Cahier de recherche sur léducation et les savoirs 16 | 2017 : L'approche par compétences : une réforme voyageuse ?
Studie over nefaste invloed van de competentiegerichte onderwijsvisie in de leerplannen Frankrijk :gevoelige daling van niveau en toename van sociale discriminatie
Dossier Lintroduction en France des compétences dans la scolarité unique. Enjeux politiques, enjeux de savoir, enjeux pédagogiques et didactiques
p. 73-93
Samenvatting
Lintroduction des compétences dans les programmes de lécole unique (élémentaire et collège) en France et notamment du « socle commun », a donné lieu à des alliances autour du terme « compétence ». Les définitions de ce terme sont en réalité plurielles (utilitaire, participationniste, « retour aux fondamentaux »), selon les groupes dacteurs qui cherchent à influer sur les programmes. Elles relèvent à la fois de limportation de conceptions des organismes internationaux et du monde professionnel, ainsi que du débat politique et pédagogique national.
Ces prescriptions officielles ont des effets sur les manuels et les dispositifs pédagogiques qui renouvellent la contribution aux inégalités : élévation des exigences pour une partie des compétences, requises mais peu enseignées, donc saisissables seulement par les élèves préparés par la socialisation familiale ; limitation à des procédures simplifiées pour les élèves moins connivents ainsi moins préparés à la poursuite détudes longues. ----------
Conclusions
Dans le cas de la France, lintroduction de la logique des compétences dans le primaire et le secondaire apparaît comme un catalyseur de logiques plurielles déjà présentes mais qui ont alors fait système, à la fois dans les programmes (du fait des jeux dalliance de groupes dacteurs) et dans les pratiques de classes (du fait de la polysémie de ce que recouvre le terme de compétences dans léducation). On observe dabord une élévation des exigences quand les situations chaque fois nouvelles et complexes sollicitent des « compétences avec mobilisation » (Rey, 2014) où, contrairement aux discours ambiants, les savoirs disciplinaires ne sont pas absents mais moins donnés à voir : cest à lélève de les mobiliser simultanément à dautres ressources (expérience personnelle, éclairage de tel aspect du monde, etc.).
Cest la traduction des définitions « anti-académiques » qui voulaient que lécole serve non pas seulement à retenir des faits, mais à faire penser sur les situations de la vie professionnelle et sociale. Cette introduction est donc de nature à correspondre aux attentes de groupes sociaux fortement scolarisés depuis plusieurs générations, pour qui les exigences scolaires du passé semblent relever de lévidence et dune trop grande facilité.
Ainsi, ces exigences sont très peu accompagnées, la logique des compétences reposant sur lidéologie spontanéiste, doù une ambiguïté entre les situations pour les faire acquérir aux élèves et celles qui les requièrent pour apprendre. De fait, les définitions « participationnistes » des compétences donnent surtout à voir le « faire » visible et donc évaluable dans les tâches, en masquant les enjeux sous-jacents de savoir et de réflexion pour ceux qui nont pas les prérequis. Ces tâches sont « à usages multiples », encourageant un dénivellement des exigences selon les profils sociaux des élèves, surtout quand restent prégnantes les traductions des définitions à la fois « conservatrices » et « utilitaires » des compétences : les élèves les moins connivents sont particulièrement focalisés sur des procédures simples et automatisables, ces dernières leur étant moins données à voir comme des outils pour appréhender des exigences plus élevées.
Lintroduction des compétences dans les programmes na pas créé de toutes pièces le renoncement à viser les mêmes objectifs avec tous les élèves de la scolarité unique. Mais en constituant, dans des situations en apparence partagées autour dun « faire » ambigu, à la fois une élévation dune partie des exigences, et une possibilité de réduction des sollicitations à des procédures simples, elle a constitué un catalyseur de la cohabitation de ces logiques. Ceci pourrait expliquer, avec dautres raisons cumulées, le fait que les inégalités saccroissent, les évaluations internationales montrant que le niveau des meilleurs élèves français progresse au cours des dernières décennies, celui des plus faibles régressant encore.
Ces élèves « bons » et « faibles » ne se recrutent pas au hasard socialement. Les recherches montrent que ceux qui satisfont le mieux aux réquisits tacites des compétences exigeantes bénéficient dune socialisation familiale plus proche de la culture scolaire. Pour ceux dont les parents ont suivi des parcours scolaires plus courts, lécart est plus grand quand lÉcole ne crée par les conditions pour quils construisent ces compétences et les savoirs.
