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    Onderwijskrant Vlaanderen
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    14-11-2017
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    Cahier de recherche sur l’éducation et les savoirs
    16 | 2017 : L'approche par compétences : une réforme voyageuse ?

    Studie over nefaste invloed van de competentiegerichte onderwijsvisie in de leerplannen Frankrijk :gevoelige daling van niveau en toename van sociale discriminatie

    Dossier
    L’introduction en France des compétences dans la scolarité unique. Enjeux politiques, enjeux de savoir, enjeux pédagogiques et did
    actiques

    p. 73-93

    Samenvatting

    L’introduction des compétences dans les programmes de l’école unique (élémentaire et collège) en France et notamment du « socle commun », a donné lieu à des alliances autour du terme « compétence ». Les définitions de ce terme sont en réalité plurielles (utilitaire, participationniste, « retour aux fondamentaux »), selon les groupes d’acteurs qui cherchent à influer sur les programmes. Elles relèvent à la fois de l’importation de conceptions des organismes internationaux et du monde professionnel, ainsi que du débat politique et pédagogique national.

    Ces prescriptions officielles ont des effets sur les manuels et les dispositifs pédagogiques qui renouvellent la contribution aux inégalités : élévation des exigences pour une partie des compétences, requises mais peu enseignées, donc saisissables seulement par les élèves préparés par la socialisation familiale ; limitation à des procédures simplifiées pour les élèves moins connivents ainsi moins préparés à la poursuite d’études longues.
    ----------

    Conclusions

    Dans le cas de la France, l’introduction de la logique des compétences dans le primaire et le secondaire apparaît comme un catalyseur de logiques plurielles déjà présentes mais qui ont alors fait système, à la fois dans les programmes (du fait des jeux d’alliance de groupes d’acteurs) et dans les pratiques de classes (du fait de la polysémie de ce que recouvre le terme de compétences dans l’éducation). On observe d’abord une élévation des exigences quand les situations chaque fois nouvelles et complexes sollicitent des « compétences avec mobilisation » (Rey, 2014) où, contrairement aux discours ambiants, les savoirs disciplinaires ne sont pas absents mais moins donnés à voir : c’est à l’élève de les mobiliser simultanément à d’autres ressources (expérience personnelle, éclairage de tel aspect du monde, etc.).

    C’est la traduction des définitions « anti-académiques » qui voulaient que l’école serve non pas seulement à retenir des faits, mais à faire penser sur les situations de la vie professionnelle et sociale. Cette introduction est donc de nature à correspondre aux attentes de groupes sociaux fortement scolarisés depuis plusieurs générations, pour qui les exigences scolaires du passé semblent relever de l’évidence et d’une trop grande facilité.

    Ainsi, ces exigences sont très peu accompagnées, la logique des compétences reposant sur l’idéologie spontanéiste, d’où une ambiguïté entre les situations pour les faire acquérir aux élèves et celles qui les requièrent pour apprendre. De fait, les définitions « participationnistes » des compétences donnent surtout à voir le « faire » visible et donc évaluable dans les tâches, en masquant les enjeux sous-jacents de savoir et de réflexion pour ceux qui n’ont pas les prérequis. Ces tâches sont « à usages multiples », encourageant un dénivellement des exigences selon les profils sociaux des élèves, surtout quand restent prégnantes les traductions des définitions à la fois « conservatrices » et « utilitaires » des compétences : les élèves les moins connivents sont particulièrement focalisés sur des procédures simples et automatisables, ces dernières leur étant moins données à voir comme des outils pour appréhender des exigences plus élevées.

    L’introduction des compétences dans les programmes n’a pas créé de toutes pièces le renoncement à viser les mêmes objectifs avec tous les élèves de la scolarité unique. Mais en constituant, dans des situations en apparence partagées autour d’un « faire » ambigu, à la fois une élévation d’une partie des exigences, et une possibilité de réduction des sollicitations à des procédures simples, elle a constitué un catalyseur de la cohabitation de ces logiques.
    Ceci pourrait expliquer, avec d’autres raisons cumulées, le fait que les inégalités s’accroissent, les évaluations internationales montrant que le niveau des meilleurs élèves français progresse au cours des dernières décennies, celui des plus faibles régressant encore.

    Ces élèves « bons » et « faibles » ne se recrutent pas au hasard socialement. Les recherches montrent que ceux qui satisfont le mieux aux réquisits tacites des compétences exigeantes bénéficient d’une socialisation familiale plus proche de la culture scolaire. Pour ceux dont les parents ont suivi des parcours scolaires plus courts, l’écart est plus grand quand l’École ne crée par les conditions pour qu’ils construisent ces compétences et les savoirs.

