de lécole moderne sont retracées à grand traits comme celles dun « compromis » historique, instable mais longtemps résistant, entre la volonté explicite de construire un système éducatif nouveau formant des sujets autonomes à la rationalité méthodique et critique, et le maintien tacite des exigences de la tradition et de lautorité du passé, à travers les contenus enseignés et les démarches pédagogiques[6]. Au fond, lécole était jusquà la fin du XXe siècle linstitution moderne paradoxale qui, tout en promouvant les idées modernes de connaissance méthodique et dindividu rationnel, « prolongeait jusque dans la modernité avancée lâme des anciennes société de tradition »[7] : « apprendre » et « transmettre » sy articulaient tant bien que mal. A partir des années 70, ce compromis se serait « définitivement disloqué », au profit exclusif de la tendance moderne, marquant ainsi lavènement dune « société de la connaissance » désormais affranchie de la « société de tradition ». Devenue dès le début du XXe siècle, avec le développement des « pédagogies nouvelles » et de « léducation progressive », lobjet dune critique politique et technique, et sous la pression plus générale dune nouvelle poussée de lindividualisme démocratique, lécole moderne, qui était en fait restée jusque là profondément « traditionnelle » dans son esprit et ses pratiques, fut finalement conduite à changer de paradigme : la mission directrice de lécole, désormais, ne serait plus dassurer dabord la socialisation par linculcation du passé, lhéritage de la mémoire sociale, mais de contribuer à lépanouissement des individus, et cest pourquoi « le fait dapprendre a pris le dessus sur une démarche de transmission jugée rétrograde, tant du point de vue de ses attendus politiques que de sa vision de lacquisition dun savoir »[8].
Mais la thèse originale de Transmettre, apprendre consiste à mettre en lumière le paradoxe de cette victoire des idées modernes déducation et du « sacre de lapprenant » qui laccompagne, victoire en trompe-lil dont lensemble du livre sattache à montrer les limites : ce que révèlerait et signifierait la « crise » persistante de lécole contemporaine, dans ses différents aspects, cest finalement léchec patent, et dans une certaine mesure inévitable, dune institution éducative qui sest efforcée déliminer, sans pouvoir y parvenir, toute dimension de « transmission ». Dune part, quarante ans après le tournant des années 70, il faut se rendre à lévidence : les faits montrent que, contrairement aux objectifs quelle sest donnée et malgré les réformes successives destinées à les réaliser, lécole nest parvenue ni à remobiliser ses acteurs, ni à redonner sens aux contenus scolaires, ni à combattre efficacement léchec scolaire, ni surtout à réduire les inégalités scolaires et leurs effets de reproduction sociale. Pour expliquer ce paradoxe, louvrage souligne à juste titre la réalité persistante et limportance de mécanismes informels et invisibles de transmission qui, pour ainsi dire refoulés par lécole, continuent néanmoins de produire leur effets sur les jeunes générations, de manière dautant plus prégnante que le système scolaire sen est officiellement détourné : dans le cadre familial en particulier, mais aussi à travers les medias et les relations entre pairs, toute une série de transmissions « clandestines » opèrent, sur les plans psychique, moral et cognitif, hors du contrôle de linstitution mais conditionnant largement, de lextérieur, son propre fonctionnement[9]. Ainsi, si la transmission a été en quelque sorte bannie de lécole, elle na pu lêtre de la société elle-même : la conséquence en est que lécole sest delle-même privée des moyens dagir sur ces déterminismes sociaux et les fortes inégalités qui les caractérisent : « Si lécole, ainsi, échoue à réduire les inégalités, cest quelle achoppe sur la puissance des transmissions informelles ( ) qui conditionnent dautant plus les performances des élèves que laccent est mis sur leur démarche individuelle. »[10] Doù la douloureuse impasse et la profonde désorientation dans laquelle elle se trouve désormais, sans en avoir tout à fait conscience. Mais ce que soutient dautre part louvrage cest que cette persistance de fait témoigne, plus profondément, de la nécessité anthropologique de la transmission qui, en ce sens, ne saurait être éliminée de léducation humaine au profit de la seule activité de lapprendre conçue comme auto-construction individuelle : parce que lhomme serait intrinsèquement un être de culture et dhistoire, un être dhéritage, il ne saurait se construire comme un individu singulier et tourné vers lavenir sans se rapporter à un passé collectif, à une « précédence » sociale quil lui faut adopter pour pouvoir se trouver. Ce qui revient à dire aussi, semble-t-il, que le processus de la « modernité » lui-même ne peut tout à fait saccomplir, un résidu de « tradition » - et donc de « religion » ? paraissant inéliminable des relations interhumaines, et dont la tâche éducative, que personne na encore osé déclarer tout à fait périmée[11], constitue en un sens le noyau dur.
