Les Juifs ont-ils commis un massacre à Pourim ?
Comme nous pouvons le voir, le nouveau décret était exactement le même que le décret d'origine. En d'autres mots, le nouveau décret accordait simplement aux Juifs de faire à leurs ennemis exactement ce que ces derniers étaient censés leur faire ! Ce nouveau décret n'était donc pas une autorisation donnée aux Juifs d'exterminer gratuitement leurs ennemis, mais n'était rien d'autre qu'une contre-réponse symétrique au décret d'origine. Il accordait aux Juifs les mêmes possibilités qu'à leurs ennemis. Mais le fait que cela soit mentionné dans le nouveau décret n'indique pas que les Juifs ont bel et bien massacré femmes et enfants. En effet, nous avons vu que ce même décret autorisait les Juifs à s'emparer du butin (des possessions) de leurs ennemis. Or, la מגילת אסתר nous indique clairement que les Juifs ne l'ont pas fait6 :
וַיִּקָּהֲלוּ היהודיים (הַיְּהוּדִים) אֲשֶׁר-בְּשׁוּשָׁן, גַּם בְּיוֹם אַרְבָּעָה עָשָׂר לְחֹדֶשׁ אֲדָר, וַיַּהַרְגוּ בְשׁוּשָׁן, שְׁלֹשׁ מֵאוֹת אִישׁ; וּבַבִּזָּה--לֹא שָׁלְחוּ, אֶת-יָדָם. וּשְׁאָר הַיְּהוּדִים אֲשֶׁר בִּמְדִינוֹת הַמֶּלֶךְ נִקְהֲלוּ וְעָמֹד עַל-נַפְשָׁם, וְנוֹחַ מֵאֹיְבֵיהֶם, וְהָרוֹג בְּשֹׂנְאֵיהֶם, חֲמִשָּׁה וְשִׁבְעִים אָלֶף; וּבַבִּזָּה--לֹא שָׁלְחוּ, אֶת-יָדָם
Les Juifs, qui étaient à שׁוּשָׁן (Suse), se rassemblèrent donc encore le quatorzième jour du mois de אדר et firent périr à שׁוּשָׁן trois cents hommes ; mais ils ne touchèrent pas au butin. Les autres Juifs, établis dans des provinces du roi, s'étaient rassemblés pour défendre leur vie et se mettre à l'abri de leurs ennemis et avaient tué 75 000 de ceux qui les haïssaient, sans mettre la main sur le butin.
Nous voyons donc très clairement que les Juifs se refusèrent de tirer profit de tout ce que le roi אחשוורוש (Assuérus) leur avait pourtant permis. Bien qu'ils pouvaient s'emparer du butin de leurs ennemis, ils ne l'ont pas fait, car cela ne les intéressait pas. Les Juifs n'ont pas tué par vengeance, ni pour jouir des biens de leurs ennemis, ou pour quelque autre intérêt que ce soit. Ce ne fut que pour sauver leurs vies face à ceux qui les menaçaient qu'ils se sont battus. Ceux qui ne furent pas une menace pour eux ne furent pas tués. D'ailleurs, la majorité des Perses ne cherchèrent pas du tout à s'en prendre aux Juifs, et rien ne leur arriva ; ils ne furent ni attaqués, ni tués par les Juifs. En outre, de nombreux Perses se convertirent au Judaïsme à la suite de ces événements.7 Nous ne pouvons donc parler de vengeance, et encore moins de « massacre ». Il n'y a de ce fait aucune preuve, de quelque nature que ce soit, pouvant attester que les Juifs ont effectivement tué les femmes et les enfants. Les preuves attestent uniquement que nous ne nous en sommes pris qu'à ceux qui souhaitaient notre mort. Peut-être que cela n'est pas compatible avec la doctrine chrétienne selon quoi on devrait tendre l'autre joue, mais dans notre religion on a le droit de nous défendre lorsqu'on est menacé et attaqué, et c'est précisément ce que nous avons fait.
Comme l'ont enseigné nos Sages8 : « La תורה a dit : si un homme vient pour te tuer, lève-toi tôt et tue-le en premier ». Cet enseignement est déduit par חזל du verset de שמות 22:1, qui déclare qu'il est légitime de tuer un cambrioleur qui se préparait à commettre un meurtre. Là encore, cela pourrait ne pas être acceptable pour la religion « pacifique » des Chrétiens, mais ce n'est pas notre problème. L'histoire à travers les siècles démontre que les Juifs ne sont pas un peuple violent. Tuer est d'ailleurs interdit par la תורה, excepté dans les cas d'autodéfense (et d'autres rares cas). Et c'est uniquement dans ce cadre-là que les Juifs ont tué leurs ennemis.
Le seul fait qu'ils ne se sont pas emparés des biens de leurs ennemis, alors qu'ils y avaient droit d'après le décret royal, indique clairement qu'ils ne considéraient pas cette bataille comme une bataille ordinaire de survie. Ils la percevaient plutôt comme n'étant rien d'autre qu'une bataille d'autodéfense, et qu'ils ne devaient donc pas dépasser ce cadre-là. Par conséquent, ils n'ont touché ni aux femmes, ni aux enfants, ni aux possessions matérielles de leurs ennemis. Cela montre également à quel point les Juifs se sentaient bien en Perse, malgré cette menace de המן, ce qui fait qu'ils n'avaient pas d'animosité envers les Perses et leurs biens, mais seulement envers ceux qui en voulaient à leurs vies.
Dans toute chose, il faut mettre la passion de côté et analyser les faits avec un regard objectif. Pourim n'est donc pas la célébration d'un massacre, car de massacre il n'y en a pas eu !
1Bleek, Introduction à l'Ancien Testament, Volume 1, page 450
2Gladden, Qui a écrit la Bible, page 164
3 אסתר 8:11
4Ibid., verset 3
5Ibid., 3:13
6Ibid., 9:15-16
7Ibid., 8:17
8תלמוד, Barokhôth 58a
N.B. Ce site http://meqorhayim.blogspot.be/ propose une autre interprétation quant à la הלכה למעשה. Bien entendu, chacun doit suivre les autorités de sa communauté.