Mercredi, départ pour Tarazona et sa belle cathédrale construite à lépoque de la transition du style roman au gothique.
Le style mudéjar, mélange déléments architecturaux arabes et européens, immortalise la longue présence musulmane, jusque dans cette région dEspagne. Les cigognes ont conquis les tours et coupoles. Impossible de les compter tant il y en a.
Les anciennes arènes abritent 32 logements, autour de loriginale arène octogonale qui sert aujourdhui de place publique.
La façade de lAyuntamieto, la mairie, est elle aussi remarquable, avec ses figures allégoriques, ses balcons, sa galerie couverte, la frise représentant l'arrivée de Charles Quint.
Les « casas colgadas », jadis construites sur les remparts de la ville, dominent la Juderia, lancien quartier juif aux rues sinueuses.
Un peu plus loin, pique-nique à Veruela, niché dans une jolie vallée. Cest le premier monastère cistercien dAragon, dont la construction commence à partir de 1145. Les moines cisterciens, dont toute la vie est basée sur la prière et le travail, étaient experts dans lexploitation des ressources locales. Ces « moines défricheurs » organisaient leurs abbayes comme de véritables noyaux de développement économique. Les paysans locaux leur doivent le vaste réseau de canaux dirrigation, barrages et moulins.
Le cloître de style gothique, avec ses galeries et son jardin intérieur, donne accès aux différentes parties du monastère: cuisine, réfectoire, salle des moines, et léglise, dont la construction sest étendue sur 250 ans. Un joli endroit, Veruela.
Le soir, à Albarracin, lorage nous prend de court, se calme en fin de soirée. Nous passons la nuit au camping.
Ce jeudi matin, le soleil est revenu.
Albarracin se visite à pied. La splendide citadelle édifiée par les arabes, très bien conservée, se dresse à flan de colline. Les murailles, les ruelles raides et étroites, les pierres rouges, les teintes terra cotta assorties, les colombages de bois, les murs épais, les balcons, clenches, butoirs en fer forgé le parfait décor médiéval. Lensemble est parfaitement conservé et entretenu. Albarracín séduit, captive.
Avant tout, permettez-nous cet hommage... Rien à faire, nous sommes un pied dans lespace francophone, un pied dans lespace néerlandophone. Toujours nous nous efforçons de communiquer dans les deux langues nationales, à lattention de nos familles, amis et connaissances. Au-delà des querelles communautaires et dans le respect de chacun. Mais si parler et communiquer au quotidien dans lautre langue - le néerlandais en loccurrence - nest pas un problème, « bien écrire », dune façon agréable à lire est une autre paire de manches. Jusque lan passé, notre amie Annemie se chargeait de traduire nos petites bafouilles dans la langue de Vondel. Il faut dire quelle avait du talent, car il nest pas simple de traduire des feintes, de manier lhumour, la sensibilité, les subtilités de langage Et diable, elle le faisait bien, et avec grand plaisir. Malheureusement, elle a tiré sa révérence en ce sinistre mois de décembre 2016, nous laissant tirer notre plan avec la transposition de nos élucubrations littéraires. Cest dans son lieu de vacances préféré, au Cap Gris-Nez, que nous lavons confiée à la mer et au vent en ce week-end de lAscension.
Dimanche 28 mai. Le soleil est bien haut dans le ciel quand nous quittons le Cap Gris-Nez direction vacances. Dans le sens des retours, après ce long week-end de lAscension, des milliers de vacanciers regagnent lIle-de-France et les grosses agglomérations en bouchonnant, bison futé est dhumeur noire. Mais vers le sud, ça roule. Au camping dEquihen-Plage, les bateaux devenus inutiles servent de toiture aux gîtes des vacanciers. La plage est énorme et quasiment déserte.