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    Après s’être développée dans le domaine professionnel (Ropé & Tanguy, 1994) et avoir été promue de plus longue date par différents organismes internationaux, la logique des compétences a été introduite par étapes dans la scolarité unique française. La loi d’orientation de 1989 puis, surtout, l’instauration du « socle commun » de 2006 (en passant par le processus de Bologne, etc.) constituent des moments clés de ce processus. La première partie de l’article montre d’abord la cohabitation de logiques plurielles participant de l’introduction des compétences dans les programmes, qui ne peut être considérée seulement comme l’application de préceptes internationaux

    Cette introduction dans les programmes a donné lieu à des débats quant aux conséquences dans les pratiques pédagogiques de la logique des compétences sur les savoirs enseignés, et quant à ses effets démocratisants ou inégalitaires. La deuxième partie montre justement ce qu’il en est dans les supports (manuels surtout, mais aussi fiches d’activité) et les dispositifs pédagogiques (types de pratiques récurrentes entre situations, classes et établissements – Bonnéry & alii, 2015).

    Il ne s’agit cependant pas ici de penser de façon disjointe les programmes et les pratiques de classes. Les recherches qui, au sein de la sociologie de l’éducation française, traitent des réformes curriculaires dissocient souvent deux dimensions qu’il nous semble utile d’articuler. D’un côté, les recherches portant sur la construction des programmes étudient les groupes d’influences et les rapports de force à l’œuvre, les processus d’élaboration, leur traduction dans des textes officiels, etc. Elles n’accordent que peu d’attention à l’articulation entre ces dimensions et les enjeux propres aux contenus d’enseignement. D’un autre côté, les recherches privilégiant les enjeux de savoir des réformes se focalisent sur leur mise en œuvre dans les classes pour comprendre les exigences intellectuelles imposées aux élèves. Elles tendent alors à laisser dans l’ombre les enjeux politiques ainsi que les conceptions concurrentes des besoins de formation qui conduisent aux réformes. Notre article articule ces deux axes de recherche, pour saisir les effets d’écho entre les définitions des compétences dans les programmes, et leurs mises en œuvre et leurs effets dans les classes.
    -----------
    L’élaboration du socle commun marque une rupture importante. Conçu comme un « nouveau principe d’organisation d’école obligatoire »2, il dispose en effet, tant sur le plan juridique que pédagogique, d’une valeur supérieure aux programmes, qui ne font l’objet que de simples arrêtés ministériels. Même si leur existence n’est pas remise en cause, les disciplines et les programmes scolaires ont désormais vocation à être subordonnés à l’acquisition des compétences du socle, qui deviennent dès lors la véritable finalité de la scolarité obligatoire. Aussi, la mise en œuvre du socle a-t-elle pu être présentée « comme le signe et comme l’aboutissement d’une sorte de révolution copernicienne dans le domaine des apprentissages et de leur évaluation »3.
    Une clé de l’énigme réside dans la plasticité des notions de « compétences » (Crahay, 2006) et de « socle » qui a permis de réunir, au moins provisoirement, autour d’un même mot d’ordre une constellation d’acteurs hétéroclites : organisations internationales – Union européenne et OCDE notamment –, hauts fonctionnaires modernisateurs, représentants du conservatisme politique et pédagogique, organisations syndicales réformistes et certains mouvements pédagogiques. En revenant ainsi sur les définitions différenciées de la notion de « compétences » portées par ces différents acteurs, on ne se donnera pas seulement les moyens d’expliquer la formation de ce consensus, a priori improbable, autour de la réforme, mais aussi, comme on le verra dans la seconde partie, les incertitudes et les contradictions auxquelles donne lieu sa mise en œuvre dans les classes.

    Le HCE propose ainsi de structurer les différents piliers du socle sur le modèle européen, dans lequel chaque compétence générale est déclinée en connaissances, aptitudes et attitudes. Il ajoute également deux nouveaux piliers – « compétences sociales et civiques », « autonomie et initiative » – exclusivement dédiés à des compétences transdisciplinaires et dont le contenu est très directement inspiré du projet européen, qui parle de « compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques » et d’« esprit d’entreprise ». Considérant que « l’École a une obligation de résultats, effectifs et vérifiables », il affirme enfin que « l’exigence dans le contenu est indissociable d’une exigence dans l’évaluation » et préconise la définition de paliers d’évaluation ainsi que la création d’un document personnel retraçant l’évolution des acquis de chaque élève compétence par compétence.
    Un antagonisme national : les compétences contre la scolastique (klassieke vakdisciplinare leerinhouden)

    Pour les signataires du Manifeste pour un débat public sur l’école 10 – universitaires, dirigeants syndicaux et militants de mouvements pédagogiques ou d’éducation populaire réunis, fin 2001, par Jacky Beillerot et Philippe Meirieu – ou pour des organisations comme le SGEN-CFDT, le SE-UNSA, les Cahiers pédagogiques, Éducation & Devenir ou la Ligue de l’enseignement, les compétences du socle commun sont d’abord et avant tout une « promesse démocratique » permettant de « transformer l’École “machine à trier” en une École de l’émancipation et de la promotion de tous »11.

