1.Individualisme en
egalitarisme
Ce que jessaie de dire avec cette formulation « Génération
jai le droit », cest quil y a eu une rupture de la transmission éducative
assez radicale dans notre société depuis quarante ans. Trop dadultes ont cessé
dassumer leur rôle déducateur, de guide. Ladulte a une fonction de butée, de
contenance de limpulsivité, du moi tout puissant de lenfant. Sil renonce à
assumer ce rôle (appuyé sur des relations sécurisantes et bienveillantes car
éduquer ce nest pas un exercice de dressage), lenfant ne comprend pas que les
limites imposées par ladulte le protègent. Il pense quelles loppriment,
quelles le flouent dans « son droit ».
Cest à la fois une génération délèves et une génération de
parents qui considèrent que leurs droits individuels prévalent sur lintérêt
général. On glorifie les identités particulières au détriment du bien commun.
Cest donc un phénomène sociétal global :
des individus pour qui leurs intérêts particuliers passent avant lintérêt général. Une
génération dindividus qui se vivent dabord comme des usagers. Ils ont
assimilé le modèle de la société de consommation quon nous inflige depuis
laprès-guerre, où le client est roi. À limage des services marchands où nous
sommes des clients à satisfaire, beaucoup de gens considèrent, dans leur
rapport au service public notamment déducation quils sont des
clients-usagers : lensemble de la société est à leur service en tant
quindividu.
Cet individualisme civique doit nous conduire à vivre dans
un rapport de fraternité davantage que dégalité. Or notre société na que le
mot égalité à la bouche, et avec lui son chapelet de mots-valise sur les
discriminations, les stigmatisations etc. Or cette vision égalitaire des droits
individuels a conduit à considérer que tout se vaut, que la règle est forcément
relative au regard de mon irréductible « droit de ». Lenjeu est daccepter que
lautre est différent de soi, tout en admettant que des règles communes
simposent, que des comportements sociaux, qui relèvent dune culture commune,
dhabitus culturels dont nous sommes les héritiers, doivent être respectés.
2. Les remises en cause de lautorité
La délégitimation de lautorité, sous leffet des idées
dites progressistes des sociologues (n-et pedagogues- des années 1970, a
entraîné, écrit-elle, la récusation effective de lautorité des enseignants,
policiers, juges, ou encore médecins des hôpitaux publics, avant de sétendre,
sur des modes racialistes et sexistes.
Foucault, Bourdieu ...nont cessé de conspuer la « violence
institutionnelle ». Lécole nétait que linstrument de laliénation des
masses, de la domination de la classe bourgeoise capitaliste
Cette délégitimation de lautorité se retrouve également au
sein des familles, remettant en cause le rôle éducatif parental et conduisant,
in fine, nombre denfants à léchec, la frustration et lexclusion. Surtout
lorsquils sélèvent ensuite contre lautorité à lécole, base de lapprentissage
de la coexistence nécessaire en société.
Ce qui mène, en définitive, à une régression du bien commun.Dans
un monde ouvert où tout se vaut, où la légitimité des institutions collectives
est récusée au nom des lois individuelles ou communautaires supérieures, où
lon récuse les notes de lenseignant mais accepte la férocité des classements
dans les émissions de téléréalité, des parents, des enseignants et des
intellectuels luttent pour éduquer la nouvelle génération. Ils sefforcent de
lui rappeler, contre la doxa, quelle hérite dun monde qui la précède, que
toute réussite individuelle passe par une intégration volontaire au sein dun
collectif dont on est lhéritier.
3. Kennisoverdracht
op achtergrond
Lécole a cédé
sur son objectif fondamental : la transmission de savoirs culturels solides. Elle
a priorisé lobjectif moral fabriquer du citoyen pour la démocratie de masse
et lobjectif utilitaire produire des actifs capables de sinsérer dans la
mondialisation. Au final, on voit quelle ne remplit aucun des objectifs ! Le
déracinement dont je parle dans mon livre, cest le déracinement culturel. Avec
lavènement de la pédagogie constructiviste, les idéologues de léducation se
sont dévoués à déraciner la culture littéraire, artistique et historique de
lespace scolaire. En 1985, les programmes de français énonçaient que « dans
lintérêt de tous et pour ne pas disqualifier certains élèves, il convient
denseigner les règles de lusage le plus courant ». Si ça ne sappelle pas du
nivellement et rabaisser le niveau dexigence, de quoi sagit-il ? Quel mépris
pour les enfants des milieux populaires
4. Enorme niveaudaling
in Frankrijk
Rien détonnant quà partir des années 2000, il soit devenu
impossible de cacher la réalité qui a surgi dans toutes les enquêtes sur le
niveau des élèves français : une baisse inexorable et des inégalités criantes.
