Over belang van de op vandaag belaagde vakdisciplines voor het onderwijs en voor het opstellen van eindtermen en leerplannen We citeren enkele o.i. belangrijke passages uit een recent essay van prof. Alain Beitone
Basisidee: Proposer, comme le font certains aujourdhui, de remettre en cause les disciplines scolaires[ et daffaiblir (voire de rompre) le lien entre les enseignements scolaires et les savoirs de référence est donc doublement dangereux : pour la légitimité des enseignements scolaires et pour les apprentissages des élèves....Croire que lon peut « partir des objets » indépendamment des disciplines et que ce travail sur les objets va permettre aux élèves de « construire » les savoirs disciplinaires pertinents est une dangereuse illusion qui conduit presque inévitablement à se situer dans le cadre de la pédagogie invisible
Alain Beitone, professeur de sciences économiques et sociales. (skhole.fr, november 2015) Disciplines scolaires et disciplines savantes - Enjeux pour la formation des maîtres et la formation des élèvesCe texte constitue la mise en forme dune intervention dans le cadre du séminaire du Groupe de Recherche sur la Démocratisation Scolaire le 16 avril 2015.
Passages uit lijvige bijdrage
Cette brève recension de remises en cause convergentes des disciplines ne peut pas être sans signification. Pas de complot bien sûr, mais une mouvance intellectuelle où lon retrouve des syndicats, des mouvements pédagogiques, des responsables du système éducatif, des universitaires qui sont généralement attachés à la démocratisation scolaire. Cette mouvance considère que la structuration en disciplines scolaires des savoirs enseignés est un obstacle à la réussite des élèves (notamment les plus faibles) et quelle débouche sur une approche élitiste car trop abstraite, trop conceptuelle. Ils proposent donc des approches plus « concrètes », davantage fondées sur la motivation des élèves ce qui supposerait le dépassement des disciplines, leur « intégration », pour le moins leur relativisation et le développement dapproches interdisciplinaires considérées comme plus favorables à la réussite des élèves.
Pourtant, en dépit de ces travaux qui contestent lefficacité de linvisibilisation des apprentissages, les tenants de lapproche « modernisatrice » (ou « réformiste », ou « pédagogique ») continuent à tenir le même discours. Ils combattent le cours magistral (que les représentants officiels de linstitution ne cessent de pourchasser), ils prônent lorganisation de débats, de parcours interdisciplinaires, vantent lautonomie des élèves et la nécessaire bienveillance de linstitution, dénoncent les savoirs disciplinaires considérés comme mutilants, chantent les mérites des compétences et de lapproche curriculaire, etc. Et ils simaginent ainsi se montrer « critiques », voire subversifs. Ils ne sinterrogent pas sur le fait que tout lappareil de léducation nationale et lOCDE tiennent le même discours queux[19]. Ils prétendent promouvoir légalité et la réussite des élèves les plus défavorisés, mais refusent de prendre en compte les travaux qui montrent que les pédagogies invisibles sont un facteur déchec pour ces mêmes élèves.
Mais sauf à sombrer dans un relativisme dangereux (et dailleurs intenable sur le plan pédagogique) on voit mal comment on peut enseigner sans se référer à la légitimité de savoirs de référence. Le professeur est dans la classe le garant de la légitimité épistémologique des savoirs quil enseigne. Il ne peut pas sautoriser de lui-même, il peut (et doit souvent) dire à ses élèves « vous pouvez me croire, ce nest pas moi qui le dit ». Lorsque, bien souvent, dans lordinaire des classes, les élèves opposent leur point de vue à celui du professeur, ce dernier doit pouvoir se fonder sur lautorité dune communauté savante ou dune communauté professionnelle qui légitiment les savoirs quil enseigne. Cest pourquoi, la maîtrise des savoirs de référence est une composante essentielle de lactivité professionnelle du professeur. Un professeur (sous prétexte daccompagnement ou danimation) ne peut pas tout enseigner, parce quil est dans limpossibilité de maîtriser lensemble des savoirs de référence[21].