Rouen. La ville du bûcher est aussi celle où lon coupe les têtes. Celle des véhicules de plus de 1,80m qui osent sengager dans le tunnel en direction de lautoroute. Mais ouf, la menace a été évitée à temps et Blue Moon reste sagement en surface, là où le plafond du ciel touche la lune bleue ou le soleil. Le Mans, Tours, Poitiers, Niort A 20 heures, il est temps de se poser, avant la tombée du soir. Au coeur de Celles-sur-Belle, celle qui est si belle, autrefois étape sur la route de Saint-Jacques, se dresse une abbaye royale bien trop grande, sétalent des rues bien trop calmes. Malgré tous les efforts de la mairie et autres services touristiques, la torpeur a envahi le village avant même lété. Nous sommes dimanche soir, il est vrai, et il fait encore 30°. La commune est toute en poésie: cest le Printemps des poètes, des poèmes sont affichés partout dans la ville. Au bord de la Belle, la nuit le sera également.
Ce lundi daprès un long week-end, les bouchons sont résorbés, la voie est libre. LA10 rejoint Bordeaux, puis direction les environs de Pau. Nous avons convenu de rendre visite à notre copain basque qui connaît bien le désert des Bardenas. Avec son épouse, il tient un bar/resto. On y prend le déjeuner en sa compagnie, pour moi du canard, pour Paul une belle salade, il nous refile quelques cartes et bons tuyaux.
Et nous revoilà sur la route, direction le col de la Pierre Saint Martin. Je rate mon entrée en Espagne: la montée du col me donne le tournis, le taureau s'emballe, le canard dans mon estomac bat de laile. A Isaba, jémerge.
A la nuit tombée, nous faisons halte au bas du parador de Sos del Rey Catolico, cité médiévale complètement déserte à cette heure en cette saison.
Sos del Rey Catolico, le « Berceau du roi catholique » - Ferdinand, roi de Castille, dAragon, de Naples, en loccurence, qui acheva la « Reconquista » - fut autrefois un important bastion de défense en raison de sa position frontalière entre lAragon et la Navarre. L'ensemble du coeur historique du village est parfaitement conservé et réhabilité. On se promène avec plaisir dans ces ruelles médiévales; le site offre des panoramas très intéressants sur les environs.
Mais la cité flotte dans ses trop larges habits de pierres anciennes. Tant de travail, tant de courage pour créer et entretenir, des siècles durant, ces terrasses maintenant à labandon dans les collines environnantes Après la promenade, nous prenons le café dans le réfectoire du parador au carrelage bien ciré, où les résidents savourent dans le plus grand calme le buffet bien garni du petit déjeuner. Et puis, direction les Bardenas, un des buts de notre voyage.
Les Bardenas reales sont une région bien particulière. Une zone désertique avec au milieu une zone militaire interdite daccès. Le circuit balisé, une piste accessible en voiture, fait le tour de cette zone. Quelques circuits de VTT sont aussi balisés. Laccès nest autorisé aux piétons que dans certaines zones, de septembre à février, pour protéger les espèces.
Haut lieu des Bardenas: le Castildetierra, formation rocheuse impressionnante due à lérosion. On se croirait dans lOuest américain.
Après une dernière virée sur la piste des Bardenas dont nous ne nous lassons pas - la lumière ne cesse de changer à mesure que la journée avance - nous passons la nuit sur le vaste parking de Nuestra Senora del Yugo, avec vue sur toute la région et beau coucher de soleil.
Au matin, nous redescendons vers Arguedas. Au pied de la falaise qui borde le village, il y a un bel espace pour camping-cars, le long de la promenade.
Face au parking, creusées dans la falaise, les « cuevas » sont des habitats troglodytes aménagés de manière à être aussi fonctionnels et confortables quune maison conventionnelle. Un homme du coin nous append que ces maisons ont été habitées jusquil y a une bonne cinquantaine dannées. Les habitants ont été contraints de quitter les lieux pour des raisons de sécurité: lérosion poursuivant inexorablement son travail, les infiltrations rendaient le site dangereux.