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Après sêtre développée dans le domaine professionnel (Ropé & Tanguy, 1994) et avoir été promue de plus longue date par différents organismes internationaux, la logique des compétences a été introduite par étapes dans la scolarité unique française. La loi dorientation de 1989 puis, surtout, linstauration du « socle commun » de 2006 (en passant par le processus de Bologne, etc.) constituent des moments clés de ce processus. La première partie de larticle montre dabord la cohabitation de logiques plurielles participant de lintroduction des compétences dans les programmes, qui ne peut être considérée seulement comme lapplication de préceptes internationaux
Cette introduction dans les programmes a donné lieu à des débats quant aux conséquences dans les pratiques pédagogiques de la logique des compétences sur les savoirs enseignés, et quant à ses effets démocratisants ou inégalitaires. La deuxième partie montre justement ce quil en est dans les supports (manuels surtout, mais aussi fiches dactivité) et les dispositifs pédagogiques (types de pratiques récurrentes entre situations, classes et établissements Bonnéry & alii, 2015).
Il ne sagit cependant pas ici de penser de façon disjointe les programmes et les pratiques de classes. Les recherches qui, au sein de la sociologie de léducation française, traitent des réformes curriculaires dissocient souvent deux dimensions quil nous semble utile darticuler. Dun côté, les recherches portant sur la construction des programmes étudient les groupes dinfluences et les rapports de force à luvre, les processus délaboration, leur traduction dans des textes officiels, etc. Elles naccordent que peu dattention à larticulation entre ces dimensions et les enjeux propres aux contenus denseignement. Dun autre côté, les recherches privilégiant les enjeux de savoir des réformes se focalisent sur leur mise en uvre dans les classes pour comprendre les exigences intellectuelles imposées aux élèves. Elles tendent alors à laisser dans lombre les enjeux politiques ainsi que les conceptions concurrentes des besoins de formation qui conduisent aux réformes. Notre article articule ces deux axes de recherche, pour saisir les effets décho entre les définitions des compétences dans les programmes, et leurs mises en uvre et leurs effets dans les classes. ----------- Lélaboration du socle commun marque une rupture importante. Conçu comme un « nouveau principe dorganisation décole obligatoire »2, il dispose en effet, tant sur le plan juridique que pédagogique, dune valeur supérieure aux programmes, qui ne font lobjet que de simples arrêtés ministériels. Même si leur existence nest pas remise en cause, les disciplines et les programmes scolaires ont désormais vocation à être subordonnés à lacquisition des compétences du socle, qui deviennent dès lors la véritable finalité de la scolarité obligatoire. Aussi, la mise en uvre du socle a-t-elle pu être présentée « comme le signe et comme laboutissement dune sorte de révolution copernicienne dans le domaine des apprentissages et de leur évaluation »3. Une clé de lénigme réside dans la plasticité des notions de « compétences » (Crahay, 2006) et de « socle » qui a permis de réunir, au moins provisoirement, autour dun même mot dordre une constellation dacteurs hétéroclites : organisations internationales Union européenne et OCDE notamment , hauts fonctionnaires modernisateurs, représentants du conservatisme politique et pédagogique, organisations syndicales réformistes et certains mouvements pédagogiques. En revenant ainsi sur les définitions différenciées de la notion de « compétences » portées par ces différents acteurs, on ne se donnera pas seulement les moyens dexpliquer la formation de ce consensus, a priori improbable, autour de la réforme, mais aussi, comme on le verra dans la seconde partie, les incertitudes et les contradictions auxquelles donne lieu sa mise en uvre dans les classes.
Le HCE propose ainsi de structurer les différents piliers du socle sur le modèle européen, dans lequel chaque compétence générale est déclinée en connaissances, aptitudes et attitudes. Il ajoute également deux nouveaux piliers « compétences sociales et civiques », « autonomie et initiative » exclusivement dédiés à des compétences transdisciplinaires et dont le contenu est très directement inspiré du projet européen, qui parle de « compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques » et d« esprit dentreprise ». Considérant que « lÉcole a une obligation de résultats, effectifs et vérifiables », il affirme enfin que « lexigence dans le contenu est indissociable dune exigence dans lévaluation » et préconise la définition de paliers dévaluation ainsi que la création dun document personnel retraçant lévolution des acquis de chaque élève compétence par compétence. Un antagonisme national : les compétences contre la scolastique (klassieke vakdisciplinare leerinhouden)
Pour les signataires du Manifeste pour un débat public sur lécole 10 universitaires, dirigeants syndicaux et militants de mouvements pédagogiques ou déducation populaire réunis, fin 2001, par Jacky Beillerot et Philippe Meirieu ou pour des organisations comme le SGEN-CFDT, le SE-UNSA, les Cahiers pédagogiques, Éducation & Devenir ou la Ligue de lenseignement, les compétences du socle commun sont dabord et avant tout une « promesse démocratique » permettant de « transformer lÉcole machine à trier en une École de lémancipation et de la promotion de tous »11.