Le sens de lapprendre
Cette interprétation historique de létat critique de lécole contemporaine conduit les auteurs du livre à vouloir reprendre sur cette base la question de léducation scolaire, à travers une analyse fondamentale de ce en quoi consiste et de ce que signifie « apprendre », analyse qui donne à louvrage sa densité philosophique en même temps que sa dimension programmatique : « Tout est à reprendre, à commencer par lopposition supposée entre activité de lélève et transmission du savoir »[12]. La quatrième partie du livre en particulier, ainsi que le chapitre consacré aux maîtres et disciples, développent ainsi une approche à la fois phénoménologique, épistémologique et conceptuelle, qui conduit à établir la complémentarité de fait et de principe entre apprendre et transmettre. Comment se présente en effet le savoir à lenfant, tel quil sincarne dans les contenus scolaires des plus élémentaires jusquaux plus élaborés, cest le point de départ et lenjeu principal de la 4e partie de louvrage intitulée « Pour une phénoménologie de lapprendre ». Ce qui ressort globalement de cette analyse, cest que la nature « résistante » de lobjet à conquérir les savoirs dispensés à lécole rend lacte dapprendre en lui-même « difficile », en fait une expérience « à part » et qui ne va pas de soi, en discontinuité à légard de lexpérience naturelle de lenfant : « cet objet ne sajuste pas spontanément à la logique de lappropriation personnelle ; il la défie, voire la contredit. »[13] Or ceci exclut en principe la possibilité dapprendre ces objets naturellement de soi-même et par soi-même - lidée dune auto-construction des savoirs par lélève - et montre au contraire limpérieuse nécessité dune action de transmission. La phénoménologie de lapprendre permet en effet de souligner les traits essentiels qui font la difficulté de lintroduction dun sujet dans lunivers du savoir, traits et difficulté que la conception moderne de la connaissance (affirmant le primat du sujet connaissant) et les théories pédagogiques dominantes au XXe siècle (en particulier celle de Jean Piaget) auraient conduit, conjointement, à négliger voire à refouler. Apprendre à lire, à écrire, à compter, comme, plus tard, apprendre les champs des disciplines scolaires (physique, histoire, géographie, etc.), cest chaque fois sefforcer de pénétrer dans des totalités déjà constituées, des « labyrinthes » de significations sédimentées, qui se présentent dabord nécessairement au sujet qui les aborde comme singulièrement abstraits, artificiels et même « ésotériques », et qui réclament de sa part une forme de décentrement par rapport au reste de son expérience personnelle ces totalités ne font pas sens immédiatement : « Apprendre, cest devoir entrer dans un système de significations cohérent quil faudrait idéalement pouvoir sapproprier dun coup parce quil est cohérent, précisément, et que cest sa dimension densemble qui lui procure sa portée. Ainsi toute entrée de ce genre se solde-t-elle chez les impétrants par le sentiment décourageant que lentrée est impossible. La partie que lon parvient à appréhender est dérisoire et le tout est hors datteinte. Arrivé au pied de la forteresse, elle apparaît imprenable. Je ny arriverai jamais : cette impression dun combat sans espoir est structurelle ; elle ne tient pas à la psychologie individuelle, mais à la nature de la tâche. »[14] Ainsi, lapprentissage (en particulier scolaire, mais pas seulement) consiste nécessairement, pourrait-on dire, en lexpérience dune forme de « transcendance », celle des objets de savoir dont il faut être à même, si lon veut les apprendre, dendurer justement lobjectivité leur extériorité, leur antériorité, leur consistance et leur globalité jamais entièrement saisissables -, et dobjets dont il est donc par avance exclu quun sujet puisse les constituer demblée et entièrement par soi-même[15]. La langue, par excellence, représente un tel objet transcendant, en tant quelle précède et dépasse toujours le sujet parlant, qui doit dabord la recevoir et sy insérer pour pouvoir parler lui-même en première personne, ce qui en toute rigueur naura jamais tout à fait lieu : « nous nen avons jamais fini dapprendre à parler »[16]. Mais ce qui est vrai de la langue parlée lest aussi, sous des formes et à des degrés divers, de tout objet à apprendre, quil sagisse des savoir-faire dun métier ou encore de lunivers des symboles écrits, qui est le champ plus particulier de léducation scolaire. Et cest pourquoi une médiation directrice, une certain genre dinitiation, une forme de transmission savèrent chaque fois nécessaires - à la réalité de cette trans-cendance répond la nécessité dune trans-mission : « Il est besoin de passeurs qui font le pont avec cette autre rive qui semble inaccessible. Il faut pouvoir compter sur des complices qui vous apportent à la fois la sécurité due à leur contrôle du point darrivée et la compréhension du chemin à parcourir. »[17] Pour parvenir à apprendre, et même à être « actif » dans son apprentissage, il faut avant tout être soutenu et accompagné par un « maître » capable de trouver les moyens dintroduire à des objets et à des champs qui sinon resteraient largement étrangers, capable de faire profiter lélève de laisance personnelle quil a lui-même, de la même manière, acquise. Transmettre, en ce sens, ce nest pas inculquer autoritairement les contenus normés une fois pour toutes dune tradition sacralisée, et louvrage insiste pour que lon ne confonde pas lidée de transmission avec les modalités particulières que celle-ci a pu prendre dans lhistoire. Transmettre, ici, cest dabord faire surmonter la difficulté dapprendre, cest libérer la faculté dapprendre en organisant habilement lintroduction dans lunivers des objets de savoir, en les rendant peu à peu familiers.