    Ces acteurs considèrent en effet la conception scolastique des savoirs scolaires héritée de l’enseignement secondaire classique ainsi que les pédagogies traditionnelles comme le moteur de la sélection par l’échec. De leur point de vue, les impasses de la démocratisation scolaire et du collège unique s’expliqueraient par la transposition à cette école moyenne de masse d’un modèle pédagogique, celui des collèges jésuites et du lycée napoléonien, conçu pour une élite restreinte socialement et scolairement. Devenu un véritable lieu commun, ce discours sans auteur véritable, anonyme et collectif, s’est avéré être l’un des plus puissants vecteurs de légitimation de la réforme. Réinscrite dans un tel schéma narratif et argumentatif, l’introduction de l’approche par compétences pouvait en effet être présentée comme une arme au service de la justice sociale et scolaire et non comme le cheval de Troie d’une conception utilitariste et behavioriste des contenus d’enseignement.

    Avec ces arguments, ceux qui se présentent comme les partisans de l’école démocratique ont donc porté une définition participationniste de la notion de compétences. À leurs yeux, l’inscription du socle commun dans le code de l’éducation devait en effet permettre, d’une part, de reconnaître, tant symboliquement que juridiquement, la prééminence des pédagogies actives où l’élève participe à la construction de son propre savoir et, d’autre part, de faire de la participation pleine et entière de l’élève à la vie de la cité la véritable finalité de la scolarité.

    De ce de double point de vue, la rédaction finale du décret du 11 juillet 2006 apparaît comme un succès pour les tenants de cette définition participationniste. Indiquant que la spécificité du socle réside « dans la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes », le texte dit en effet que « maîtriser le socle commun, c’est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école puis dans sa vie ; c’est posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société »12. Quant aux « compétences sociales et civiques » ainsi qu’à « l’autonomie et l’initiative », elles figurent désormais parmi les finalités premières de la scolarité obligatoire (cf. supra).

    Back to basics
    Bien qu’elles soient le produit d’univers et d’acteurs sociaux distincts, la définition utilitariste et la définition participationniste des compétences se rejoignent donc dans la dénonciation du caractère scolastique des contenus d’enseignement et dans la critique des disciplines comme cadre organisateur de la transmission des savoirs. Si la mise en évidence de ces deux définitions et des acteurs qui les ont portées permet de mieux cerner le sens effectivement pris par la notion de compétences en France, cela ne suffit cependant pas à expliquer certaines modalités de la transposition du socle commun dans les programmes et certains de ses effets dans les classes.
    En effet, pour la nébuleuse que constituent des associations comme Sauver les lettres ou Sauvez les maths, des syndicats comme le SNALC, le SNUDI-FO ou le SNFOLC, des enseignants auteurs de livres à succès dénonçant la faillite de l’Éducation nationale, des personnalités hostiles aux évolutions pédagogiques, l’élaboration et la mise en œuvre du socle commun sont apparues comme une nouvelle bataille où conduire leur combat contre le pédagogisme, le dogme de l’élève au centre, les IUFM ou encore la baisse des exigences et du niveau des élèves.

    Ayant l’oreille des différents ministres de l’Éducation nationale s’étant succédé rue de Grenelle entre 2002 et 2009 – Xavier Darcos, François Fillon, Gilles de Robien et à nouveau Xavier Darcos –, plusieurs acteurs de cette nébuleuse sont discrètement intervenus à différentes étapes de la réforme : de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école, présidée par Claude Thélot, jusqu’à l’écriture des nouveaux programmes en passant par la rédaction de la loi du 23 avril 2005 et du décret du 11 juillet 2006 (Clément, 2013 : 543-653).

    Assimilant l’approche par compétences à une attaque contre les savoirs et les disciplines, ils ont cherché à construire le socle commun sur une autre logique, celle d’un retour aux fondamentaux à la fois dans le curriculum formel et dans les processus de transmission et d’appropriation des savoirs : en faisant de la définition du socle le prélude, d’une part, à une réécriture en profondeur de l’ensemble des programmes et, d’autre part, à un changement massif des méthodes et des pratiques pédagogiques.
    Produit des alliances de circonstances entre les trois réseaux d’acteurs que l’on vient de décrire, la version définitive du socle commun apparaît finalement comme un objet pédagogique hybride, où se télescopent des logiques plurielles, voire antagonistes. Compte tenu de cette relative indétermination, la réforme restait donc ouverte à toutes les appropriations possibles dans sa phase de mise en œuvre. Elle a ainsi des fortunes très diverses en fonction des disciplines et des niveaux d’enseignement.

    La transposition de la réforme dans les programmes

    Élaborés pour l’essentiel en 2007, les nouveaux programmes du collège dans les disciplines scientifiques (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre13, technologie) sont incontestablement ceux qui ont le plus intégré la logique de la réforme. Ils combinent en effet le retour aux fondamentaux et la définition de compétences transversales. En mathématiques et en physique, les programmes distinguent ainsi deux types de savoirs : d’un côté, les savoirs de base relevant du socle, qui doivent, par définition, être impérativement acquis par tous les élèves et, de l’autre, des savoirs plus ambitieux, pour des élèves dont les caractéristiques restent indéfinies. En mathématiques, la mise en œuvre du socle aboutit même à acter ouvertement la différenciation de deux niveaux d’exigences. Dans l’introduction des programmes, il est en effet précisé qu’« au niveau des exigibles du socle commun, toute technicité est exclue, puisque – dans l’esprit général du socle – on se limite à des problèmes simples, proches de la vie courante »14.
    Cela étant, les changements introduits par ces nouveaux programmes ne se réduisent pas à l’identification des fondamentaux et à l’officialisation d’un dénivellement des exigences. Ils traduisent également la diffusion de la définition participationniste.