Prétendre que les savoirs existent déjà (dans les livres ou sur internet) et quil suffirait que lenseignant soit un spécialiste de « lapprendre à apprendre » est une négation de la réalité des pratiques de classe. Les élèves attendent à juste titre des professeurs quils soient capables de maîtriser suffisamment les savoirs de référence. De même que je serais incapable denseigner de façon sérieuse la physique du globe (même en ayant consulté quelques pages de wikipedia), je suis persuadé que la plupart des enseignants de lettres ou de physique seraient bien en peine dexpliquer la crise des subprimes ou de présenter de façon suffisamment précise et nuancée les conceptions des sociologues qui sinscrivent dans le courant des Cultural Studies.
Cette maîtrise des savoirs de référence est une condition de lautonomie intellectuelle des enseignants et partant de celles des élèves. Par exemple, face à la déferlante médiatique en faveur des politiques daustérité en Europe, on ne peut tenir un discours critique argumenté que si lon maîtrise suffisamment les productions scientifiques qui remettent en cause ces politiques. De même, les idées reçues quexpriment souvent les élèves sur la famille, limmigration, la création de monnaie ou la délinquance ne peuvent faire lobjet dun travail pédagogique et didactique sérieux que si le professeur maîtrise suffisamment les savoirs de référence relatifs à ces questions.
Pour que lenseignant ne soit pas vulnérable aux idées reçues, pour quil ne soit pas prisonnier du « livre du maître » offert par léditeur, bref pour quil soit capable de faire preuve dun authentique esprit critique, il faut quil dispose dune très solide maîtrise des savoirs de référence[22]. Mettre laccent sur les savoirs de référence ce nest donc pas placer le professeur en position de subordination, cest au contraire exiger quil dispose des moyens dune authentique autonomie intellectuelle[23].
Cette référence des disciplines scolaires aux disciplines savantes est aussi une source defficacité didactique. Dabord parce que le professeur qui maîtrise les savoirs de référence peut anticiper certaines des difficultés que vont rencontrer les élèves. Ensuite parce que lorsque le professeur domine les savoirs quil doit transmettre, il peut consacrer lessentiel de son attention à lobservation des élèves et de leurs réactions, il peut donc percevoir les difficultés, répondre aux questions ou aux objections non anticipées. Sa base de connaissance dans les savoirs quil enseigne est la condition qui permet de se centrer sur les difficultés des élèves[24].
Les disciplines scolaires présentent une autre caractéristique : elles ne correspondent jamais strictement à une discipline de référence particulière. Cest vrai de lhistoire et de la géographie, de la physique et de la chimie (qui sont aussi des disciplines savantes distinctes regroupées au sein dune même discipline scolaire), des sciences de la vie et de la terre, de léconomie et gestion (droit, économie dentreprise, management, comptabilité, informatique de gestion), etc. Cest tout aussi vrai pour les disciplines scolaires pour lesquelles on pourrait croire quelles correspondent à des disciplines universitaires. Un professeur qui enseigne langlais dans le second degré, enseigne en réalité des savoirs qui relèvent de plusieurs disciplines savantes de référence : la linguistique, la littérature, la grammaire, la civilisation (sans parler de la distinction parfois conflictuelle à luniversité entre « anglicistes » et « américanistes »). Même chose en ce qui concerne les mathématiques du collège et du lycée qui renvoient à lalgèbre, à lanalyse, à la géométrie, aux probabilités et aux statistiques.
Enfin, il faut y insister, les disciplines scolaires, constituent un mode spécifique dappréhension du monde. Un professeur de SES, comme un professeur dhistoire géographie, peuvent traiter de la Révolution industrielle, de la mondialisation, de laction économique de lEtat ou des classes sociales. Mais ils ne mobiliseront ni les mêmes concepts, ni les mêmes problématiques, ni les mêmes références. Une discipline scolaire (pas plus quune discipline savante) ne peut se définir par ses objets détudes, car beaucoup de disciplines scolaires peuvent étudier les mêmes objets : un professeur de lettres pourra parler des classes sociales et de la mobilité sociale (à propos de Balzac par exemple), tout autant quun professeur de philosophie, dhistoire ou de SES(Sc. Économiques et Sociales) , mais ils ne le feront pas de la même façon. Lun des enjeux de la formation des élèves, cest de les conduire à sapproprier cette spécificité des regards disciplinaires. Si lélève pense quétudier lindustrie cest la même chose en histoire, en géographie ou en SES, il aura beaucoup de peine à atteindre les objectifs dapprentissage.