Ainsi repensés, transmettre et apprendre ne sopposent en effet plus lun à lautre, un nouvelle alliance entre eux est concevable, et une nouvelle pédagogie imaginable, dont louvrage indique la direction générale rendre possible et faciliter lapprendre : « Son objet stratégique est de construire les progressions permettant de surmonter le hiatus structurel entre le sens densemble et le caractère inévitablement fragmentaires des acquisitions. Cest cela transmettre. Tâche éminemment difficile qui consiste à aménager des paliers donnant une idée globale du domaine concerné dans les limites dune connaissance parcellaire. Car cest sur cette tension interne que bute à tous les moments lacte dapprendre. Elle est son obstacle intime, son incitation autochtone au renoncement : elle fait que, plus vous apprenez, plus vous entrevoyez létendue de ce qui vous manque, et plus vous avez limpression de reculer au fur et à mesure que vous avancez. La tâche de la pédagogie est de renverser ce facteur dinhibition en facteur dappel, grâce à des cheminements bien conçus, qui savent donner lidée du but à quelque échelle modeste que ce soit. »[18] Cette conclusion programmatique a le mérite de proposer une voie de sortie hors des impasses du sempiternel débat entre partisans « traditionnels » du savoir et de linstruction et promoteurs « progressistes » de lactivité de lélève. Lécole « traditionnelle » avait tendance à concevoir la transmission comme linculcation autoritaire dun passé immuable et sacré, sans se préoccuper de savoir comment ces contenus pouvaient être effectivement appropriés individuellement par les sujets de lécole : elle appelait sa critique, et de ce point de vue les pédagogies nouvelles et les théories du développement de lenfant ont joué au XXe siècle un rôle salutaire qui reste à cet égard un acquis. Mais, parce que celles-ci ont souvent péché elles aussi par leur unilatéralisme, elles rendent aujourdhui nécessaire une « critique de la critique »[19], une nouvelle étape de la pensée éducative moderne : « une étape consistant à articuler ces termes, transmettre et apprendre, posés longtemps dans un antagonisme qui a dispensé den interroger sérieusement la teneur. »[20]
Cest donc un ouvrage dense et stimulant que nous proposent Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, et qui mérite non seulement dêtre lu mais aussi dêtre prolongé et discuté par tous ceux qui, philosophes ou non, souhaitent faire avancer la réflexion collective sur lécole daujourdhui et demain. Sur le plan de lanalyse historique de la modernité et de ses conséquences scolaires, les thèses sont claires et soutenues avec force, mais on pourrait néanmoins regretter quaucune place substantielle ne soit faite à une approche socio-économique : pour le dire brutalement, tout ce qui est ici pensé comme les marques de la « modernité » et de ses contradiction internes (« détraditionalisation », « individualisation », « désenchantement », présentisme/futurisme, règne de la rationalité instrumentale, perte de sens des savoirs, puissance des médias, etc.) na-t-il pas quelque chose à voir, de manière essentielle, avec le capitalisme et son évolution ?[21] Plus spécifiquement, pour comprendre lévolution critique des systèmes scolaires dans la seconde moitié du XXe siècle nest-il pas indispensable de tenir compte aussi du passage à un « capitalisme cognitif » dans lequel la vie symbolique humaine toute entière tend à être intégrée au système de production, lui-même livré à linnovation permanente et au consumérisme ? Sur le plan dautre part de la philosophie de léducation et de ses conséquences pédagogiques, on pourrait trouver parfois excessif laccent mis sur le caractère « ésotérique » et « transcendant » du savoir, et corrélativement sur la difficulté et les mystères de lacte dapprendre, au risque peut-être de compromettre la synthèse théorique et pratique recherchée entre modernité et transmission : plus largement, lidée de « savoir » nest-elle pas présentée dans louvrage de manière un peu trop abstraite, centrale et « monumentale », sans que soient assez précisés ses contenus pour lécole daujourdhui, ni assez pris en compte les capacités quils auraient vocation à former, cest-à-dire ce que les élèves daujourdhui pourraient espérer en retirer pour eux-mêmes ? Nous ne pouvons développer davantage ici ces questions, mais peut-être feront-elles lobjet de discussions lors de la table-ronde du Mardi 3 Juin prochain, organisée autour de cet ouvrage en présence des auteurs.
