(bron 'Le Soir')
Les partis flamands multiplient leurs exigencesDUBUISSON,MARTINE
jeudi 16 août 2007, 06:50
67 jours sans gouvernement. MR et CDH ont reçu le dernier carat des exigences flamandes. Ils préparent leur réponse. Affrontement en vue.
Mardi matin, Yves Leterme a lu, oralement, aux partis francophones de l'Orange bleue, CDH et MR, la fameuse liste de revendications flamandes en matière communautaire. Oralement, pour limiter les risques de fuites Nous avons cependant pu en reconstituer le puzzle. Et nous vous en livrons les pièces.
Le 29 juillet, le formateur remettait aux partenaires une première liste communautaire : 14 points à réaliser, selon lui, à la majorité simple (voir tableau ci-dessus).
Samedi 11 août et lundi 13, il soumettait aux francophones une deuxième liste institutionnelle : une vingtaine de points requérant une majorité simple ou des deux tiers (voir tableau).
Ce mardi 14 août, une troisième liste a complété, et officiellement clôturé, les revendications communautaires flamandes actuelles : 25 points, certains nouveaux, d'autres complétant ou amplifiant des points antérieurs.
Dans cette troisième liste, 16 points ne nécessiteraient pas, selon Leterme, de grandes discussions : ils iraient de soi, dans la logique flamande de paquets homogènes de compétences. Ce qui n'est nullement l'avis des francophones
En tout, ce déshabillage flamand de l'Etat fédéral comporte une soixantaine de points. Dont la régionalisation ou communautarisation déjà évoquée de l'IPP (impôt des personnes physiques), de l'Isoc (impôt des sociétés), de la politique des grandes villes ou des baux à loyer.
Nous vous dévoilons ci-dessous la quasi-totalité des exigences flamandes de cette troisième et dernière liste.
Première partie, les points « évidents » pour les Flamands :
la SABAM : les partis flamands veulent la communautariser (c'est la problématique des droits d'auteur et intellectuels) ;
le code de la route : au départ, il était question de régionaliser la politique de limitation de vitesse (les partis flamands veulent généraliser le 70 km/h au lieu du 90), puis du marquage au sol. Dans cette troisième note, c'est tout le code de la route qui est visé. Notamment la perception des amendes, les francophones n'étant pas jugés assez répressifs. Mais la crainte francophone, au-delà du principe, tient à l'étape suivante : si les infractions au code de la route sont différentes au nord et au sud, on pourrait en arriver à une régionalisation des magistrats concernés, les juges de police, et du degré d'appel ;
l'immatriculation automobile : demande de régionalisation. Sur le modèle allemand ou suisse, où les voitures arborent une plaque régionale ou cantonale. Le lion des Flandres à la place du « B » ?
la politique des soins de santé : au départ, les partis flamands voulaient des représentants des Communautés dans les organes de l'Inami. Désormais, ils veulent que les Communautés aient leur mot à dire en matière de remboursements, donc puissent dire si l'Inami rembourse ou non tels types de prestations ;
les compétences des tribunaux : les partis flamands réclament un droit d'initiative des Communautés et Régions pour définir les compétences des tribunaux. Ce qui, d'un point de vue francophone, aboutirait à la création de tribunaux régionaux ;
les ordres professionnels : il s'agit de scinder ceux qui ne le sont pas encore, comme l'ordre des médecins ou des architectes. Ce qui ne serait pas sans conséquence pour ceux habitant la périphérie bruxelloise ;
le Ducroire : l'idée flamande est d'y renforcer la représentation des Régions ;
le jardin botanique de Meise : après les infrastructures, les partis flamands veulent régionaliser les collections fédérales ;
l'Institut national de statistique : les partis flamands demandent une représentation des Régions ;
l'autonomie constitutive des Régions et communautés : les partis flamands veulent l'élargir. Pour donner un pouvoir constituant à la Flandre, qui rêve d'une Constitution (des projets existent) ? Pour définir eux-mêmes les circonscriptions électorales pour les élections régionales et rendre plus ardue l'élection d'un francophone au Parlement flamand ? Certains le croient.
Deuxième partie, les points à vraiment discuter :
la fiscalité : les partis flamands veulent transférer les mécanismes de déductibilité de l'impôt aux Régions et Communautés. Tout ce qui peut être déduit de la déclaration fiscale (garde d'enfants, dons aux associations ) serait fixé au niveau régional ;
les allocations familiales et tout ce qui concerne la famille et les enfants dans la sécurité sociale : demande de communautarisation. Ce qui, au-delà du principe, poserait problème pour les enfants de Bruxelles et de sa périphérie. Les francophones inscrits à l'école flamande recevraient-ils plus d'allocations familiales ?
l'économie sociale : à régionaliser ;
les conventions collectives de travail (CCT) : pour ce qui concerne les matières régionales et communautaires, les partis flamands veulent que les CCT ne relèvent plus du ministre fédéral de l'emploi pour avoir force obligatoire, mais des Régions. Les partenaires sociaux pourraient donc conclure des CCT auxquelles le gouvernement flamand donnerait force obligatoire. Pour les francophones, on touche au caractère fédéral de la Sécu, et, à terme, les partenaires sociaux risquent de négocier prioritairement en Flandre, où les marges de manuvre sont plus grandes ;
les normes de sécurité civile : à régionaliser ; cela concerne le service médical d'intervention urgente, le statut des pompiers ;
l'expropriation publique : les partis flamands veulent accroître les compétences régionales en la matière ;
les achats de la Défense nationale : il s'agit de réintroduire la notion de compensation et de fixer une clef de répartition entre Régions. Parce que les achats bénéficient beaucoup à certaines entreprises wallonnes ? Ces compensations avaient en tout cas été supprimées après les affaires Agusta, Dassault et autres, pour éviter les dérapages
Au-delà de ce troisième paquet de revendications flamandes qui, on l'a vu, ne retient rien en matière de pensions , revenons sur quelques points « surprises » de la deuxième liste flamande, datant de samedi :
l'acquisition de la nationalité et le statut des étrangers : au nom de l'intégration culturelle, les partis flamands demandent que les Communautés puissent ajouter des conditions complémentaires en ces matières, conditions liées à l'« inburgering », l'intégration. Comme l'apprentissage du néerlandais ;
l'assistance juridique : demande de communautarisation, avec clef de répartition. Actuellement, comme elle est liée au niveau de revenu, l'assistance juridique profite davantage aux Wallons ;
les poursuites pénales : les partis flamands veulent que les Communautés et Régions aient leur mot à dire pour les matières de leurs compétences ; qu'elles puissent, par exemple, fixer des priorités, comme l'environnement. Les francophones acceptent l'idée de donner des priorités aux parquets, mais veulent que le ministre fédéral de la Justice reste compétent. Les Flamands parleraient, eux, d'un ministre de la Justice en Région flamande.
Une triple liste à laquelle s'ajoute, précisent les partis flamands, « bien sûr » la question symbolique de BHV
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