    Mettant résolument l’accent sur le travail interdisciplinaire à travers une longue introduction commune aux quatre disciplines et six thèmes de convergence, les programmes explicitent en effet clairement en quoi chaque discipline peut servir des objectifs de formation généraux et permettre l’acquisition de compétences transversales. La logique participationniste concerne également les méthodes : la démarche d’investigation se trouve ainsi placée au cœur des programmes dans le cadre d’une approche qui « privilégie la construction du savoir par l’élève »15.
    Comparés aux programmes du pôle scientifique, ceux qui relèvent des humanités (français et histoire-géographie notamment) apparaissent peu affectés par la réforme : les savoirs de base n’y sont pas distingués, les objectifs généraux de formation ne sont guère explicités, la transversalité est quasiment absente, tandis que les capacités sont seulement développées sur un mode disciplinaire et que les attitudes passent à la trappe. Mais c’est probablement parce que la logique des compétences avait pénétré les programmes plus tôt, depuis la fin des années 1990, et qu’il n’était pas aussi utile d’en marteler les préceptes. On est alors davantage dans la continuité plutôt que dans le franchissement d’un palier supplémentaire.
    Dans le primaire enfin, les programmes arrêtés par Xavier Darcos en 2008 ont introduit une véritable rupture par rapport aux programmes de 2002, qui mettaient en effet l’accent sur la construction de son savoir par l’élève, la découverte du monde, les disciplines d’éveil, la littérature de jeunesse comme vecteur de la culture littéraire, etc. Prenant l’exact contrepied de ces orientations, les programmes de 2008 consacrent au contraire une réduction très nette du champ des savoirs proposés au profit de l’acquisition des savoirs de base.

    Les compétences, des programmes aux pratiques

    Ces différentes définitions des compétences entremêlées dans les programmes sont formulées pour l’essentiel en tant qu’intentions et objectifs, sans détailler des pratiques prescrites (les documents d’application restant aussi assez généraux). Mais elles constituent des éléments disponibles pour l’ingénierie pédagogique (notamment la constitution des manuels) et pour les enseignants. Elles participent ainsi, avec des appropriations et interprétations successives, à influer sur les tâches et les exigences intellectuelles auxquelles se confrontent les élèves.

    Compétences : des mises en œuvre ambiguës
    Si l’on veut comprendre ce paradoxe, de même que les résonances dans les classes des débats contradictoires qui ont eu lieu au moment de l’introduction d’une logique d’enseignement et d’évaluation appuyée sur l’idée de compétences, il nous faut préciser les grandes logiques de mise en œuvre de cette notion de compétences et leur plus ou moins grande pertinence ou possibilité de traduction dans la classe, en fonction de la nature des savoirs en jeu.

    À l’instar de ce que Rey a mis en évidence, on trouve deux grandes utilisations du terme de compétence (Rey, 2014) dans les supports et dispositifs pédagogiques, permettant de comprendre pourquoi cette introduction a contribué au flou dans les apprentissages, comme à l’accroissement des inégalités.
    Dans un premier sens, l’introduction des compétences correspond à une élévation importante des exigences dans les situations scolaires, qui requièrent une pluralité d’actions cognitives : l’identification et l’analyse d’un problème dans une situation donnée, complexe, qui pour être résolu suppose le choix des savoirs pertinents et leur mobilisation actualisée – les savoirs mobilisés pouvant être de natures diverses (théoriques, savoir-faire, savoirs expérientiels). On trouve là un certain écho des logiques « participationnistes » (c’est davantage aux élèves d’apprendre qu’à l’école d’enseigner) et en partie « utilitaristes » (mobiliser des savoirs dans des problèmes présentés comme proches de « la vie ») à l’œuvre dans les programmes, évoquées dans la première partie.
    Dans un second sens, les compétences sollicitées sont réduites à des techniques automatisables ou procédures sur des objectifs précis et ponctuels (savoir conjuguer tel verbe, tel temps, savoir calculer, identifier un schéma narratif).Elles existent dans certains apprentissages scolaires, pas seulement parce qu’elles font écho aux conceptions des groupes d’acteurs qui voulaient « conserver » dans les programmes des tâches traditionnelles et identifiables, mais car elles constituent aussi des outils pour accéder aux tâches plus complexes. Elles font donc simultanément écho, dans les programmes, à la logique « participationniste », dans le versant d’occupation, et à la logique utilitariste, dans le sens d’application à des tâches limitées par la division sociale du travail.