[2] Celle-ci imprègne lensemble de louvrage, et se trouve en particulier développée dans la première partie « le sacre de lapprenant ».
[3] Deuxième partie, intitulée « Résistances de la transmission », et cinquième partie, intitulée « Faut-il encore apprendre à lheure dInternet ? ».
[4] Troisième partie, intitulée « Comment apprend-on ? Théories et débats ».
[5] En particulier dans la quatrième partie, intitulée « Pour une phénoménologie de lapprendre », mais aussi dans la sous-partie intitulée « Maîtres et disciples » (87-111).
[6] La note de la page 22 souligne le rôle durable du latin dans léducation moderne du XVIe au XXe siècle et le présente comme un exemple paradigmatique de ce « compromis scolaire entre lesprit de tradition et lesprit des savoirs méthodiques » : « Lébranlement, le lent affaiblissement, puis la disparition de cet empire du latin au XXe siècle sont à lire comme des manifestations caractéristiques de la décomposition du compromis qui inscrivait la formation des esprits à la méthode à lintérieur du lien avec une origine inaltérable. Lexemple montre au mieux comment cette conjonction si durable a fini par devenir intenable. »
[7] Ibid., 15. Déjà, dans Conditions de léducation, on pouvait lire : « Lécole aura été ( ) linstitution ambiguë par excellence dans la modernité. Dun côté, elle se construit contre la tradition. Elle en appelle à la méthode et à la transmission raisonnée contre le mode dacquisition par imprégnation qui allait de pair avec le règne social de lautorité du passé. Mais cela, de lautre côté, tout en sétayant dans son fonctionnement quotidien sur cette dimension de tradition quelle récuse en principe. Cest sous langle de ce compromis secret entre raison et tradition quil faudrait écrire lhistoire de linstitution scolaire en Occident depuis la Renaissance, compromis régulièrement renégocié, mais solidement maintenu jusquen plein XXe siècle. » (p. 71).
[8] Ibid., 26.
[9] Cf. en particulier la deuxième partie de louvrage intitulée « Résistances de la transmission », ainsi que la cinquième partie consacrée à « lheure dInternet ».
[10] Ibid., 8.
[11] Même les thèses radicales dIvan Ilitch dans Deschooling Society, exmainées dans la 2e section de la première partie du livre, nallaient pas jusque là. Et, plus près de nous, Michel Serres déclare certes quil ny a plus aucun besoin de « transmettre », non déduquer. Cf. ici-même notre lecture critique de Petite Poucette : http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres
[12] 4e de couverture.
[13] Ibid., 189.
[14] Ibid., 205.
[15] Sur cette idée de « transcendance » de lobjet denseignement, et sur ses ambivalences possibles, nous renvoyons aux précisions utiles de Denis Kambouchner, dans LEcole, question philosophique, p. 96-102, où se trouve cité Marcel Gauchet.
[16] Ibid., 192.
[17] Ibid., 205.
[18] Ibid., 206. Nous soulignons.
[19] Ibid., 188.
[20] Ibid., 252.
[21] Plus brièvement encore : quid du lien entre modernité et capitalisme ?
Onderwijs. Kritiek op radicaal inclusief onderwijs in Duitsland
Kritiek op radicale
inclusie n.a.v. Duitse moeder van kind met Down-syndroom die vindt dat Henri
toegang moet krijgen tot Gymnasium (aso)
Nicht jedes Kind kann auf eine normale Schule gehen Frankfurter
Allgemeine:19.05.2014, von Christian
GeyerKritiek van Günther Jauch
Die Inklusion ist bei Günther Jauch angekommen. Ein Kind
mit Behinderung kann nicht immer aufs Gymnasium gehen. Nicht nur das Kind
selbst könnte davon überfordert sein, auch Lehrer und Mitschüler.
Henri hat das Down-Syndrom - seine Mutter will, dass er auf
ein normales Gymnasium geht.
Um es vorwegzunehmen: Die paradoxen Effekte, die das wie
es im Juristendeutsch heißt Recht von behinderten Menschen auf Teilhabe an
allen gesellschaftlichen Prozessen hervorruft, wurden in dieser Sendung
überdeutlich. Paradoxe Effekte, weil ein gleiches Recht für alle, was auch für
alle mit gleichen Mitteln durchgesetzt werden soll, unter Umständen die
Benachteiligung noch verschärft, die man doch verhindern will. Und zwar dann
eine Benachteiligung für alle: für Menschen mit und ohne Behinderungen.