Ces acteurs considèrent en effet la conception scolastique des savoirs scolaires héritée de lenseignement secondaire classique ainsi que les pédagogies traditionnelles comme le moteur de la sélection par léchec. De leur point de vue, les impasses de la démocratisation scolaire et du collège unique sexpliqueraient par la transposition à cette école moyenne de masse dun modèle pédagogique, celui des collèges jésuites et du lycée napoléonien, conçu pour une élite restreinte socialement et scolairement. Devenu un véritable lieu commun, ce discours sans auteur véritable, anonyme et collectif, sest avéré être lun des plus puissants vecteurs de légitimation de la réforme. Réinscrite dans un tel schéma narratif et argumentatif, lintroduction de lapproche par compétences pouvait en effet être présentée comme une arme au service de la justice sociale et scolaire et non comme le cheval de Troie dune conception utilitariste et behavioriste des contenus denseignement.
Avec ces arguments, ceux qui se présentent comme les partisans de lécole démocratique ont donc porté une définition participationniste de la notion de compétences. À leurs yeux, linscription du socle commun dans le code de léducation devait en effet permettre, dune part, de reconnaître, tant symboliquement que juridiquement, la prééminence des pédagogies actives où lélève participe à la construction de son propre savoir et, dautre part, de faire de la participation pleine et entière de lélève à la vie de la cité la véritable finalité de la scolarité.
De ce de double point de vue, la rédaction finale du décret du 11 juillet 2006 apparaît comme un succès pour les tenants de cette définition participationniste. Indiquant que la spécificité du socle réside « dans la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de lélève et en construisant les ponts indispensables entre les disciplines et les programmes », le texte dit en effet que « maîtriser le socle commun, cest être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à lécole puis dans sa vie ; cest posséder un outil indispensable pour continuer à se former tout au long de la vie afin de prendre part aux évolutions de la société »12. Quant aux « compétences sociales et civiques » ainsi quà « lautonomie et linitiative », elles figurent désormais parmi les finalités premières de la scolarité obligatoire (cf. supra).
Back to basics Bien quelles soient le produit dunivers et dacteurs sociaux distincts, la définition utilitariste et la définition participationniste des compétences se rejoignent donc dans la dénonciation du caractère scolastique des contenus denseignement et dans la critique des disciplines comme cadre organisateur de la transmission des savoirs. Si la mise en évidence de ces deux définitions et des acteurs qui les ont portées permet de mieux cerner le sens effectivement pris par la notion de compétences en France, cela ne suffit cependant pas à expliquer certaines modalités de la transposition du socle commun dans les programmes et certains de ses effets dans les classes. En effet, pour la nébuleuse que constituent des associations comme Sauver les lettres ou Sauvez les maths, des syndicats comme le SNALC, le SNUDI-FO ou le SNFOLC, des enseignants auteurs de livres à succès dénonçant la faillite de lÉducation nationale, des personnalités hostiles aux évolutions pédagogiques, lélaboration et la mise en uvre du socle commun sont apparues comme une nouvelle bataille où conduire leur combat contre le pédagogisme, le dogme de lélève au centre, les IUFM ou encore la baisse des exigences et du niveau des élèves.
Ayant loreille des différents ministres de lÉducation nationale sétant succédé rue de Grenelle entre 2002 et 2009 Xavier Darcos, François Fillon, Gilles de Robien et à nouveau Xavier Darcos , plusieurs acteurs de cette nébuleuse sont discrètement intervenus à différentes étapes de la réforme : de la Commission du débat national sur lavenir de lécole, présidée par Claude Thélot, jusquà lécriture des nouveaux programmes en passant par la rédaction de la loi du 23 avril 2005 et du décret du 11 juillet 2006 (Clément, 2013 : 543-653).
Assimilant lapproche par compétences à une attaque contre les savoirs et les disciplines, ils ont cherché à construire le socle commun sur une autre logique, celle dun retour aux fondamentaux à la fois dans le curriculum formel et dans les processus de transmission et dappropriation des savoirs : en faisant de la définition du socle le prélude, dune part, à une réécriture en profondeur de lensemble des programmes et, dautre part, à un changement massif des méthodes et des pratiques pédagogiques. Produit des alliances de circonstances entre les trois réseaux dacteurs que lon vient de décrire, la version définitive du socle commun apparaît finalement comme un objet pédagogique hybride, où se télescopent des logiques plurielles, voire antagonistes. Compte tenu de cette relative indétermination, la réforme restait donc ouverte à toutes les appropriations possibles dans sa phase de mise en uvre. Elle a ainsi des fortunes très diverses en fonction des disciplines et des niveaux denseignement.