    L’opposition ne se situe donc pas véritablement entre savoir et compétence, mais entre les sens de ce que l’école nomme « compétences ». Les deux traductions de l’idée de compétences cohabitent, mais les réquisits scolaires implicites dans lessses portent surtout sur la première catégorie présentée.
    Cette distinction permet en particulier de comprendre sur quels types de pratiques de classes reposait l’opposition, fondée en grande partie, on va le voir, sur un malentendu, qui s’est manifesté au moment de l’introduction des compétences dans le système éducatif entre les tenants des savoirs et ceux des compétences. Cette opposition correspond à des conceptions différentes des élèves et de l’école : un sujet qui comprend grâce à des savoirs ou qui « fait » et dont la formation est centrée sur les résultats lisibles dans ces « faires » des élèves « dans l’indifférence aux processus […] et aux moyens d’y parvenir » (Rey, 2014). On peut ainsi trouver dans cette référence au « faire » qui sous-tend l’usage de la notion de compétences dans les apprentissages une des origines parmi les caractéristiques des classes contemporaines : l’activité permanente dans laquelle sont plongés les élèves, constamment en train de « faire » avec des documents, des questions, des fiches à remplir, constamment en train d’écrire pour faire (mais s’agit-il vraiment d’une activité d’écriture ?).

    Rey met ainsi en évidence le caractère central de la notion de situation, de celle de tâche, et il distingue les situations de nécessité, qui sont contraignantes pour la réussite de l’activité, et celles de simple obligation, ces dernières renvoyant à des normes et des jugements arbitraires – d’où les interprétations différenciées des élèves. Détaillons ces deux grands types de compétences dans les classes et leurs échos avec les définitions portées par les acteurs de la constitution des programmes.

    Différents niveaux d’activité derrière les « compétences »

    D’abord, l’élévation des exigences est identifiable dans l’articulation attendue entre savoir et compétence. Les savoirs académiques (auxquels peuvent s’adjoindre des savoirs culturels non scolaires), pour n’être plus entièrement la visée ultime des apprentissages mais « seulement » les soubassements des compétences à mettre en œuvre, restent néanmoins nécessaires à remobiliser17. Les savoirs sont moins centralement désignés dans les manuels et les dispositifs, ou le sont de manière ambiguë. En effet, ils sont souvent peu institutionnalisés, en apparaissant dans le « corrigé » de la séance en tant que « résultat » d’un exercice en ne les désignant par pour des savoirs d’un domaine disciplinaire : une part importante des élèves peut être leurrée, en ne percevant pas leur importance. Inversement, quand les savoirs sont désignés dans une optique plus proche des préconisations « conservatrices » des pratiques « magistrales », les élèves courent le risque de ne pas être entraînés à remobiliser ces énoncés de savoirs dans des situations moins standardisées. En effet, dans les réquisits auxquels les élèves font face sur l’ensemble de la scolarité, l’opposition entre les compétences et les savoirs s’estompe, les deux sont inséparables.

    Si, en écho aux définitions « anti-scolastiques », des compétences élevées sont attendues de façon transversale aux disciplines et aux leçons, contrairement à ce que ces discours affichent, les séances sont aussi bâties sur des savoirs disciplinaires.

    Notamment, l’une des compétences fréquemment requise consiste à « savoir analyser des documents », mais dans chaque discipline, « analyser des documents » implique une activité spécifique. En Lettres, il s’agit souvent d’interpréter un texte en référence à des concepts d’étude littéraire, d’éléments du contexte de création et d’autres œuvres. En Histoire la comparaison de deux cartes de France à plusieurs siècles d’intervalle s’inscrit dans un autre type de raisonnement, par exemple pour comprendre la construction du pouvoir royal sur les seigneurs féodaux. En SVT l’analyse de données s’inscrit encore dans une autre manière de penser, quand il faut confronter des données sur les températures, les précipitations et la végétation pour comprendre la notion de climat, etc.

    Mais il serait faux de penser que rien n’a changé, et que les compétences ne seraient qu’un artifice. En restant sur les exemples précédents, les élèves doivent articuler des documents écrits composites (Bautier & alii, 2012), c’est-à-dire avec une variété de types de textes différents (textes de savoir, descriptions, témoignages) et de systèmes sémiotiques (schémas, cartes, tableaux, images d’objets, etc.) qu’il faut chacun préalablement savoir décoder. Nombre d’élèves sont mis en difficulté par cet attendu implicite de mobilisation d’une compétence similaire dans différentes disciplines dans une visée chaque fois spécifique selon l’objet étudié dans un domaine de savoir.
    Face à ces difficultés, les supports et dispositifs pédagogiques adaptent souvent les exigences en focalisant l’attention des élèves sur des « compétences » procédurales plus simples.

