Québec : L'inclusion se fait au détriment de l'enseignement public
Source : Le Journal de Montréal
Québec : Nombre record délèves en difficulté
Le nombre délèves en difficulté continue daugmenter dans les écoles publiques québécoises, a appris Le Journal. Près de 21 % des élèves font maintenant partie de cette catégorie, un record. Dans le réseau privé, on nen retrouve que 5 %. [Souligné par moi.]
Le réseau scolaire comptait 182 162 élèves handicapés ou en difficulté dadaptation ou dapprentissage (EHDAA) en 2013-2014, selon les plus récents chiffres disponibles au ministère de lÉducation. Il sagit dun record, puisque ce nombre na cessé daugmenter depuis dix ans, la hausse étant de 23 % (voir ci-dessous).
La situation est préoccupante, selon Gérald Boutin, professeur au Département déducation de lUQAM. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette augmentation, notamment le manque dintervention dès les premières années du primaire, affirme-t-il.
« Il y a trop peu dintervention préventive, alors les difficultés des élèves augmentent avec les années. Les classes de rattrapage narrivent quau secondaire, cest trop tard », dit-il.
« Ces chiffres prouvent que lintégration des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, amorcée depuis une quinzaine dannées au Québec", ne fonctionne pas », ajoute-t-il.
« On na pas pris les moyens pour que ce soit efficace. Le nombre délèves en difficulté augmente au fur et à mesure que lon ferme des classes spéciales », souligne-t-il.
La répartition inégale des élèves en difficulté dans le réseau public et privé vient aussi brouiller les cartes. « Avec les meilleurs élèves qui sont au privé ou dans les programmes particuliers au public, lintégration devient une tâche impossible », ajoute M. Boutin.
Le professeur de lUQAM reconnaît par ailleurs que les diagnostics délèves avec un déficit dattention ou un trouble envahissant du développement ont aussi augmenté au fil des ans.
Mais de plus en plus de voix sélèvent pour remettre en question cette augmentation fulgurante de diagnostics dans le réseau scolaire.
Selon un document obtenu par La Presse lhiver dernier, le gouvernement considère que des commissions scolaires se livrent à une « course » pour obtenir des diagnostics et ainsi toucher davantage de subventions.
Lorraine Normand-Charbonneau, présidente de la Fédération québécoise des directions détablissement denseignement, rejette cette affirmation du revers de la main.
« Je suis en total désaccord. Je trouve ça effrayant de laisser penser que dans le réseau, il y a des directions décoles qui surcodifient des élèves », lance-t-elle.
Pour pouvoir mettre un code à un élève et bénéficier du financement qui vient avec ce code , plusieurs évaluations sont requises. Il sagit dun processus « long et rigoureux » qui peut prendre plusieurs mois, affirme-t-elle. Et pour certaines difficultés, le financement est très faible, ajoute la présidente de la FQDE.
Ce ne sont dailleurs pas tous les EHDAA qui reçoivent un financement supplémentaire. Les écoles ne touchent pas un sou de plus pour les élèves qui présentent un trouble du déficit de lattention (TDAH).
Selon Mme Normand-Charbonneau, laugmentation importante des diagnostics sexplique surtout par un meilleur dépistage et une meilleure identification des difficultés des élèves. « Quand jai commencé dans les écoles, il y a près de 40 ans, il y avait aussi des élèves qui avaient des problèmes, mais on n'identifiait pas les élèves de cette façon et ils ne recevaient pas laide dont ils avaient besoin. »
QUEST-CE QUUN EHDAA?
Élèves en difficulté dadaptation:
Trouble du déficit de lattention avec ou sans hyperactivité
Trouble du comportement
Élèves en difficulté dapprentissage:
Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie
Dysphasie ou trouble du langage
Déficience légère
Élèves handicapés:
Déficience motrice légère ou grave
Déficience visuelle, auditive ou langagière
Déficience intellectuelle moyenne à sévère
Trouble envahissant du développement
Trouble psychopathologique
NOMBRE DÉLÈVES HANDICAPÉS OU EN DIFFICULTÉ DAPPRENTISSAGE OU DADAPTATION DANS LE RÉSEAU PUBLIC
2004-2005: 147 981
2005-2006: 152 742
2006-2007: 150 201
2007-2008: 149 916
2008-2009: 161 081
2009-2010: 166 225
2010-2011: 171 100
2011-2012: 176 369
2012-2013: 179 657
2013-2014: 182 162