La transposition de la réforme dans les programmes
Élaborés pour lessentiel en 2007, les nouveaux programmes du collège dans les disciplines scientifiques (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre13, technologie) sont incontestablement ceux qui ont le plus intégré la logique de la réforme. Ils combinent en effet le retour aux fondamentaux et la définition de compétences transversales. En mathématiques et en physique, les programmes distinguent ainsi deux types de savoirs : dun côté, les savoirs de base relevant du socle, qui doivent, par définition, être impérativement acquis par tous les élèves et, de lautre, des savoirs plus ambitieux, pour des élèves dont les caractéristiques restent indéfinies. En mathématiques, la mise en uvre du socle aboutit même à acter ouvertement la différenciation de deux niveaux dexigences. Dans lintroduction des programmes, il est en effet précisé qu« au niveau des exigibles du socle commun, toute technicité est exclue, puisque dans lesprit général du socle on se limite à des problèmes simples, proches de la vie courante »14. Cela étant, les changements introduits par ces nouveaux programmes ne se réduisent pas à lidentification des fondamentaux et à lofficialisation dun dénivellement des exigences. Ils traduisent également la diffusion de la définition participationniste.
Mettant résolument laccent sur le travail interdisciplinaire à travers une longue introduction commune aux quatre disciplines et six thèmes de convergence, les programmes explicitent en effet clairement en quoi chaque discipline peut servir des objectifs de formation généraux et permettre lacquisition de compétences transversales. La logique participationniste concerne également les méthodes : la démarche dinvestigation se trouve ainsi placée au cur des programmes dans le cadre dune approche qui « privilégie la construction du savoir par lélève »15. Comparés aux programmes du pôle scientifique, ceux qui relèvent des humanités (français et histoire-géographie notamment) apparaissent peu affectés par la réforme : les savoirs de base ny sont pas distingués, les objectifs généraux de formation ne sont guère explicités, la transversalité est quasiment absente, tandis que les capacités sont seulement développées sur un mode disciplinaire et que les attitudes passent à la trappe. Mais cest probablement parce que la logique des compétences avait pénétré les programmes plus tôt, depuis la fin des années 1990, et quil nétait pas aussi utile den marteler les préceptes. On est alors davantage dans la continuité plutôt que dans le franchissement dun palier supplémentaire. Dans le primaire enfin, les programmes arrêtés par Xavier Darcos en 2008 ont introduit une véritable rupture par rapport aux programmes de 2002, qui mettaient en effet laccent sur la construction de son savoir par lélève, la découverte du monde, les disciplines déveil, la littérature de jeunesse comme vecteur de la culture littéraire, etc. Prenant lexact contrepied de ces orientations, les programmes de 2008 consacrent au contraire une réduction très nette du champ des savoirs proposés au profit de lacquisition des savoirs de base.
Les compétences, des programmes aux pratiques
Ces différentes définitions des compétences entremêlées dans les programmes sont formulées pour lessentiel en tant quintentions et objectifs, sans détailler des pratiques prescrites (les documents dapplication restant aussi assez généraux). Mais elles constituent des éléments disponibles pour lingénierie pédagogique (notamment la constitution des manuels) et pour les enseignants. Elles participent ainsi, avec des appropriations et interprétations successives, à influer sur les tâches et les exigences intellectuelles auxquelles se confrontent les élèves.
Compétences : des mises en uvre ambiguës Si lon veut comprendre ce paradoxe, de même que les résonances dans les classes des débats contradictoires qui ont eu lieu au moment de lintroduction dune logique denseignement et dévaluation appuyée sur lidée de compétences, il nous faut préciser les grandes logiques de mise en uvre de cette notion de compétences et leur plus ou moins grande pertinence ou possibilité de traduction dans la classe, en fonction de la nature des savoirs en jeu.
À linstar de ce que Rey a mis en évidence, on trouve deux grandes utilisations du terme de compétence (Rey, 2014) dans les supports et dispositifs pédagogiques, permettant de comprendre pourquoi cette introduction a contribué au flou dans les apprentissages, comme à laccroissement des inégalités. Dans un premier sens, lintroduction des compétences correspond à une élévation importante des exigences dans les situations scolaires, qui requièrent une pluralité dactions cognitives : lidentification et lanalyse dun problème dans une situation donnée, complexe, qui pour être résolu suppose le choix des savoirs pertinents et leur mobilisation actualisée les savoirs mobilisés pouvant être de natures diverses (théoriques, savoir-faire, savoirs expérientiels). On trouve là un certain écho des logiques « participationnistes » (cest davantage aux élèves dapprendre quà lécole denseigner) et en partie « utilitaristes » (mobiliser des savoirs dans des problèmes présentés comme proches de « la vie ») à luvre dans les programmes, évoquées dans la première partie. Dans un second sens, les compétences sollicitées sont réduites à des techniques automatisables ou procédures sur des objectifs précis et ponctuels (savoir conjuguer tel verbe, tel temps, savoir calculer, identifier un schéma narratif).Elles existent dans certains apprentissages scolaires, pas seulement parce quelles font écho aux conceptions des groupes dacteurs qui voulaient « conserver » dans les programmes des tâches traditionnelles et identifiables, mais car elles constituent aussi des outils pour accéder aux tâches plus complexes. Elles font donc simultanément écho, dans les programmes, à la logique « participationniste », dans le versant doccupation, et à la logique utilitariste, dans le sens dapplication à des tâches limitées par la division sociale du travail.