Immer wieder drängte sich in der Jauch-Talkrunde am
Sonntagabend als Leitfrage auf, was der Moderator an einer Stelle sinngemäß so
formulierte: Möchte man nicht der Frau Ehrhardt Recht geben, die als Mutter
dafür kämpft, dass ihr elfjähriger Sohn Henri trotz Down-Syndrom ein ganz
bestimmtes normales Gymnasium in ihrer Nähe besuchen darf, also eine Regel-,
keine Förderschule? Und muss man, so Jauch weiter, nicht aber dem Herrn Kraus
Recht geben, der vom Kindeswohl ausgehend die Differenzierung der Fälle fordert
und sagt: je nachdem. Je nachdem, um welche Art von Behinderung es sich
handelt, muss im konkreten Fall über Regel- oder Förderschule entschieden
werden.
Unterricht in Mini-Gruppen
Sein behinderter Neffe etwa, so der
Lehrerverbandsvorsitzende Kraus, sei heute ein selbstbewusster Student, der in
einer inklusiven Wohngemeinschaft mit Nicht-Behinderten zusammenlebt, weil er
seinerzeit auf eine Förderschule gegangen und ihm dort all die Widmung und
kompetente Unterstützung, aber auch eine gewisse geschützte Atmosphäre zuteil
wurden, die ein spezieller Unterricht in Mini-Gruppen ermöglicht. Das bedeute:
Um das Ziel der Inklusion zu erreichen, sei je nach Situation das Spektrum
etwa beim Down-Syndrom ist breit, es gibt leichte und schwere Ausprägungen
nicht immer auch Inklusion das gebotene Mittel.
Diese Je-nachdem-Argumentation, die nicht nur vor einer
Diskriminierung der Förderschule und ihrem Personal warnte, sondern generell
vor falscher Gleichmacherei eben auch bei der gebotenen Gewährleistung von
Gleichberechtigung - einer solche Argumentation konnte sich Jan-Martin Klinge
in weiten Teilen anschließen. Klinge unterrichtet als Gesamtschul-Lehrer in
einer Klasse, in der auch Behinderte lernen und erdete die Diskussion immer
wieder mit dem Hinweis, dass die eigentlich gewünschte und auch von ihm, Klinge,
vehement geforderte Inklusion an einer Schule nur in dem Umfang hergestellt
werden könne, in dem auch die dafür notwendigen Mittel (an Personal,
Lehrmaterial) bereitstünden.
Anderenfalls verfalle man einem Wunschdenken, das niemandem
helfe: weder den Kindern mit Behinderung, die nicht mitkommen, noch den Kindern
ohne Behinderung, die mit der inklusiven Schulsituation nicht zurechtkommen,
weil sie nicht ihren Fähigkeiten entsprechend lernen können.
Er müsse schließlich die Förderung all seiner Schüler im
Auge behalten, erklärte Klinge: also jene mit und jene ohne Behinderung. Und er
gab zu bedenken, dass sich diese beiden Schülergruppen von der siebten, achten
Klasse an rasant auseinanderentwickeln, was die Anforderungen an eine
Inklusion noch einmal erheblich steigere, zumal wenn, wie Klinge es erlebt, das
zusätzliche Förderpersonal in höheren Regelschulklassen sich mitunter auch
selbst nicht mehr in der Lage sieht, den Anschluss an schwierige Fächer wie
Physik und Chemie zu halten. Damit war der Ball an die Politik zurück gespielt,
wo er zweifellos zunächst auch hingehört.
Wer ideologisiert die Debatte?
Was Malu Dreyer, die Ministerpräsidentin von
Rheinland-Pfalz, zur Debatte beisteuerte, klang da freilich nur sehr
eingeschränkt Vertrauen erweckend. Ihre kategorische Mahnung, nicht nach
Behinderungsarten (zu) differenzieren, musste für Praktiker des inklusiven
Unterrichts unverständlich bleiben. Ihre Warnung, die Debatte nicht zu
ideologisieren, fiel teilweise auf sie selbst zurück. Wie möchte sie eigentlich
verhindern, dass ein unbedingt zu erfüllendes Wahlrecht der Eltern, was die
Schule des behinderten Kindes angeht, im Einzelfall dem Kindeswohl schadet
statt nutzt?
In diesem Sinne hatte der Auftritt von Henris Mutter
bisweilen etwas erschreckend Maßloses; ihr einfaches Wegwischen von Warnungen,
Kinder mit Behinderungen auf einer Regelschule womöglich von einer Enttäuschung
in die nächste zu schicken, ihr kompromissloses Beharren auf einer Regelschule
in nächster Nähe ihrer Wohnung (nach dem Motto: in dieses Gymnasium gehen auch
Henris Freunde), all dies ließ für Henri nicht unbedingt nur Gutes erwarten
(sein Fall hätte im übrigen noch viel genauer beleuchtet werden müssen, um ihn
wirklich beurteilen zu können).