    Par exemple, dans l’une des classes observées, un dispositif vise à faire automatiser le fait de savoir lire un tableau à double entrée. Cet apport méthodologique insiste sur la mise en correspondance des lignes et colonnes pour extraire des informations et comprendre leur tri dans le tableau. Mais il ne peut constituer un outil pertinent qu’à condition d’être articulé avec les enjeux de savoir disciplinaire de la leçon pour saisir en quoi ces informations prennent leur sens. De plus, les tableaux à double entrée, selon les disciplines et les leçons, ne sont pas à lire exactement de la même façon. Ainsi, dans cette classe, l’apport méthodologique a lieu dans une leçon de français, montrant que la mise en correspondance des lignes et colonnes permet de classer des mots selon leur nature, car les colonnes représentent des entités distinctes (nom, adjectif…), les colonnes n’ont pas à être comparées, ce qui n’est pas signifié aux élèves.

    Tandis que deux jours plus tard dans la même classe, en SVT, les colonnes d’un tableau à double entrée représentent les différents jours de l’observation de la taille du même animal, les cases juxtaposées doivent être comparées (soustractions successives) pour saisir la croissance. La procédure automatisée qui a été présentée en classe comme « aide méthodologique » et voulant répondre à l’objectif de maîtrise de la compétence « savoir lire un tableau », n’est donc pas transférable sans prise en compte des spécificités de l’objet étudié et de la manière dont la lecture des tableaux doit être adaptée entre les situations et disciplines. Elle n’est pas non plus exactement la même que « savoir lire un tableau » dans nombre de situations de la vie courante, comme le souhaiteraient les promoteurs de la logique « utilitariste », par exemple pour lire le classement des clubs d’un championnat sportif : le lecteur n’a pas à reporter dans le tableau des informations qu’il aurait prélevées par une expérience, et les relations entre lignes et colonnes fonctionnent autrement (par exemple, l’ordre des lignes n’est pas aléatoire, au contraire du tableau de SVT où l’ordre d’apparition des animaux dont on étudie la croissance est indifférent).

    Il est bien sur utile d’apprendre à lire des tableaux à double entrée, mais cela leurre les élèves quand on ne relie pas cette activité à des savoirs disciplinaires et à des types de situations entre lesquelles le transfert est loin d’être automatique.
    Un autre aspect de l’élévation des exigences tient à ce que les dispositifs pédagogiques sont marqués par la définition « participationniste » de l’élève, qui n’est pas née avec l’introduction des compétences mais que celle-ci a accru.
    Dans l’objectif de remédier aux difficultés de compréhension qui existaient face aux cours magistraux, ceux-ci avaient déjà en partie laissé place aux pédagogies actives, et à la volonté que l’élève « construise » lui-même le savoir dans les interactions des cours dialogués. Ces encouragements à mettre l’élève en activité ont été redoublés par l’introduction des compétences, qui a accru la conception d’un élève relativement auto-apprenant, qu’il suffirait de stimuler par la mise en situation. Cependant, le cadrage des situations est insuffisant pour réduire les interprétations différenciées selon le degré de connivence que les élèves entretiennent avec les exigences tacites de l’école. Car le « faire » dont il est implicitement question n’est pas une simple pratique formelle, ni une application de savoir ou de procédures. C’est un travail de compréhension lié à une élaboration textuelle par le langage – à l’écrit ou à l’oral, puisqu’il s’agit très souvent de formuler soi-même le savoir au terme d’une activité, de désigner les phénomènes sur lesquels les tâches attiraient l’attention sans les désigner justement pour que ce soit l’élève qui les identifie. L’école, en effet, repose sur la mobilisation et la construction par les élèves tout au long de leur scolarité de ces savoirs textualisés (Rey, 2014) et non sur des informations simples ou des connaissances (Astolfi, 1998).

    Nombre de manuels ou fiches demandent ainsi à l’élève, en « conclusion » des pages ou doubles-pages, de « rédiger » la leçon ou un résumé, d’argumenter à partir des constats partiels et d’informations prélevés dans les activités précédentes, comme si cette mise en mots et en textes, fréquemment sollicitée, était facilement et spontanément accessible. Or, elle ne fait pas l’objet d’un apprentissage explicite et systématique et elle engage des opérations difficiles : analyse de la situation, confrontations d’informations, déductions à mettre en forme en mobilisant des savoirs, formulation de connexions logiques, etc.

    La difficulté à se saisir des compétences requises dans ce « faire » est redoublée par une évolution simultanée : le niveau conceptuel des savoirs a fortement crû dans le primaire et le secondaire (alors même que se mettait en place la scolarité unique avec des objectifs égaux – Bonnéry & alii, 2015), appelant des compétences de compréhension des phénomènes et des processus plutôt que l’acquisition des faits. Par exemple, en histoire, en cours moyen, apprendre par cœur (pour éventuellement comprendre mais sans nécessité pour réussir les tâches) une version narrative de « La vie du temps de Louis XIV » a été remplacé par l’impératif de compréhension du concept de « Monarchie Absolue ». Et cette évolution vers une plus grande conceptualisation a été combinée avec les définitions « participationniste »et « utilitariste » des compétences. Il est en effet attendu de l’élève qu’il utilise les ressources et les savoirs qui sont en jeu dans les situations pédagogiques, pour mobiliser une réflexion sur le monde environnant. Par exemple, dans une leçon d’histoire sur la découverte de l’Amérique et les puissances coloniales, comprendre pourquoi certaines langues sont aujourd’hui parlées sur ce continent. Au motif d’une posture « anti-scolastique » contre les seuls savoirs scolaires, cette participation de l’élève implique qu’il circule entre raisonnements et savoirs scolaires d’une part, et, d’autre part, mobilisation d’un regard d’étude sur le monde, c’est-à-dire qu’il adopte une posture « scolastique » (Bourdieu, 1997) qui ne dit pas son nom : l’élève est invité à se saisir de ses connaissances personnelles (supposées) pour appréhender les situations pédagogiques, mais toutes les expériences connues selon les milieux sociaux ne sont pas aussi proches de ce que l’école suppose : il est de plus en plus requis de connaître, par exemple, des œuvres d’art et la pratique du tourisme, comme si cela relevait de l’évidence.

