Kritiek op 'hervormers' en mislukking van constructivistische hervorming in Québec
La réforme: sur un débat nécessaire, mais qui na pas eu lieu 18 février 2015 par prof. Normand Baillargeon
Amoureux dune jeune femme juive, un goy est fou de joie quand elle accepte de lépouser. «Toutefois, lui dit-elle, tu devras te faire circoncire.»
Cest une condition que lamoureux accepte volontiers, mais qui linquiète tout de même un peu.
On ferait bien de sen souvenir lors de lindispensable conversation collective que nous devons à présent ouvrir sur la réforme de léducation. La question est complexe, et lenjeu si important, que nous ne pouvons nous permettre des simplifications abusives.
Attribuer essentiellement les piètres résultats de la réforme aux enseignantes et aux syndicats, comme on a, ici et là, commencé à le faire, en est une; refuser den reconnaître les éventuels mérites en serait une autre.
Mais ce nest pas de ce débat à venir que je veux parler cette fois, mais bien de celui dhier, qui na pas réellement eu lieu parce quon nen a pas permis la tenue. En y revenant, je pense quon apprendra de précieuses leçons pour le débat à venir.
Sur un débat interdit
Quand la réforme est lancée, plusieurs y voient un détournement des États généraux et considèrent quà une forte demande de rehaussement culturel de lécole, on a répondu par une mutation pédagogique.Quand ils examinent celle-ci de près, surtout dans sa première mouture, ils sont catastrophés. Pour ma part, jy vois, comme eux et elles, des confusions conceptuelles et des présupposés philosophiques bien contestables. Jy vois aussi des prises de position didactiques et des prescriptions pédagogiques qui sont sur plusieurs plans largement contraires aux résultats de la recherche crédible et aux enseignements des sciences pertinentes sur la question (sciences cognitives, psychologie).
Cela me semble grave. Je joins donc ma voix à celles de quelques autres et avec elles je tente de dire tout cela. Mais la chose est extrêmement difficile et lentreprise savère même périlleuse.Ce qui sest alors passé, à répétition, pour des tas de gens, dont moi, ce sont trois phénomènes intrigants.
1/Le premier est la troublante découverte que si nombre de réformateurs ne citaient pas cette littérature scientifique dans leurs écrits, cétait possiblement quils ignoraient ce quelle disait. Je le dis en toute sincérité: cétait un phénomène assez répandu et profondément choquant. Un exemple en donnera une idée.
Le projet Follow Through est une des plus coûteuses et des plus sérieuses recherches jamais menées en éducation. Elle donnait, pensaient certaines personnes, de bonnes raisons de prédire que la réforme ferait fausse route. Était-ce exact? Peut-être pas. Mais voilà en tout cas un sujet dont on pouvait, dont on devait débattre. Mais si vous vouliez ouvrir ce débat, vous découvriez que cette recherche était étonnamment inconnue de bien des réformateurs avec qui vous vouliez en parler. Jen suis venu, par dépit, durant ces années, à souvent lancer à la blague à certains réformateurs que vouloir réformer léducation sans connaître Follow Through, cétait un peu comme prétendre renouveler lexploration spatiale, mais sans jamais avoir entendu parler du programme Apollo. Ça na pas beaucoup fait rire
2.Le deuxième phénomène est ce quil faut bien appeler le refus du dialogue des réformateurs, leur refus de simplement considérer les objections quon leur faisait. Il fallait faire partie du cercle des croyants. Tout alors allait pour le mieux. Mais si vous nadhériez pas à ce quon vous demandait de croire, si vous demandiez des preuves, si vous le contestiez ou simplement le remettiez en question, fut-il en invoquant des arguments que vous pensiez très solides, alors rien nallait plus. En un mot comme en mille: on était souvent bien loin dune saine conversation pédagogique ou dun débat serein sur de cruciales politiques publiques. Cétait, littéralement, le règne du crois ou meurs. Ny a-t-il pas lieu, aujourdhui, de revenir sur ce que les critiques de la réforme avançaient à lépoque pour constater ce qui sest avéré juste ou faux et den tirer les conséquences? De revenir sur ce que les réformistes promettaient et qui est ou nest pas arrivé et den tirer les conséquences? Cest ce quon ferait en science, en tout cas
3Ce qui mamène au troisième phénomène que je veux pointer du doigt. Cest que certains de ces réformateurs, au ministère, dans les facultés déducation, dans les commissions scolaires et dans les écoles, étaient en position dautorité et pouvaient sanctionner les mécréants. Ils ne sen sont pas toujours privés, avec ce résultat que nombre de personnes, denseignant.e.s notamment, se sont tues et ont ravalé leurs objections.
Nous pouvons, nous devons faire mieux.
Au moment de débattre de la réforme et de lavenir de notre système déducation, je nous souhaite donc un débat plus riche, plus serein, une plus grande ouverture et surtout une discussion plus et mieux informée, dans laquelle la vérité dune proposition ne se décidera pas sur lautorité, institutionnelle ou autre, de qui lavance.
Appel à témoignages. En attendant, je lance un appel à mes lecteurs et lectrices.
Et vous? Avez-vous eu durant toutes ces années dimplantation de la réforme le sentiment de ne pouvoir dire ce que vous pensiez vraiment? Avez-vous été sanctionné pour lavoir fait? Avez-vous été témoin de faits de cet ordre? Racontez-moi cela en toute confidentialité à:
baillargeon.normand@uqam.ca
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