Cest le résultat de la destruction de lenseignement explicite de la
grammaire, de lorthographe. Le résultat de la lectur-devinette qui a encore cours
aujourdhui malgré les dénégations des pédagogistes qui ont toujours la main
sur la formation des enseignants. La déréglementation horaire introduite sous
BAYROU, puis le Socle sous FILLON, puis la réforme des cycles qui consiste à
étaler les apprentissages. On na pas cessé de créer les moyens de
laggravation des inégalités et de la baisse du niveau. Lessentiel, cest que
la masse du troupeau avance sans trop dà-coups jusquau bac. Et après moi, le
déluge.
Les démolisseurs de lécole
Se référant au déracinement culturel des dernières
générations, dont les conséquences sont avérées sur le tissu social ou le sens
civique, Barbara Lefebvre insiste sur les défaillances profondes en matière de
transmission de la langue française, le recul du langage engendrant toujours
des effets ravageurs, notamment en termes de violence, mais aussi de crédulité,
Leffondrement du nombre dheures de français dans lenseignement, les
méthodes de lecture douteuses (globale leesmethodiek e.d.) qui ont ravagé des
générations entières, le recul de la grammaire, le vocabulaire effarant
désormais typique de lÉducation nationale mais révélateur dun certain état
desprit, le désintérêt pour la graphie dès le plus jeune âge, le déracinement
de la littérature, et toutes ces lubies politiques qui, sous prétexte de «
démocratiser » léducation, lont annihilée.
De même pour lhistoire, discipline que lauteur enseigne :
assemblage hétéroclite de textes, remise en cause de la chronologie,
déconstruction, relativisme, moralisme, concurrence mémorielle, anachronismes,
allègement des horaires et des programmes, suppression de pans entiers de
lhistoire, multiculturalisme, méthodes dites « actives », folie du numérique,
etc. Là encore, les considérations politiques, en décalage avec lintérêt
propre à cet enseignement majeur, lont emporté et ont emporté avec elles la
connaissance et ce qui faisait tout le caractère fondamental de cet
enseignement.
5. Pédagogistes:
vooral ook in universitaire lerarenopleiding sinds1989
« Les pédagogistes ont trouvé avec les institutions
déducation (école et université) un incubateur où ils se reproduisent en
milieu fermé.
Bourdieu notamment a
théorisé que lécole était structurée pour créer des inégalités, que lidéal
républicain était une supercherie de propagandiste bourgeois ! Il fallait donc
contester cette autorité. Cette pensée a structuré la plupart des théoriciens
de la pédagogie à qui lÉducation nationale a confié dès les années 1960 la
formation des maîtres et la conception des programmes scolaires.
Les pédagogistes, ces théoriciens de la chose pédagogique se
prennent pour des scientifiques au service du progrès des masses. Ils ont
trouvé avec les institutions déducation (école et université) un incubateur où
ils se reproduisent en milieu fermé. Ils ont continué à broder leurs théories
pédagogiques et didactiques, sans aucune réalité pratique, en ignorant
totalement leur échec quant aux acquis des élèves. Ils ont dailleurs contribué
à désespérer des générations denseignants qui ont eu à les subir à lIUFM
(universitaire lerarenopleidingsinds 1989). puis lors des séances dinspection
!
Les théories pédagogiques fumeuses sont nées dans lesprit
de ces gens, quelquefois des enseignants qui avaient quitté la classe car ils
étaient incapables dy assurer leur mission, qui se piquaient de sociologie ou
de psychologie. Le politique les a gratifiés du terme dexperts dès les années
1960 au dépend de lenseignant de terrain, le vrai praticien, vrai pédagogue,
objet du mépris social et intellectuel.
Lécole a perdu le
sens de sa mission. Avec ce principe prétendument progressiste selon lequel il
faut se mettre à la portée des enfants, on a maintenu un grand nombre délèves
derrière un fossé devenu quasiment infranchissable. Privés dun accès exigeant
à la langue, ils ne sont plus en capacité davoir une conversation avec
quelquun qui vient dun autre milieu. Lécole a perdu sa capacité
intégratrice.
On nous ressert le couplet habituel de « légalité des
chances », à la fois mensonger et vicié par les théories bourdieusiennes
habituelles consistant à inverser les logiques de bon sens, en abaissant
perpétuellement les niveaux (contrairement à ce qui est sans cesse affirmé) au lieu
de permettre réellement laccès aux savoirs et à la culture de ceux quon
devrait avoir pour rôle délever.
Lauteur sen prend ainsi
vigoureusement aux méfaits du pédagogisme et aux institutions telles que les
IUFM = universtiare leraenopleidingen voor onderwijzers/regentgen ingeverd in
1989) il y a quelques années, qui ont
largement montré leur inefficacité. Sappuyant sur les résultats de multiples
enquêtes, elle parle « dillettrisme de masse » et « dégalité des malchances
», puisquaujourdhui toutes les catégories sociales sont touchées. Et elle met
en cause les inepties telles que « lélève artisan de son propre savoir », qui
ont conduit au désastre.