    Avec cette définition « participationniste », les dispositifs sont justement le plus souvent « à usages multiples », proposant une pluralité d’objectifs qui permettent à tous et à chacun de « faire », de façon individualisée, pour les uns avec ces exigences, pour d’autres de se limiter à des procédures simples permettant de parvenir à des constats partiels, disjoints des compétences exigées et des savoirs en jeu (Bonnéry & alii, 2015). Ainsi, dans l’exemple précédent, certains élèves voient-ils le cadrage de leur activité restreint à la coloration des zones parce qu’on leur dit que le vert et le bleu doivent être utilisés ici ou là, de façon relativement disjointe de la réflexion sur les langues parlées en Amérique, d’autres sont focalisés sur cette information des langues parlées aujourd’hui sans la relier aux savoirs historiques sur les rivalités entre puissances coloniales, tandis que la « tête de classe », socialement beaucoup plus connivente, circule entre ces niveaux d’exigence inégaux.

    Si le « faire » oriente peu l’activité de l’élève vers les attendus, c’est que l’introduction des compétences dans les classes a laissé dans l’ombre les moyens par lesquels doit s’opérer la construction (apprentissage) des ressources dans lesquelles l’élève devrait puiser. Les prescriptions des manuels comme les dispositifs observés montrent même une confusion entre les situations pour faire acquérir ces compétences et celles qui supposent des compétences acquises, des prérequis donc, pour qu’elles soient occasions de nouveaux apprentissages.

    Nous reprendrons ici à Bernstein (2007) l’origine de cette ambiguïté : l’idéologie des compétences est présentée comme généreuse, supposant la capacité de tous à les posséder et à pouvoir les mobiliser, comme si les situations suffisaient pour qu’elles se manifestent. De fait, l’idée de compétence, qui individualise l’apprentissage et essentialise l’interprétation des performances, comme un retour à l’idéologie des dons, encourage les enseignants à considérer les élèves comme « déficients » et donc responsables de leurs difficultés lorsqu’ils ne manifestent pas « spontanément » les compétences attendues. Contrairement à cette idéologie « spontanéiste » (Chamboredon & Prévôt, 1973), nos observations montrent que nombre des élèves, surtout lorsqu’ils proviennent des milieux populaires ne sont pas suffisamment familiarisés avec les compétences attendues pour s’en saisir et les consolider.

    L’introduction des compétences n’a donc pas créé le caractère implicite de l’enseignement et l’idéologie des dons individuels (Bourdieu & Passeron, 1964), mais elle a permis leur actualisation et celle du masquage des inégalités sociales en matière pédagogique. Comme cela a déjà été souligné dès les premières recherches sur le sujet (Ropé et Tanguy, 1994), cette individualisation de l’interprétation de la réussite et surtout de l’échec éventuel déresponsabilise l’institution, culpabilisant l’élève en le rendant auto-responsable de son propre parcours scolaire puis professionnel.

    Quand l’évaluation et le faire pilotent l’acquisition des compétences
    Nous venons d’identifier deux types de compétences présentes dans les programmes et dans les classes, et qui sont radicalement différentes. Celles qui sont en fait des procédures que l’on peut – que l’on doit – automatiser et celles qui, reposant sur la mobilisation à bon escient de savoirs textuels et de raisonnements cognitivo-langagiers qui les structurent, les mettent en relation. Les premières font souvent l’objet d’un enseignement explicite, de mises en situation « de nécessité » (voir supra), les secondes sont implicites, sollicitées plus qu’enseignées.

