Yechouroun Documentation historique:
L'an prochain à Jérusalem
Les frères jumeaux THARAUD (lire la description dans www.lesbelleslettres.com ) ont connu avec leurs nombreux reportages leur heure de succès littéraire. Représentants catholiques du nationalisme français ils usèrent dun langage franc, qui de nos jours les causerait de graves ennuis. Sans étonnement, ils ont été taxés d « antisémites » A tort, car il ne faisaient que partager les préjugés vis-à-vis des Juifs typique de leur milieu social et de leur époque. Voir dailleurs leur magnifique description de la misère du Shtetl, la bourgade Juive en Galicie, Europe de lEst, A lombre de la croix. On voit ce quil en est dans lextrait ci-dessous. Les protestations antisionistes des Musulmans de Palestine sont rendues, mélangées avec une argumentation qui ne peut pas plausiblement être la leur. Celles des chrétiens (que nous navons pas reproduites) étaient dun antijudaïsme évident. La curiosité la plus intéressante par contre est la reproduction « à peu près » (THARAUD) des paroles du Sage Rabbin Josef Chaïm SONNENFELD (originaire de Slovaquie, 1849-1932 Jérusalem, illustration) Remarquons en fin et surtout lacribie avec laquelle sont reproduits les propos blasphématoires des Sionistes en réponse aux plaintes citées ici.
Extrait de louvrage
Lan prochain à Jérusalem par Jean et Jérôme THARAUD (1925)
Ed. Plon 1930 Chapitre : Les Voix de Palestine
Leur arrivée [des sionistes] ne fit plaisir à personne, ni aux Musulmans, ni aux Chrétiens, ni aux vieux Juifs du Mur des Pleurs.
« Notre pays est-il donc un désert ? sécrient les Musulmans. M. BALFOUR a-t-il fait le miracle de supprimer dun trait de plume les six cent mille Arabes qui habitent la contrée ? Nous aussi aimons cette terre, où nous vivons depuis treize cent ans ! Jérusalem est pour nous la reine des cités, une des quatre villes du Paradis, avec la Mecque, Médine et Damas. De tous les points du monde cest le plus rapproché du ciel. Ceux qui lhabitent sont les voisins de Dieu, et mourir à Jérusalem cest mourir en Paradis
Ces juifs prétendent quen débarquant chez nous, ils reviennent chez eux le plus légitimement du monde, parce quon les a chassés dici autrefois par la violence, et que jamais la violence na créé droit pour personne. Mais eux-mêmes, jadis, se sont-ils établis dans ce pays autrement que par la conquête ? Cest la Chaldée, cest lEuphrate qui est leur patrie dorigine. Abraham lui-même se reconnaît si bien un intrus sur la terre de Chanaan, quil envoie un serviteur en Chaldée pour y trouver une épouse digne de son fils Isaac ; et la Bible est remplie des luttes de leurs rois pour semparer de la contrée. Nous nous y sommes installés à notre tour. Pourquoi notre conquête nous créerait-elle des droits moins légitimes que les leurs ? Nous vient-il à lesprit de réclamer lAndalousie, sous prétexte que durant huit siècles nous y avons développé la civilisation la plus brillante ? Pourquoi cette grande iniquité de vouloir mettre un peuple mort à la place dun peuple vivant ? Les Juifs ont-ils versé leur sang pour reconquérir ce pays ? Où sont leurs martyrs et leurs morts ? Pendant la guerre nous avons combattu aux côtés des Alliés ; ils ont fait briller à nos yeux lespoir dun vaste empire arabe, et aujourdhui, pour nous récompenser, ils nous livrent à ces étrangers ! Car cest bien cela, nest-ce pas ? Être forcé de recevoir lémigrant, être mis sur son territoire en état dégalité avec lui, se laisser imposer officiellement son langage, ce nest peut-être pas encore être soumis tout à fait, mais cest avoir déjà renoncé à être le maître chez soi. Et quand ces gens, venus on ne sait doù, nous auront envahis au nombre de deux ou trois cent mille, avec leurs ressources infinies et leur subtilité, alors que deviendrons-nous ? Leurs esclaves, leurs serviteurs dans notre propre pays. »
Et les Chrétiens, à leur tour :
«
»
Mais de toutes ces protestations, la plus surprenante à coup sûr est celle qui monte du Mur des Pleurs. Hier encore je me demandais : « Que peut-il y avoir de commun entre ces nouveaux Juifs que je rencontre partout dans la haute Jérusalem, avec leur air de conquérant et leur accoutrement bizarre, et les pieux mendiants dIsraël venus ici pour mourir ? » Je le sais maintenant : jai entendu la plainte du ghetto.
Cétait dans le quartier quhabite les Juifs hollandais. Une cour bossuée, assez vaste, avec un peu dherbe pelée et des acacias poussiéreux. Autour des maisons basses, des escaliers branlants, des balcons en bois vermoulus. On mintroduit dans une chambre fraîchement peinte de chaux bleutée, doù japerçois par létroite fenêtre, garnie de gros barreaux de fer, la pente brûlée, semée de tombes, de la vallée de Josaphat. Ici demeure le rabbin SONNENFELD, un de ces vieillards dont les pensées ont lâge de Jérusalem.