Es war der Lehrer Klinge, der Frau Ehrhardt darauf hinwies:
Unser Schulsystem basiert nicht darauf, dass wir mit unseren Freunden zusammen
sind. Das Thema, da hatte Günther Jauch sicher recht, wird seiner Sendung auf
absehbare Zeit erhalten bleiben.Auch Inklusion hat Grenzen - besonders in der
Schule
Reacties van lezers
*SoPäd: Es geht in der UN-Konvention darum, Menschen mit
Behinderungen Zugang zum staatlichen Bildungssystem zu geben, nicht um eine
hundertprozentige inklusive Beschulung. Zugang haben sie in Deutschland längst.
Viele Eltern haben mit Förderschulen und deren Fachkräften, mit kompetenten
Diagnosen und individuellen Förderplänen gute Erfahrungen gemacht. Man darf
diese anerkannten und akzeptierten Angebote nicht übereilt über Bord werfen,
bevor sie an den übrigen Schulen in vergleichbarer Qualität vorhanden sind. Und
das wird eine genau so große Herausforderung, wie der Traum von einer
gewaltfreien Gesellschaft.
*Marina Wiese: Auch ich habe eine Schwerbehinderung. Diese
Behinderung hat mich nicht daran gehindert, die Allgemeine Hochschulreife zu
machen (vor elf Jahren). Der Punkt ist aber, dass ich in der Lage war, mich in
die Klasse auch leistungsmäßig zu integrieren und dass ich - trotz Behinderung
- mal abgesehen vom Sportunterricht, wo ich bestimmte Sachen einfach nicht
machen konnte/durfte, niemals eine "Extrawurst" bekommen habe. Ich
bin froh und stolz, Abitur zu haben und mich auf einem "normalen"
Gymnasium durchgebissen zu haben, aber ich weiß auch, dass das nicht für jeden
der Fall sein kann. Deshalb sehe ich eine Inklusion von geistig Behinderten in
den Gymnasien als sehr sehr kritisch. Irgendwo müssen auch die gleichen
Maßstäbe bei Behinderten und Nicht-Behinderten angesetzt werden. Sonst - wie
bereits einige meiner Vorkommentatoren treffend bemerkt haben - kann man das
Abitur gleich abschaffen. Weil der eigentliche Sinn an diesem Schulabschluss
verloren geht.
* :"Als inclusie voor alle leerlingen geldt, dan moet
ook het onderscheid tussen onderwijsvormen (aso, tso, bso) worden
opgedoekt." Taranis : Unverständnis
Wenn das Konzept der Inklusion das Bessere für alle
Beteiligten wäre, dann bräuchten wir auch keine unterschiedlichen Schultypen
für die sogenannten "Normalen". Könnte man garantieren, daß eine
heterogene Klasse keinen Schüler ausbremst, wozu dann Real- und Hauptschule
sowie Gymnasium? Wer entscheidet dann welches Kind welches Lernziel hat und wie
wird gemessen an dem Lernziel bewertet? Was ist die individuelle Note dann
überhaupt wert, wenn es keinen Vergleich mehr gibt?
Verstehen Sie mich
nicht falsch, ich möchte behinderte Kinder nicht ausschließen, weil sie den
schlauen Kindern vermeintlich zu dumm oder so langsam sind. Allein die
Argumentation Jeder würde davon profitieren geht nicht auf. Der
Klassenschlüssel ist jetzt schon für eine optimale Förderung des Nachwuchses zu
groß. Wenn die Aufgaben des Lehrer durch Individualisierung nun noch mehr
erweitert werden, sehe ich hier eher einen Nachteil für alle Kinder egal ob
"normal" oder behindert.
*Robert Hoerner:Was mit dem Jungen passiert ist der Versuch,
ihn in eine privilegierte Position zu bringen, auf Kosten aller anderen. Jeder
andere, "normale", Schüler muss die Noten bringen, sonst bleibt er
"sitzen" und fliegt beim zweiten Mal "Sitzenbleiben" von der
Schule. So sind die Regeln.Dieser Junge soll aber, egal welche Noten er
schafft, in jedem Fall bis zur Klasse 13 mitgeschleppt werden, damit er bei
seinen Sandkastenfreunden bleiben kann.
Das ist keine Inklusion, das ist Exklusion. Er wird aus dem
Klassenverband ausgeschlossen und zum Maskottchen oder Quälgeist, jedenfalls
nicht zum Mitschüler. Die Mitschüler entwickeln sich weiter, schneller als
Henri. Sie werden in kurzer Zeit in die Pubertät kommen, erwachsen werden,
geistig reifen und ganz andere Interessen entwickeln als eine
Sandkastenfreundschaft geben kann.
*Thomas Mainka : Es ist sicher schön, wenn Behinderte und
Nichtbehinderte zusammen lernen könnten. Jeder könnte von dem Anderen lernen.
Es ist aber leider so, dass der langsamste immer den Takt vorgibt und es am
Ende der Schulzeit ein Abschlusszeugnis, was den weiteren Lebensweg sehr stark
prägen wird.
