Rabbiner Dr. Mendel HIRSCH
(1833 1900)
Humanisme et Judaïsme (première partie)
Par Dr. MENDEL HIRSCH Directeur des écoles communautaires religieuses israélites, Frankfort-on-Main.
Traduit par J. GILBERT
Préface de lauteur
Le sujet traité dans les pages suivantes a fait l'objet de plusieurs conférences données par l'auteur à la société «Ben-Usiel», qui se consacre à la tâche de cultiver et de diffuser la compréhension du Judaïsme.
Compte tenu de la diversité des conceptions confuses et tout à fait erronées de la religion Juive et des allégations formulées à son encontre comme étant une exclusivité étroite et un particularisme enragé, il ne serait peut-être pas inopportun d'accorder une diffusion un peu plus large aux vues élaborées dans ces conférences. Elles sont censées être acceptées dans un sens explicatif aussi bien que dans un sens conciliant, et devraient aider à induire un âge qui est trop enclin à souligner les choses qui divisent les hommes, à se souvenir de la hauteur et du caractère sacré des principes éthiques élevés, dans la reconnaissance de qui tous, si écartés, sont unis. Peut-être un contact plus étroit sera-t-il alors établi entre ceux qui marchent sur des chemins différents pour atteindre le même but et qui ne sont étrangers que parce qu'ils ne se comprennent pas. L'auteur sera heureux si, par ce traité sur le sujet, il peut contribuer modérément à la compréhension.
Francfort-sur-le-Main. 15 janvier 1893.
Humanisme et Judaïsme
Par le Dr Mendel HIRSCH
Vers la fin du 18ème et le début du 19ème siècle, le rationalisme était endémique et l'indifférence absolue à l'égard de tout ce qui était religieux était devenue la caractéristique essentielle de la majorité des personnes de culture. Si, à cette époque, quelqu'un avait hasardé la prédiction selon laquelle, dans cent ans, les contrastes de religion et de profession de foi seraient aussi accentués qu'aujourd'hui dans la dernière décennie de notre siècle, un tollé de colère d'indignation aurait été élevé contre un "voyant" si aveugle. Son pessimisme, révélé par son refus d'admettre les progrès de l'histoire; aurait été unanimement condamné. Le contrevenant contre la raison humaine aurait même pu subir une excommunication sociale! Mais peut-être est-ce une conclusion erronée. La simple suggestion d'une telle possibilité aurait impressionné les gens comme étant si absurde que des bavardages aussi délirants et imbéciles auraient probablement été rejetés, car ils étaient indignes de préavis.
Et pourtant, ce qui paraissait alors totalement impensable est devenu une triste réalité. Tout comme au niveau international, nos dirigeants ont jeté des regards hostiles au-delà des frontières, cherchant constamment la paix, mais prêts à frapper à tout moment et toujours prêts à conjurer ou à anticiper de prétendues attaques défensives de la part de la résistance offensive. sont rangés dans les rangs opposés, et dans peut-être un contraste encore plus net. À côté de conflits politiques spirituels, l'expression des religions et les différences sectaires semblent s'affirmer avec une férocité sans précédent.
En essayant dobtenir une étude complète de ces conditions, deux courants se dégagent entre lesquels, en raison de lextrême divergence qui les oppose, aucune réconciliation ne semble possible. Le matérialisme non moins rigide des conceptions du monde s'oppose au fanatisme inflexible. Ce contraste est en lui-même aussi vieux que les collines, mais il na été discuté dans le passé que dans les cercles étroits des érudits, illustrant ainsi les diverses doctrines de différentes écoles philosophiques, mais il est maintenant devenu la propriété commune des classes élargies. du peuple, qui ne doit allégeance quaux dogmes absolus du matérialisme. Le fanatisme d'affirmation s'oppose au fanatisme beaucoup plus funeste de la négation, qui abhorre la conception de Dieu dans toute forme d'immanence, et qui marque toute croyance en un Dieu détaché, extra-mondain, avec le stigmate du déni complet de la science
Grâce au ciel, les armes utilisées dans le passé sont devenues moins redoutables et, malgré tout, le progrès irrésistible de la civilisation s'est imposé. Pourtant, avec une dextérité de but sans scrupule, les Torquemadas de la Foi sont également égalés par l'Arbuez de l'incroyance. Entre ces extrêmes, on observe une gamme infinie dopinions dans lesquelles la foi et la connaissance, dans des combinaisons et des commutations sans cesse changeantes dorthodoxes et dhétérodoxes se mêlent dans un véritable élixir de vie.
Au milieu de ces courants de balancement et à égale distance des deux extrêmes, une communauté d'hommes silencieux, qui compte ses membres parmi toutes les nations cultivées, a pris vie et subsiste encore; été des hommes de mérite inférieur. Sans signes distinctifs, insignes ou mots de passe de reconnaissance, même sans contact personnel, ils sont liés par une étroite camaraderie spirituelle qui les élève au-dessus de toutes les frontières politiques et religieuses et au-delà de toutes limitations laïques ou temporelles. Ils travaillent ensemble dans un accord cordial, chacun dans son domaine modeste; certains dans les arts et les sciences, d'autres dans le service public ou dans la société; ou ils aspirent à ennoblir leur propre caractère; mais tous sont engagés dans la tâche glorieuse et sacrée de l'élévation de l'homme et de la promotion du bien-être humain. Ce sont ces personnes qui croient que, sans sattacher à une confession définitive de Foi, il suffit que la conscience de Dieu soit dans son cur, pour mener une vie honnête et intègre et pour accomplir son devoir de façon fidèle et loyale, promouvoir les intérêts du pays ou du cercle auquel ils appartiennent. Celles-ci suffisent pour donner à la vie toute sa joie et pour créer cette tranquillité desprit que seule peut donner la satisfaction davoir fait son devoir avec honnêteté, ce qui permet à lhomme de faire face à la fin de ses jours avec la sérénité du sage et le vertueux.
C'est ce que nous appelons le point de vue de l'humanisme pur. Lattitude que les adeptes dune stricte exclusivité religieuse peuvent adopter à légard de ce principe, estimant que le salut nest possible que par lacceptation de leur propre credo, est un sujet qui doit rester en dehors du cadre de la présente discussion, qui est: ne concerne que le principe dans la mesure où il concerne le Judaïsme.
(Humanisme et Judaïsme du Dr Mendel HIRSCH, p. 11-14 - à suivre)