Près de lui, quon est loin de ces prophètes en veston dont ont voit les photographies dans les journaux sionistes, et qui essayent daccommoder de vagues sentiments hébraïques avec des idées empruntées aux civilisations dOccident ! Sous le triste caftan noir, il est long, maigre, interminable. Si blanc est son visage, quon distingue mal sur ses joues où la barbe commence.
Il a cette mate couleur des poulets quIsraël vide de tout leur sang et laisse, avant de les faire cuire, tremper longtemps dans leau salée. Sa voix pâle elle aussi ne sanime ni ne vibre, mais son regard a conservé léclat passionné de la jeunesse, je veux dire des temps anciens.
Ce quil ma raconté, le voici à peu près.
Mais par la fenêtre étroite, comment vous montrer tous ces morts, toutes ces blanches pierres funèbres, qui dans le silence lumineux, semblaient glisser sur la colline pour venir écouter sa voix ?...
« Nous sommes tes esclaves, ô Seigneur ! Cest la vieille Loi juive, et elle vaut pour léternité. Le jour où les Hébreux ont accepté cet esclavage, leur destin a été fixé irrévocablement. Le bien comme le mal ne peut leur venir que de Dieu. Et voilà que des insensés prétendent remplacer lEternel et rebâtir des leurs mains Jérusalem ! Leur Messie, cest M. BALFOUR ! Mais ce M. BALFOUR a-t-il chassé dici les Chrétiens et les Musulmans ? A-t-il reconstruit le Temple, réédifié le Saint des Saints, relevé lautel des holocaustes à la pointe du mont Moriah ? Croit-il avoir fait quelque chose parce quil a permis à des Juifs de sinstaller en Palestine ? Les gens pieux ont-ils attendu sa permission pour y venir ? Hélas ! linfortune des siècles pèse toujours sur la cité sainte. Et à toute lantique douleur sen ajoute une autre aujourdhui, et de nouveaux péchés aux vieux péchés dIsraël ! Partout, ces Juifs den haut, dont le visage seul est une offense à lEternel, ces Juifs rasés comme des porcs, apportent avec eux limpiété. Ils ouvrent des écoles où lon prononce tous les mots, sauf celui de Dieu. Ils emploient à tous les usages, et pour leur enseignement dun prétendu savoir, la langue sacrée de la prière, et bientôt, sils continuent, ils feront braire les ânes en hébreu ! La Ville serait encore debout si le Sabbat navait pas été violé. Mais le respectent-ils, le Sabbat ? Les voit-on dans les synagogues ? Viennent-ils pleurer au pied du Mur ? Aujourdhui ils prétendent mettre un impôt sur le pain sans levain que nous mangeons au temps de Pâque. Mais cet impôt, nous ne le paierons pas ! Nous ne nous mettrons pas dans leurs mains. LEternel, béni soit-Il ! nous a délivré du Pharaon, il nous a ramenés de Babylone et de la captivité, il nous a maintenu intact au milieu des Gentils, il nous sauvera maintenant de ces Juifs pleins dorgueil, qui ont retiré leur confiance aux promesses du Seigneur, et qui ne viennent pas ici avec le Talmud et la Thora, mais avec lévangile de Karl Marx
»
Une légère couleur rosée est montée aux joues du vieillard. Dans ce vieux visage si pâle restait une goutte de sang que la colère fait apparaître. Et me montrant de son long doigt létonnant paysage de la vallée de Josaphat et tous les siècles de morts accumulés sous les pierres :
« Les Juifs qui sont là, me dit-il, ont attendu toute leur vie le Messie. Nous aussi nous lattendons et dautres encore après nous. Mais ce nest pas des Juifs sans foi qui rebâtiront Jérusalem ! »
Et à toutes ces voix, à ces colères et à ces plaintes venues des quatre coins du ciel, le Juif Errant répond avec lorgueil de quelquun qui ne se présente pas en vaincu, mais en maître qui rentre chez lui après deux mille ans dabsence :
« Quest-ce que la Palestine pour tout esprit raisonnable ? Cest la Terre dIsraël, le pays où nous avons créé des pensées qui ont valu et qui valent encore pour lhumanité tout entière. Depuis quon nous en a chassés, nous lavons mieux occupée par nos malheurs et un désir de vingt siècles, que si tout notre peuple navait jamais cessé dy vivre. On nous demande où sont nos martyrs et nos morts. Mais notre sang nous lavons versé partout, et par une fatalité malheureuse pour tous les peuples du monde ! Les Arabes peuvent protester quils sont ici depuis treize cent ans, cest comme sils étaient là dhier. Des terres en friche, une pensée plus stérile que le sable et le roché, voilà tout le bilan de leur occupation. Quont-ils fait de la Palestine ? Quest devenue, entre leurs mains, cette terre dabondance dont il est parlé dans la Bible ? Il fait vraiment beaucoup damour pour retrouver dans cette Jézabel les beaux traits dautrefois. Et pourtant le cher vieux visage garde encore quelque chose de la beauté disparue.