Nach kurzer Zeit wird
das Mitgefühl der Mitschüler sinken und es wird ein Ungerechtigkeitsgefühl,
bzw. Neid aufkommen. Das soziale Verhalten von Jugendlichen lässt sich nicht
mit gutgemeinten Gesetzen durchsetzen. Der Alltag an einer Schule ist schon
jetzt eine starke soziale Herausforderung für Schüler und Lehrer. Ich bin mir sicher, dass eine abgestimmte
Schule in einem geschützten Raum für den Jungen und auch für seine
nichtbehinderten Mitschüler den größeren Lernerfolg bringen wird. Am Ende habe
ich das Gefühl, dass die Mutter ihr Kind als Werkzeug missbraucht. Wir sind
nicht alle gleich, aber gleich viel wert.
*Das System soll sich den "Henries" anpassen! Und
alle anderen Kinder auch! Reinhold Wuest
Da sind wir wieder
mal von der Lehrerschaft am Gymnasium enttäuscht. Das ist unterste Schublade!
Frau Erhardt hat keine Ahnung, redet aber drüber. Auch wenn es altbacken
klingt, das Gymnasium - die letzte Burg der Mittelschicht - wird geschliffen,
es bereitet nicht mehr auf das Studium vor, es wird eine Spiel-und
Therapieschule - moderne Aufbewahrungsanstalt. Für die "nicht
benachteiligten" Schüler wird nichts mehr getan, nur die
föderungsbedürftigen "Minderheiten" bringen uns voran. Der
"Schulfrieden" in NRW ist längst Makulatur, nach dem Rotgrün mit
Freuden die UN-Konvention über die Rechte von Menschen mit Behinderungen
aufgenommen und für seine Ziele instrumentalisiert hat. Bitte keine
"Leistung" mehr, das ist wie "rechtsradikal" oder
"AfD". Verantwortungsvolle Eltern werden ihren Kindern das
Privatgymnasium finanzieren, denn die 100,- im Monat haben sie dafür übrig.
Und wenn man 375 Schüler hat, redet man nicht mehr über individuelle Förderung
- das wäre eine Lü
*Bildungsauftrag der Schule nicht vergessen: Cornelius Fiala
Bei der ganzen Diskussion bei Jauch blieb ein wichtiger
Aspekt draußen vor: Der Bildungsauftrag der Schule. Der besteht eben nicht nur
darin, die Möglichkeiten des Zusammenlebens in der Gesellschaft zu erlernen
sondern aus ganz banalen Dingen: Mathematik, Deutsch, Fremdsprachen,
Naturwissenschaften, Gesellschaftswissenschaften. Dieser Bildungsauftrag ist -
zumindest in der Regelschule - ernst zu nehmen, denn hier wird die Grundlage
für den Lebenserfolg von über 90 % der Kinder und Jugendlichen gelegt. Und der
Lehrer hat eben auch eine fachliche Verpflichtung und ist nicht nur
Integrationsbeauftragter.
Man hatte den
Eindruck, dass es bei Jauch der Frau Erhardt gar nicht um das Wohl ihres Kindes
ging sondern darum, ihren eigenen Standpunkt durchzuprügeln, koste es was es
wolle. Anspruch auf Gymnasium für alle. Wir haben bzw. müssen uns ja alle lieb
haben. Weil Frau Dreyer und Frau Eckhardt das so wollen.
*Markus Bachmann: Generell tut man gut daran, zu einem
Problem Fachleute und Betroffene zu befragen. Und da sieht es beim Thema
Inklusion so aus, dass die heilpädagogischen Fachkräfte eine pauschale
Eingliederung von geistig Behinderten in Regelschulen sehr kritisch sehen bzw.
für unsinnig halten. Betroffene Eltern wollen das mehrheitlich ebenfalls nicht,
wenn man einmal von Einzelfällen wie der um ihre eigene Aufmerksamkeit bemühten
Journalistin absieht. Verbleibt die Frage, weshalb sich einzelne Vetreter von
ideologischen Randgruppen derartig in den Vordergrund spielen, um ihre
individuellen Experimentierwünsche zu bewerben. Hier herrscht die Verdrängung
und die Abwehr der Tatsache, dass es Unterschiede zwischen Menschen gibt im
Hinblick auf ihre Veranlagungen, Ressourcen und Neigungen und damit im Hinblick
auf ihre Entwicklungsmöglichkeiten. Auch wenn einige das nicht gerne hören,
weil es nicht der Tonfall der allgemeinen Kuschelillusion ist; aber es ist
immer ein Fehler, Tatsachen zu ignorieren.