De ce point de vue, les travaux interdisciplinaires peuvent se révéler féconds pour la formation des élèves, à la condition expresse que ces derniers maîtrisent suffisamment la spécificité des regards disciplinaires mobilisés[26]. Croire que lon peut « partir des objets » indépendamment des disciplines et que ce travail sur les objets va permettre aux élèves de « construire » les savoirs disciplinaires pertinents est une dangereuse illusion qui conduit presque inévitablement à se situer dans le cadre de la pédagogie invisible[27]. Les disciplines scolaires sont un cadre organisateur des apprentissages, une modalité de classification des savoirs et de cadrage des activités des élèves[28]. Accorder une primauté au « transdisciplinaire » sous prétexte de susciter lintérêt des élèves ou de les confronter à des tâches complexes, cest créer des difficultés supplémentaires et cest surtout faire un usage du temps scolaire qui serait mieux utilisé pour renforcer et systématiser les apprentissages et la mise en cohérence des savoirs.
Evidemment les disciplines scolaires sont en permanence menacées de ce quYves Chevallard qualifie de risque « monumentaliste ». Les savoirs apparaissent alors comme « fréquemment, fermés sur eux-mêmes, frappés dautisme épistémologique, et en particulier devenus muets sur leurs raisons dêtre »[30]. Cette monumentalisation conduit à ce que les savoirs sont « exposés comme en un musée, visités, vénérés »[31]. Une telle approche des savoirs conduit à un « un enseignement formel et immotivé procédant par pur « recopiage », lieu dune consommation culturelle engendrant, à côté de quelques boulimies de connaissances, dinnombrables anorexies scolaires »[32]. Cela conduit trop souvent à ce que les savoirs soient enseignés sans que lon ne sache plus à quelles questions ces savoirs répondent. Le plus souvent lenseignant suppose que les élèves découvriront bien un jour à quoi ces savoirs peuvent bien servir. Cela peut conduire aussi à ce que les savoirs soient utilisés comme pur moyen de distinction et de classement des élèves.
Il importe donc de partir de questions fortes (scientifiquement et/ou socialement) et de considérer les savoirs comme des « machines à produire des connaissances utiles à la création de réponses » à ces questions. Notons au passage que cela sinscrit clairement dans une pédagogie explicite dans laquelle on explique aux élèves pourquoi on mobilise tel ou tel savoir. Cela suppose aussi que lon rende aux savoirs leur fonction critique et polémique puisquils servent à travailler des questions qui ont un enjeu fort. Cela conduit aussi fréquemment à pratiquer la codisciplinarité, mais en aucun cas à renoncer au cadrage disciplinaire des savoirs. Mais ce cadrage ne doit pas conduire à renoncer à traiter des questions qui sont essentielles pour comprendre le monde physique comme le monde social.
Il faut donc insister sur la nécessité dun enseignement qui soit explicite, progressif, structuré. Cela suppose notamment une classification forte des savoirs (en particulier une distinction explicite entre les savoirs scolaires, les savoirs dexpérience et les discours de sens commun). Il faut donc identifier les fondements épistémologiques des savoir enseignés, refuser le relativisme, distinguer rigoureusement les jugements de fait et les jugements de valeur. Cette classification des savoirs passe aussi par un usage rigoureux du langage et par une posture de réflexion sur le langage et sur ses usages. Enfin la classification implique que lon identifie clairement lappartenance disciplinaire des concepts utilisés (en particulier lorsquon met en uvre une démarche co-disciplinaire).
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