Lopposition ne se situe donc pas véritablement entre savoir et compétence, mais entre les sens de ce que lécole nomme « compétences ». Les deux traductions de lidée de compétences cohabitent, mais les réquisits scolaires implicites dans lessses portent surtout sur la première catégorie présentée. Cette distinction permet en particulier de comprendre sur quels types de pratiques de classes reposait lopposition, fondée en grande partie, on va le voir, sur un malentendu, qui sest manifesté au moment de lintroduction des compétences dans le système éducatif entre les tenants des savoirs et ceux des compétences. Cette opposition correspond à des conceptions différentes des élèves et de lécole : un sujet qui comprend grâce à des savoirs ou qui « fait » et dont la formation est centrée sur les résultats lisibles dans ces « faires » des élèves « dans lindifférence aux processus [
] et aux moyens dy parvenir » (Rey, 2014). On peut ainsi trouver dans cette référence au « faire » qui sous-tend lusage de la notion de compétences dans les apprentissages une des origines parmi les caractéristiques des classes contemporaines : lactivité permanente dans laquelle sont plongés les élèves, constamment en train de « faire » avec des documents, des questions, des fiches à remplir, constamment en train décrire pour faire (mais sagit-il vraiment dune activité décriture ?).
Rey met ainsi en évidence le caractère central de la notion de situation, de celle de tâche, et il distingue les situations de nécessité, qui sont contraignantes pour la réussite de lactivité, et celles de simple obligation, ces dernières renvoyant à des normes et des jugements arbitraires doù les interprétations différenciées des élèves. Détaillons ces deux grands types de compétences dans les classes et leurs échos avec les définitions portées par les acteurs de la constitution des programmes.
Différents niveaux dactivité derrière les « compétences »
Dabord, lélévation des exigences est identifiable dans larticulation attendue entre savoir et compétence. Les savoirs académiques (auxquels peuvent sadjoindre des savoirs culturels non scolaires), pour nêtre plus entièrement la visée ultime des apprentissages mais « seulement » les soubassements des compétences à mettre en uvre, restent néanmoins nécessaires à remobiliser17. Les savoirs sont moins centralement désignés dans les manuels et les dispositifs, ou le sont de manière ambiguë. En effet, ils sont souvent peu institutionnalisés, en apparaissant dans le « corrigé » de la séance en tant que « résultat » dun exercice en ne les désignant par pour des savoirs dun domaine disciplinaire : une part importante des élèves peut être leurrée, en ne percevant pas leur importance. Inversement, quand les savoirs sont désignés dans une optique plus proche des préconisations « conservatrices » des pratiques « magistrales », les élèves courent le risque de ne pas être entraînés à remobiliser ces énoncés de savoirs dans des situations moins standardisées. En effet, dans les réquisits auxquels les élèves font face sur lensemble de la scolarité, lopposition entre les compétences et les savoirs sestompe, les deux sont inséparables.
Si, en écho aux définitions « anti-scolastiques », des compétences élevées sont attendues de façon transversale aux disciplines et aux leçons, contrairement à ce que ces discours affichent, les séances sont aussi bâties sur des savoirs disciplinaires.
Notamment, lune des compétences fréquemment requise consiste à « savoir analyser des documents », mais dans chaque discipline, « analyser des documents » implique une activité spécifique. En Lettres, il sagit souvent dinterpréter un texte en référence à des concepts détude littéraire, déléments du contexte de création et dautres uvres. En Histoire la comparaison de deux cartes de France à plusieurs siècles dintervalle sinscrit dans un autre type de raisonnement, par exemple pour comprendre la construction du pouvoir royal sur les seigneurs féodaux. En SVT lanalyse de données sinscrit encore dans une autre manière de penser, quand il faut confronter des données sur les températures, les précipitations et la végétation pour comprendre la notion de climat, etc.
Mais il serait faux de penser que rien na changé, et que les compétences ne seraient quun artifice. En restant sur les exemples précédents, les élèves doivent articuler des documents écrits composites (Bautier & alii, 2012), cest-à-dire avec une variété de types de textes différents (textes de savoir, descriptions, témoignages) et de systèmes sémiotiques (schémas, cartes, tableaux, images dobjets, etc.) quil faut chacun préalablement savoir décoder. Nombre délèves sont mis en difficulté par cet attendu implicite de mobilisation dune compétence similaire dans différentes disciplines dans une visée chaque fois spécifique selon lobjet étudié dans un domaine de savoir. Face à ces difficultés, les supports et dispositifs pédagogiques adaptent souvent les exigences en focalisant lattention des élèves sur des « compétences » procédurales plus simples.