    Le manque de formation des enseignants dans le domaine de la formation à l’acquisition et à l’évaluation des compétences « complexes » reposant sur les savoirs textualisés a peu à peu conduit à des situations très contrastées selon les publics scolaires et les nécessités des évaluations. La multiplication des grilles et des livrets d’évaluation par compétences dès la maternelle, dans une logique fréquente d’autoévaluation, a conduit le plus souvent à centrer l’acquisition sur des compétences procédurales ou techniques ou ne mobilisant que des informations et dont l’évaluation relève de l’acquis ou du non acquis (A/NA sur les livrets), le « en voie d’acquisition » n’ayant que rarement des conséquences sur l’identification par l’élève et l’enseignant de ce qu’il faudrait encore acquérir. Une autre « dérive » provient dans cette même logique binaire et simplificatrice à segmenter les savoirs textualisés et conceptuels, les réduisant ainsi à des informations ponctuelles : c’est le cas évoqué précédemment quand l’enseignant, faute de voir comment faire autrement, délivre l’information sur les langues parlées dans tel ou tel pays d’Amérique, en abandonnant le lien entre cette information et l’explication des processus historiques qui expliquent cette situation. Les questions relevant de la mobilisation des compétences conceptuelles ou complexes sont alors principalement effectuées par les élèves ayant identifié la question en jeu, les savoirs à mobiliser et construire, ces compétences ne faisant au demeurant guère l’objet de l’enseignement à tous les élèves18.

    En effet, et c’est une des conséquences de la logique de compétence dans les situations pédagogiques, elle est en cohérence avec la conception actuelle des visées d’un enseignement qui valorise le développement des compétences de chacun, pensées comme étant individuelles et déjà là et non l’enseignement-apprentissage pour tous des compétences complexes requises pour comprendre.

    De ce point de vue, il y a une proximité avec les définitions « utilitaristes » des compétences dans le monde professionnel. Dans celui-ci, une partie des compétences est plus simple à décrire, et donc à acquérir et évaluer. Il en est ainsi des compétences professionnelles sollicitées dans tel ou tel poste de travail, évaluées dans l’activité elle-même et pouvant être acquises en situation, proche des « procédures » évoquées dans l’École, tandis que d’autres types de tâches sont attendues dans le monde professionnel, mais probablement davantage dans les niveaux d’emploi les plus élevés, correspondant davantage aux compétences complexes sollicitées à l’école.

    Conclusions

    Dans le cas de la France, l’introduction de la logique des compétences dans le primaire et le secondaire apparaît comme un catalyseur de logiques plurielles déjà présentes mais qui ont alors fait système, à la fois dans les programmes (du fait des jeux d’alliance de groupes d’acteurs) et dans les pratiques de classes (du fait de la polysémie de ce que recouvre le terme de compétences dans l’éducation). On observe d’abord une élévation des exigences quand les situations chaque fois nouvelles et complexes sollicitent des « compétences avec mobilisation » (Rey, 2014) où, contrairement aux discours ambiants, les savoirs disciplinaires ne sont pas absents mais moins donnés à voir : c’est à l’élève de les mobiliser simultanément à d’autres ressources (expérience personnelle, éclairage de tel aspect du monde, etc.).

    C’est la traduction des définitions « anti-académiques » qui voulaient que l’école serve non pas seulement à retenir des faits, mais à faire penser sur les situations de la vie professionnelle et sociale. Cette introduction est donc de nature à correspondre aux attentes de groupes sociaux fortement scolarisés depuis plusieurs générations, pour qui les exigences scolaires du passé semblent relever de l’évidence et d’une trop grande facilité.

    Ainsi, ces exigences sont très peu accompagnées, la logique des compétences reposant sur l’idéologie spontanéiste, d’où une ambiguïté entre les situations pour les faire acquérir aux élèves et celles qui les requièrent pour apprendre. De fait, les définitions « participationnistes » des compétences donnent surtout à voir le « faire » visible et donc évaluable dans les tâches, en masquant les enjeux sous-jacents de savoir et de réflexion pour ceux qui n’ont pas les prérequis. Ces tâches sont « à usages multiples », encourageant un dénivellement des exigences selon les profils sociaux des élèves, surtout quand restent prégnantes les traductions des définitions à la fois « conservatrices » et « utilitaires » des compétences : les élèves les moins connivents sont particulièrement focalisés sur des procédures simples et automatisables, ces dernières leur étant moins données à voir comme des outils pour appréhender des exigences plus élevées.

    L’introduction des compétences dans les programmes n’a pas créé de toutes pièces le renoncement à viser les mêmes objectifs avec tous les élèves de la scolarité unique. Mais en constituant, dans des situations en apparence partagées autour d’un « faire » ambigu, à la fois une élévation d’une partie des exigences, et une possibilité de réduction des sollicitations à des procédures simples, elle a constitué un catalyseur de la cohabitation de ces logiques.
    Ceci pourrait expliquer, avec d’autres raisons cumulées, le fait que les inégalités s’accroissent, les évaluations internationales montrant que le niveau des meilleurs élèves français progresse au cours des dernières décennies, celui des plus faibles régressant encore.

    Ces élèves « bons » et « faibles » ne se recrutent pas au hasard socialement. Les recherches montrent que ceux qui satisfont le mieux aux réquisits tacites des compétences exigeantes bénéficient d’une socialisation familiale plus proche de la culture scolaire. Pour ceux dont les parents ont suivi des parcours scolaires plus courts, l’écart est plus grand quand l’École ne crée par les conditions pour qu’ils construisent ces compétences et les savoirs.
    Bibliographie

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