Au bord de la Méditerranée, la meilleure orge du monde puisse toujours dans les paysages de Gaza. Les orangers, les amandiers et les vignes nont pas abandonné la plaine de Saron. Au pied de Nazareth, la campagne dEsdrelon produit encore en abondance le sésame et le blé. Pourquoi la vallée du Jourdain ne deviendrait-elle pas une nouvelle Egypte, avec les eaux de Tibériade habilement utilisées ? Les monts de la Judée, si âpres et ruineux, nétaient jadis du haut en bas, comme le sont encore maintenant les montagnes du Liban, quune succession de terrasses dont ont découvre à chaque pas les vestiges. Nous relèverons ces terrasses, nous referons ces jardins suspendus. Seuls, nous avons assez damour pour redonner la vie à ce vieux sol épuisé, et enfouir dans les marais et le sable un effort, des sommes immenses, que personne autre que nous ne voudrait employer ici. Partout il y a dans lunivers des terres plus fertiles et plus saines, mais pour nous autres Juifs il nen existe de plus riche et de plus salubre. En ranimant cette terre, cest notre esprit, cest notre âme que nous allons ressusciter. Au milieu des nations chrétiennes, tout occupés que nous étions de nous faire accepter, nous cessions dêtre de vrais Juifs pour devenir je ne sais quoi dodieux aux autres et dinfidèle à nous-mêmes. Et dans nos ghettos de Russie, nous nétions que des morts-vivants, liés par des prescriptions imbéciles, qui ont pu avoir leur utilité jadis, mais qui nont plus de sens aujourdhui. Le temps des SONNENFELD est passé ! Cest lui et ses pareils qui nous ont étouffés sous la lettre de la Loi, et qui ont fait de nous le peuple misérable dont vous voyez les épaves dans la basse Jérusalem. Que les Musulmans se rassurent et les Chrétiens aussi ! Nous ne venons pas ressusciter un judaïsme suranné. Qui songe parmi nous à insulter au Saint-Sépulcre, à détruire la Mosquée dOmar pour rebâtir le Temple à sa place ? Est-il un Juif de bon sens qui voudrait recommence à sacrifier là-haut des bufs, des agneaux et des colombes ? Nous avons autre chose à faire ! Le libre génie dIsraël na pas sa source quelque part, je ne sais où dans le ciel, aux pieds de Dieu, mais sur la terre de Palestine, dans le cur du peuple juif. Nous allons retrouver peut-être ce génie perdu dans lexil, et redevenir, si nous pouvons, le peuple agricole et pastoral que nous avons été autrefois.» ____________________________________________ Trouvé pour nos lecteurs, dans l'Internet:
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Jérôme Tharaud, Jean Tharaud
L'An prochain à Jérusalem !
Livre broché - 12,20 - Epuisé
Résumé | Fiche technique
Entre le reportage et le récit de voyage, Lan prochain à Jérusalem raconte, avec une liberté de ton difficilement concevable aujourdhui, la Palestine du début du siècle : au temps du mandat britannique, quand palestinien voulait dire juif ...
Sont ainsi évoqués, avec justesse et de fort pittoresque façon, la fin du règne ottoman, Herzl, les débuts du sionisme, les conflits, vite symbolisés par lopposition Tel Aviv - Jérusalem, entre ceux qui attendent tout du ciel et ceux qui ne veulent compter que sur leurs propres forces ; la renaissance de lhébreu ; la protestation arabe, linquiétude chrétienne, lindifférence du baron de Hirsch, la réticence de lAlliance Israélite Universelle, lactivisme de Ben Yehouda, le soutien dEdmond de Rothschild et lambivalence des juifs américains ; la déclaration Balfour, la folle mise sur pied du premier réseau de renseignement militaire par la famille Aronsohn, et, déjà, le peu damour porté par le Quai dOrsay à lidée même de home national juif, invention du très retors Foreign Office.
Ernest dit Jérôme Tharaud (1874-1953) et son frère Charles dit Jean Tharaud (1877-1952), proches de Péguy et de Barrès (le chantre du nationalisme français encourageait lémergence de littératures nationales ), membres de lAcadémie Française, ont beaucoup voyagé : dabord lEurope centrale puis lOrient, proche et lointain, qui les a captivés sans leur faire perdre leur capacité de jugement. Jérôme et Jean Tharaud ont consacré plusieurs ouvrages affectueux et sévères, ironiques et tendres, au monde arabo-musulman et au judaïsme.
Lan prochain à Jérusalem a été publié en 1930.
Langue français
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224 p.
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ISBN-10 2-251-78001-7
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ISBN-13 978-2-251-78001-6
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Prix 12,20
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©2008 lesbelleslettres.com
Dans LOmbre de la Croix, les frères Tharaud racontent la vie de Juifs de shtetl, pieds dans la boue, tête dans les nuées et langue bien pendue. ... www.lesbelleslettres.com/auteur/?fa=ShowAuthor&Person_ID=920 - 16k - In cache - Gelijkwaardige pagina's
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