Par exemple, dans lune des classes observées, un dispositif vise à faire automatiser le fait de savoir lire un tableau à double entrée. Cet apport méthodologique insiste sur la mise en correspondance des lignes et colonnes pour extraire des informations et comprendre leur tri dans le tableau. Mais il ne peut constituer un outil pertinent quà condition dêtre articulé avec les enjeux de savoir disciplinaire de la leçon pour saisir en quoi ces informations prennent leur sens. De plus, les tableaux à double entrée, selon les disciplines et les leçons, ne sont pas à lire exactement de la même façon. Ainsi, dans cette classe, lapport méthodologique a lieu dans une leçon de français, montrant que la mise en correspondance des lignes et colonnes permet de classer des mots selon leur nature, car les colonnes représentent des entités distinctes (nom, adjectif
), les colonnes nont pas à être comparées, ce qui nest pas signifié aux élèves.
Tandis que deux jours plus tard dans la même classe, en SVT, les colonnes dun tableau à double entrée représentent les différents jours de lobservation de la taille du même animal, les cases juxtaposées doivent être comparées (soustractions successives) pour saisir la croissance. La procédure automatisée qui a été présentée en classe comme « aide méthodologique » et voulant répondre à lobjectif de maîtrise de la compétence « savoir lire un tableau », nest donc pas transférable sans prise en compte des spécificités de lobjet étudié et de la manière dont la lecture des tableaux doit être adaptée entre les situations et disciplines. Elle nest pas non plus exactement la même que « savoir lire un tableau » dans nombre de situations de la vie courante, comme le souhaiteraient les promoteurs de la logique « utilitariste », par exemple pour lire le classement des clubs dun championnat sportif : le lecteur na pas à reporter dans le tableau des informations quil aurait prélevées par une expérience, et les relations entre lignes et colonnes fonctionnent autrement (par exemple, lordre des lignes nest pas aléatoire, au contraire du tableau de SVT où lordre dapparition des animaux dont on étudie la croissance est indifférent).
Il est bien sur utile dapprendre à lire des tableaux à double entrée, mais cela leurre les élèves quand on ne relie pas cette activité à des savoirs disciplinaires et à des types de situations entre lesquelles le transfert est loin dêtre automatique. Un autre aspect de lélévation des exigences tient à ce que les dispositifs pédagogiques sont marqués par la définition « participationniste » de lélève, qui nest pas née avec lintroduction des compétences mais que celle-ci a accru. Dans lobjectif de remédier aux difficultés de compréhension qui existaient face aux cours magistraux, ceux-ci avaient déjà en partie laissé place aux pédagogies actives, et à la volonté que lélève « construise » lui-même le savoir dans les interactions des cours dialogués. Ces encouragements à mettre lélève en activité ont été redoublés par lintroduction des compétences, qui a accru la conception dun élève relativement auto-apprenant, quil suffirait de stimuler par la mise en situation. Cependant, le cadrage des situations est insuffisant pour réduire les interprétations différenciées selon le degré de connivence que les élèves entretiennent avec les exigences tacites de lécole. Car le « faire » dont il est implicitement question nest pas une simple pratique formelle, ni une application de savoir ou de procédures. Cest un travail de compréhension lié à une élaboration textuelle par le langage à lécrit ou à loral, puisquil sagit très souvent de formuler soi-même le savoir au terme dune activité, de désigner les phénomènes sur lesquels les tâches attiraient lattention sans les désigner justement pour que ce soit lélève qui les identifie. Lécole, en effet, repose sur la mobilisation et la construction par les élèves tout au long de leur scolarité de ces savoirs textualisés (Rey, 2014) et non sur des informations simples ou des connaissances (Astolfi, 1998).
Nombre de manuels ou fiches demandent ainsi à lélève, en « conclusion » des pages ou doubles-pages, de « rédiger » la leçon ou un résumé, dargumenter à partir des constats partiels et dinformations prélevés dans les activités précédentes, comme si cette mise en mots et en textes, fréquemment sollicitée, était facilement et spontanément accessible. Or, elle ne fait pas lobjet dun apprentissage explicite et systématique et elle engage des opérations difficiles : analyse de la situation, confrontations dinformations, déductions à mettre en forme en mobilisant des savoirs, formulation de connexions logiques, etc.