Noot: .Inclusief onderwijs?
De même que Barbara Lefebvre
partage son expérience récente comme enseignante auprès dun public délèves
handicapés ou autistes qui, eux, insiste-t-elle, devraient être en position de
pouvoir dire « Jai le droit », sans que lidée décole « inclusive » promue à
leur sujet débouche sur des réponses véritablement solides et deviennent autre
chose quune sorte de coquille vide là encore au service dune sorte de
politiquement correct visant plutôt dautres formes dintégration que celles
attendues.
6.Que pensez-vous du ministre de
lÉducation nationale Jean-Michel Blanquer ?
Barbara Lefebvre Jen pense plutôt du bien mais comment
pourrait-il en être autrement succédant à Najat Vallaud-Belkacem. Son
impopularité au sein du corps enseignant a été stupéfiante, mais rien ne la
fait changer de cap. Impréparée au mammouth Éducation nationale, elle sest
donc entourée dexperts : les pires pédagogistes idéologues quon ait eu aux
manettes depuis Jospin et Bayrou. Ce temps semble révolu avec M. Blanquer.
Nous avons maintenant un ministre qui connait parfaitement
lÉducation nationale et semble avoir pris la mesure de la catastrophe où nous
ont conduit les pédagogistes. Cest un bon signe, mais cela ne reste quun
signe. La mise en place de commissions avec Stanislas Dehaene, Boris Cyrulnik,
Dominique Schnapper, la démission du CSP de Michel Lussault, le départ de
Florence Robine de la rue de Grenelle, sont des indices de changement, mais il
ny a pas de véritables actions de fond pour le moment. Emmanuel Macron
donnera-t-il de véritables moyens daction à son ministre en le laissant libre
de certaines initiatives majeures ? Nous ne le saurons quau bout de ce
quinquennat.6. Un constat plus large et bien inquiétant
Au-delà de ce diagnostic effrayant de ce quest devenu
lÉducation nationale et de lesprit qui la guide, lauteur revient sur sa
participation à louvrage cité plus haut en préambule, « Les territoires perdus
de la République », qui lui avait valu une certaine hostilité à lépoque et
avait aussi par la suite été largement récupéré par différentes chapelles
politiques.
Plus de quinze ans après, elle montre comment les zones de
non-droits se sont multipliées et la situation aggravée. Les attentats,
notamment en France, sont passés par là et ont abouti à une relative prise de
conscience des dangers qui nous menacent.
Hélas, de politiques de la ville en promotion des
associations de quartiers pour acheter la paix civile, ou de discours
multiculturalistes en bonnes intentions en tous genres, le constat est peu
glorieux et lÉducation nationale trop soumise aux considérations politiques
plus larges pour trouver les bonnes réponses à la gravité de la situation.
7. Besluit: Changer
détat desprit
En conclusion, un ouvrage passionnant et un cri du cur
bienvenu pour tenter une nouvelle fois déveiller les consciences et susciter
les réactions, face à une faillite dramatique de lÉducation Nationale. Se
référant de manière opportune à Hannah Arendt, Barbara Lefebvre montre ainsi
que nous sommes face à une véritable « crise de la culture », et que ce ne sont
pas les idées toutes faites qui nous permettront de nous en sortir.
Il est donc temps que les politiques viennent enfin
véritablement en aide à ceux qui se démènent chaque jour sur le terrain pour
tenter de faire vivre notre éducation, fondement de base de la Société et de
son avenir.
Bijlage: A.-J. M. : Selon vous, les professeurs sont-ils
heureux ? Il est souvent question du « malaise des profs », empêchés de
transmettre.
B. L. : Pour ce que jen vois depuis presque vingt ans et ce
quils me confient puisque mon activité éditoriale ma amenée depuis 2002 à
entrer en contact avec beaucoup de collègues , la réponse est plutôt négative.
Ces collègues me semblent surtout malheureux de ne pas pouvoir « faire leur
métier », cest-à-dire enseigner, transmettre des savoirs. Aucun collègue ne
ma parlé salaire ou avancement de carrière. Ils évoquent tous leur frustration
devant la baisse dexigence imposée par la hiérarchie dans la transmission des
savoirs, les injonctions de pédagogistes incompétents, lincapacité de
linstitution de répondre fermement aux atteintes à la laïcité, etc. Les
enseignants ne veulent pas être des coachs en développement personnel ou des
mini-managers du groupe classe, ils sont des pédagogues au sens propre du terme
: des guides pour les élèves quil sagit dinstruire, pas de cajoler ou de
distraire.
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