*Wem wird die Inklusion gerecht? Ina Ast: Die Klassen meiner
Kinder auf dem Gymnasium sind mit 32 Kindern gefüllt. Allen diesen soll der
Lehrer gerecht werden und noch zusätzlich Behinderte integrieren. Diese werden
von Sozialpädagogen begleitet, die wiederum eine Sondersituation bedeuten. Das
behinderte Kind bekommt immer mit, dass es dem Stoff nicht folgen kann. Wem ist
damit geholfen?
Rollstuhlfahrer wären auch auf unserem Geymnasium
hochwillkommene, aber diese sind ja nicht behinderten gerecht. Auf der anderen
Seite wird ein gut funktionierendes Förderschulsystem zerstört!
Inklusion heißt auch, dass hoch aggressive, psychisch
gestörte Kinder an einer normalen Schule unterrichtet werden. Darüber wurde
gestern geschwiegen, denn der Unterricht wird durch diese Kinder gestört. Das
haben wir erlebt! Sogar die Lehrer wurden geschlagen, ohne sich wehren zu
können! Wie kann man Kindern zumuten über 8 Stunden jeden Tag mit hochgradig
gestörten Mitschülern verbringen zu müssen, etwas, dass niemand von Erwachsenen
verlangen würde!
*Wie sagte Frau Erhardt doch? Michael Weiss
Henri wird sicher kein Abitur machen, und auch keinen
Realschulabschluß. Er soll mit seinen Freunden zusammen bleiben und im Rahmen
seiner Möglichkeiten lernen. Man dürfe nicht immer alles auf Leistung
ausrichten. Sehr geehrte Frau Erhardt, vlt ist es Ihnen entgangen, aber unsere
ganze Gesellschaft fußt auf dem Leistungsprinzip. Wer später auf eigenen Beinen
stehen und eine Familie versorgen will, der MUSS Leistung bringen. Leistung in
der Schule ist die Grundlage dafür und wird in Noten gemessen. Diese Noten sind
In vielen Fächern relevant für die Studienplatzvergabe. Wie egoistisch sind sie
eigentlich, wenn Sie das alles für Henris Freunde gefährden, nur damit er mit
ihnen zusammenbleiben kann? Er soll im Rahmen seiner Möglichkeiten mit ihnen
lernen, und stellt dabei eine Gefahr für das Lernen seiner Freunde dar, tolle
Einstellung. Hauptsache er darf aufs Gymnasium direkt vor der Haustüre. Was
glauben Sie, wo das endet, wenn sich selbst die Lehrer damit überfordert
fühlen?
*Nicht jedes Kind kann auf eine normale Schule " Dr.
Hans Juergen Gruener
Eine triviale Tatsache (s. Titel) wird hinterfragt. Dass
diese Tatsache hinterfragt wird, zeigt, wie viele unter uns es geschafft haben,
statt in eine Förderschule gesteckt zu werden, den Betrieb an einer
Nicht-Förderschule aufgehalten zu haben und die wirklich Interessierten und
Befähigten davon abgehalten zu haben, ihren Werdegang zügig und erfolgreich
absolvieren zu können.
Man kann somit in letzter Konsequenz Abschlüsse und
akamdemische Grade gleich automatisch in die Geburtsurkunde eintragen.
*younanni : Aber lassen wir das Gymnasium beiseite und
kommen zu Grund- und Gesamtschulen zurück. Auch der Unterricht an diesen
Schulen setzt bestimmte Fähigkeiten voraus. Wenn ein Kind von Natur aus diese
Fähigkeiten nicht mitbringt und aufgrund naturgegebener Einschränkungen nicht
in der Lage ist, dem Unterricht zu folgen - was ist dann der Sinn dahinter,
dieses Kind dennoch in diesen Klassenraum zu setzen? Wenn ich mich jetzt in
einen Vorlesungssaal von fortgeschrittenen Jura-Studenten oder in einen
Chinesisch-Kurs für Fortgeschrittene setzen würde, würde ich auch nicht die
Bohne verstehen und es würde mich nicht voranbringen. Der Unterricht muss schon
auf die Bedürfnisse und die Möglichkeiten des Kindes abgestimmt sein. Hinzu
kommt, dass geistig behinderte Kinder den Unterricht stören können. Klar, jede
Klasse hat ihren "Klassenclown", aber auch hierzu gab es in der ZEIT
schon mehrere Erfahrungsartikel, wie ein geistig behindertes Kind z.B. ständig
laute Geräusche im Unterricht macht oder einfach aufsteht etc. Selbst wenn man
so einem Kind für die gesamte Unterrichtszeit eine 1:1-Betreuung zur Verfügung
stellen würde, würde der/die Betreuer/in dem Kind wohl kaum den Mund zuhalten
oder es festbinden. Das aber bedeutet, dass der normale Unterricht gestört wird
und der Rest der Klasse das Nachsehen hat. In dem entsprechenden ZEIT-Artikel
war die Rede von bis zu einem Jahr Unterrichtsstoff, den die gesamte Klasse
hinterherhinkt.