La difficulté à se saisir des compétences requises dans ce « faire » est redoublée par une évolution simultanée : le niveau conceptuel des savoirs a fortement crû dans le primaire et le secondaire (alors même que se mettait en place la scolarité unique avec des objectifs égaux Bonnéry & alii, 2015), appelant des compétences de compréhension des phénomènes et des processus plutôt que lacquisition des faits. Par exemple, en histoire, en cours moyen, apprendre par cur (pour éventuellement comprendre mais sans nécessité pour réussir les tâches) une version narrative de « La vie du temps de Louis XIV » a été remplacé par limpératif de compréhension du concept de « Monarchie Absolue ». Et cette évolution vers une plus grande conceptualisation a été combinée avec les définitions « participationniste »et « utilitariste » des compétences. Il est en effet attendu de lélève quil utilise les ressources et les savoirs qui sont en jeu dans les situations pédagogiques, pour mobiliser une réflexion sur le monde environnant. Par exemple, dans une leçon dhistoire sur la découverte de lAmérique et les puissances coloniales, comprendre pourquoi certaines langues sont aujourdhui parlées sur ce continent. Au motif dune posture « anti-scolastique » contre les seuls savoirs scolaires, cette participation de lélève implique quil circule entre raisonnements et savoirs scolaires dune part, et, dautre part, mobilisation dun regard détude sur le monde, cest-à-dire quil adopte une posture « scolastique » (Bourdieu, 1997) qui ne dit pas son nom : lélève est invité à se saisir de ses connaissances personnelles (supposées) pour appréhender les situations pédagogiques, mais toutes les expériences connues selon les milieux sociaux ne sont pas aussi proches de ce que lécole suppose : il est de plus en plus requis de connaître, par exemple, des uvres dart et la pratique du tourisme, comme si cela relevait de lévidence.
Avec cette définition « participationniste », les dispositifs sont justement le plus souvent « à usages multiples », proposant une pluralité dobjectifs qui permettent à tous et à chacun de « faire », de façon individualisée, pour les uns avec ces exigences, pour dautres de se limiter à des procédures simples permettant de parvenir à des constats partiels, disjoints des compétences exigées et des savoirs en jeu (Bonnéry & alii, 2015). Ainsi, dans lexemple précédent, certains élèves voient-ils le cadrage de leur activité restreint à la coloration des zones parce quon leur dit que le vert et le bleu doivent être utilisés ici ou là, de façon relativement disjointe de la réflexion sur les langues parlées en Amérique, dautres sont focalisés sur cette information des langues parlées aujourdhui sans la relier aux savoirs historiques sur les rivalités entre puissances coloniales, tandis que la « tête de classe », socialement beaucoup plus connivente, circule entre ces niveaux dexigence inégaux.
Si le « faire » oriente peu lactivité de lélève vers les attendus, cest que lintroduction des compétences dans les classes a laissé dans lombre les moyens par lesquels doit sopérer la construction (apprentissage) des ressources dans lesquelles lélève devrait puiser. Les prescriptions des manuels comme les dispositifs observés montrent même une confusion entre les situations pour faire acquérir ces compétences et celles qui supposent des compétences acquises, des prérequis donc, pour quelles soient occasions de nouveaux apprentissages.
Nous reprendrons ici à Bernstein (2007) lorigine de cette ambiguïté : lidéologie des compétences est présentée comme généreuse, supposant la capacité de tous à les posséder et à pouvoir les mobiliser, comme si les situations suffisaient pour quelles se manifestent. De fait, lidée de compétence, qui individualise lapprentissage et essentialise linterprétation des performances, comme un retour à lidéologie des dons, encourage les enseignants à considérer les élèves comme « déficients » et donc responsables de leurs difficultés lorsquils ne manifestent pas « spontanément » les compétences attendues. Contrairement à cette idéologie « spontanéiste » (Chamboredon & Prévôt, 1973), nos observations montrent que nombre des élèves, surtout lorsquils proviennent des milieux populaires ne sont pas suffisamment familiarisés avec les compétences attendues pour sen saisir et les consolider.
Lintroduction des compétences na donc pas créé le caractère implicite de lenseignement et lidéologie des dons individuels (Bourdieu & Passeron, 1964), mais elle a permis leur actualisation et celle du masquage des inégalités sociales en matière pédagogique. Comme cela a déjà été souligné dès les premières recherches sur le sujet (Ropé et Tanguy, 1994), cette individualisation de linterprétation de la réussite et surtout de léchec éventuel déresponsabilise linstitution, culpabilisant lélève en le rendant auto-responsable de son propre parcours scolaire puis professionnel.
Quand lévaluation et le faire pilotent lacquisition des compétences Nous venons didentifier deux types de compétences présentes dans les programmes et dans les classes, et qui sont radicalement différentes. Celles qui sont en fait des procédures que lon peut que lon doit automatiser et celles qui, reposant sur la mobilisation à bon escient de savoirs textuels et de raisonnements cognitivo-langagiers qui les structurent, les mettent en relation. Les premières font souvent lobjet dun enseignement explicite, de mises en situation « de nécessité » (voir supra), les secondes sont implicites, sollicitées plus quenseignées.
