A lapproche de Yom Kippour, nous vous proposons un exposé rabbinique de haute qualité du savant talmudique Reb Moshe Yéhouda ZILBERSTEIN שליט"א.
Les trois questions qui furent posées à Hillel
La גמרא nous raconte l'histoire remarquable de deux hommes qui parièrent une très large somme d'argent qui reviendrait à celui d'entre eux deux qui parviendrait à mettre en colère הלל הזקן ז״ל (Hillel l'Ancien, de mémoire bénie). הלל était connu pour son extraordinaire patience, et les deux hommes se lancèrent dans une compétition pour voir lequel parviendrait à lui faire perdre son calme.
L'un d'eux se rendit chez הלל un Vendredi, alors que הלל prenait son bain pour se préparer au שבת. De l'extérieur, il appela הלל, qui s'empressa de s'envelopper dans une tunique et alla ouvrir la porte. L'homme dit à הלל qu'il avait une question à lui poser : « Pourquoi les têtes des Babyloniens sont-elles rondes ? ».
הלל répondit : « Tu as posé une excellente question ! », et il lui expliqua que les sages-femmes en Babylonie étaient ineptes, et que leur incompétence lorsqu'elles aidaient une femme qui accouchait était la cause de ces têtes à la forme étrange.
הלל retourna dans son bain, et le même homme frappa à nouveau à la porte. Cette fois, il demanda à הלל pourquoi les habitants de Tarnoud avaient une vue pitoyable. Là encore, הלל complimenta l'homme pour son « excellente question », et lui expliqua que ces gens vivaient « dans des régions sableuses », ce qui affectait leurs yeux. L'homme frappa une troisième fois à la porte pour demander à הלל pourquoi les Africains avaient de gros pieds. הלל répondit que ces gens vivaient près des eaux, et cela rendaient larges leurs pieds.
À première vue, cette histoire est racontée simplement pour démontrer la patience et l'humilité sans limite de הלל, qui répondit calmement et respectueusement aux questions ridicules qui lui étaient posées, alors qu'il se dépêchait de terminer ses préparations du שבת le Vendredi après-midi. Rien que cela suffirait à être inspirant et instructif, plus particulièrement en cette période des עשרת ימי תשובה (dix jours de repentance). Mais en y regardant de plus près, ces trois questions sont profondes, et les réponses données par הלל sont d'une grande pertinence pour cette période cruciale de l'année.
Lorsque la גמרא raconte que cette histoire s'est déroulée à ערב שבת, ce pourrait très bien vouloir dire qu'elle a eu lieu la veille du grand שבת, c'est-à-dire יום כיפור, que la תורה appelle שבת שבתון. Dans les dernières heures avant הלל, יום כיפור « prenait son bain », c'est-à-dire qu'il s'adonnait au processus de purification qui doit nous occuper toute la journée durant ce temps. Et c'est en ayant cela à l'esprit, c'est-à-dire ses préparations intensives de יום כיפור, que הלל répondit aux questions de cet homme.
La première question se rapportait aux « têtes rondes » des Babyloniens. Ailleurs, la גמרא décrit les Babyloniens comme des gens « insensés », parce qu'ils mangeaient « du pain avec du pain ». Cela a été expliqué comme voulant dire que les Babyloniens menaient leurs vies comme un cycle interminable de travail et de consommation. (Comme dans notre génération, où les gens ne pensent qu'à travailler, amasser de l'argent, et consommer.) Ils travaillaient pour manger, et mangeaient pour travailler ; ils travaillaient pour gagner de la פרנסה qu'ils utilisaient pour manger afin d'avoir l'énergie de travailler le lendemain. Leurs vies étaient « rondes », tournant incessamment dans ce cycle, sans but, objectif ou signification. הלל expliqua que c'est le résultat des « sages-femmes » incompétentes. Or, nous savons que « sage-femme » est un euphémisme régulièrement employé par חז״ל pour désigner ceux qui sont censés guider et uvrer au développement du peuple, tout comme une sage-femme guide un bébé hors du ventre. Les רבנים ont échoué dans leur responsabilité de guider et inspirer le peuple à trouver un sens plus élevé à leurs vies, et c'est ainsi que les gens se sont retrouvés coincés dans une course de rats incessante, sans se pauser afin de contempler et réfléchir sur le but de tout cela.
Les habitants de Tarnoud sont décrits ailleurs, dans la גמרא, comme une société immorale et hédoniste, et la question fut donc posée quant aux raisons pour lesquelles leur « vue », c'est-à-dire leur perception de la vie, était si « pitoyable ». Ils considéraient la vie comme n'étant rien d'autre qu'une opportunité de s'adonner aux plaisirs, et c'est ce à quoi ils passaient leur temps. הלל expliqua que c'est parce qu'ils vivaient dans le חול (« sable »), un terme qui signifie également « profane » ou « jour de la semaine ». Ces gens n'avaient pas l'avantage du שבת, qui refocalise notre attention sur השם ית׳ et la spiritualité, nous rappelant que la vie est bien plus que les plaisirs et la complaisance. Celui qui ne vit que dans le חול, sans expérimenter le plaisir spirituel du שבת, a une perspective pitoyable de la vie, pensant que la satisfaction ne peut être atteinte que par des plaisirs matériels, physiques ou charnels.
Enfin, הלל traita de la question des « gros pieds » des Africains. Les « gros pieds » sont un euphémisme employé par חז״ל pour désigner la richesse. Ailleurs, חז״ל font effectivement remarquer que les « pieds » sont le symbole des possessions matérielles d'un individu, puisqu'ils lui permettent de « tenir debout », c'est-à-dire pourvoir à ses besoins. Les Africains avaient de « larges pieds » parce que, comme l'expliqua הלל, ils vivaient près de « l'eau », qui est un euphémisme bien connue pour désigner la תורה. Le secret de la réussite matérielle est de s'adonner régulièrement et assidûment au לימוד תורה, comme nous l'apprenons de la célèbre משנה de אבות, où il est dit : אם אין קמח אין תורה, אם אין תורה אין קמח « S'il n'y a pas de farine, il n'y a pas de Tôroh ; s'il n'y a pas de Tôroh, il n'y a pas de farine ! ». Évidemment, nous devons travailler pour gagner notre vie (d'où le fait que la משנה commence par dire אם אין קמח אין תורה « S'il n'y a pas de farine, il n'y a pas de Tôroh ! » Si l'on n'a rien à manger, on ne pourra pas étudier sereinement et librement la תורה), mais la clef de la réussite réside dans le temps consacré chaque jour au לימוד תורה (c'est pour cela que אם אין תורה אין קמח « s'il n'y a pas de Tôroh, il n'y a pas de farine »).
C'est à tout cela que nous devrions réfléchir pendant que nous prendrons nos « bains » et tenterons de nous purifier en préparation de יום כיפור. Alors que nous réfléchissons et faisons un compte rendu de nos vies, nous devons nous demander si nous vivons pour un but supérieur, si nos priorités sont bien ordonnées, et si nous mettons suffisamment de temps de côté, chaque jour, pour le לימוד תורה. À travers cette הלל, גמרא nous enseigne que beaucoup d'entre nous gâchent leurs vies, les passant à courir derrière la richesse et les plaisirs, sans prendre le temps de penser à un objectif plus élevé et significatif.
Maintenant, durant cette période des עשרת ימי תשובה, avant יום כיפור, c'est là que nous avons besoin de nous arrêter pour réfléchir sur ce que devraient être nos objectifs, et quels sont les changements que nous devrions consentir à faire pour les atteindre
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