Le manque de formation des enseignants dans le domaine de la formation à lacquisition et à lévaluation des compétences « complexes » reposant sur les savoirs textualisés a peu à peu conduit à des situations très contrastées selon les publics scolaires et les nécessités des évaluations. La multiplication des grilles et des livrets dévaluation par compétences dès la maternelle, dans une logique fréquente dautoévaluation, a conduit le plus souvent à centrer lacquisition sur des compétences procédurales ou techniques ou ne mobilisant que des informations et dont lévaluation relève de lacquis ou du non acquis (A/NA sur les livrets), le « en voie dacquisition » nayant que rarement des conséquences sur lidentification par lélève et lenseignant de ce quil faudrait encore acquérir. Une autre « dérive » provient dans cette même logique binaire et simplificatrice à segmenter les savoirs textualisés et conceptuels, les réduisant ainsi à des informations ponctuelles : cest le cas évoqué précédemment quand lenseignant, faute de voir comment faire autrement, délivre linformation sur les langues parlées dans tel ou tel pays dAmérique, en abandonnant le lien entre cette information et lexplication des processus historiques qui expliquent cette situation. Les questions relevant de la mobilisation des compétences conceptuelles ou complexes sont alors principalement effectuées par les élèves ayant identifié la question en jeu, les savoirs à mobiliser et construire, ces compétences ne faisant au demeurant guère lobjet de lenseignement à tous les élèves18.
En effet, et cest une des conséquences de la logique de compétence dans les situations pédagogiques, elle est en cohérence avec la conception actuelle des visées dun enseignement qui valorise le développement des compétences de chacun, pensées comme étant individuelles et déjà là et non lenseignement-apprentissage pour tous des compétences complexes requises pour comprendre.
De ce point de vue, il y a une proximité avec les définitions « utilitaristes » des compétences dans le monde professionnel. Dans celui-ci, une partie des compétences est plus simple à décrire, et donc à acquérir et évaluer. Il en est ainsi des compétences professionnelles sollicitées dans tel ou tel poste de travail, évaluées dans lactivité elle-même et pouvant être acquises en situation, proche des « procédures » évoquées dans lÉcole, tandis que dautres types de tâches sont attendues dans le monde professionnel, mais probablement davantage dans les niveaux demploi les plus élevés, correspondant davantage aux compétences complexes sollicitées à lécole.
Conclusions
Dans le cas de la France, lintroduction de la logique des compétences dans le primaire et le secondaire apparaît comme un catalyseur de logiques plurielles déjà présentes mais qui ont alors fait système, à la fois dans les programmes (du fait des jeux dalliance de groupes dacteurs) et dans les pratiques de classes (du fait de la polysémie de ce que recouvre le terme de compétences dans léducation). On observe dabord une élévation des exigences quand les situations chaque fois nouvelles et complexes sollicitent des « compétences avec mobilisation » (Rey, 2014) où, contrairement aux discours ambiants, les savoirs disciplinaires ne sont pas absents mais moins donnés à voir : cest à lélève de les mobiliser simultanément à dautres ressources (expérience personnelle, éclairage de tel aspect du monde, etc.).
Cest la traduction des définitions « anti-académiques » qui voulaient que lécole serve non pas seulement à retenir des faits, mais à faire penser sur les situations de la vie professionnelle et sociale. Cette introduction est donc de nature à correspondre aux attentes de groupes sociaux fortement scolarisés depuis plusieurs générations, pour qui les exigences scolaires du passé semblent relever de lévidence et dune trop grande facilité.
Ainsi, ces exigences sont très peu accompagnées, la logique des compétences reposant sur lidéologie spontanéiste, doù une ambiguïté entre les situations pour les faire acquérir aux élèves et celles qui les requièrent pour apprendre. De fait, les définitions « participationnistes » des compétences donnent surtout à voir le « faire » visible et donc évaluable dans les tâches, en masquant les enjeux sous-jacents de savoir et de réflexion pour ceux qui nont pas les prérequis. Ces tâches sont « à usages multiples », encourageant un dénivellement des exigences selon les profils sociaux des élèves, surtout quand restent prégnantes les traductions des définitions à la fois « conservatrices » et « utilitaires » des compétences : les élèves les moins connivents sont particulièrement focalisés sur des procédures simples et automatisables, ces dernières leur étant moins données à voir comme des outils pour appréhender des exigences plus élevées.
Lintroduction des compétences dans les programmes na pas créé de toutes pièces le renoncement à viser les mêmes objectifs avec tous les élèves de la scolarité unique. Mais en constituant, dans des situations en apparence partagées autour dun « faire » ambigu, à la fois une élévation dune partie des exigences, et une possibilité de réduction des sollicitations à des procédures simples, elle a constitué un catalyseur de la cohabitation de ces logiques. Ceci pourrait expliquer, avec dautres raisons cumulées, le fait que les inégalités saccroissent, les évaluations internationales montrant que le niveau des meilleurs élèves français progresse au cours des dernières décennies, celui des plus faibles régressant encore.
Ces élèves « bons » et « faibles » ne se recrutent pas au hasard socialement. Les recherches montrent que ceux qui satisfont le mieux aux réquisits tacites des compétences exigeantes bénéficient dune socialisation familiale plus proche de la culture scolaire. Pour ceux dont les parents ont suivi des parcours scolaires plus courts, lécart est plus grand quand lÉcole ne crée par les conditions pour quils construisent ces compétences et les savoirs. Bibliographie
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