par Thomas Deflo, 16/05/2006, Anvers
Sources
O r i g i n e
Après la deuxième guerre mondiale, la
CIA (Central Intelligence Agency) activait des groupes soi-nommé 'stay
behind', qui, sous l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord), devaient sauvegarder l'influence
américaine en Europe, et contrer des groupes communistes/de gauches au cas où
ceux-ci gagneraient trop de popularité. Ainsi, la dominion américaine sur le
podium mondial -- après la victoire sur les Allemands, et surtout contre
l'influence de la Russie -- devait rester intact. Ces groupes 'stay behind'
furent construits au nord dans les pays scandinaves; au midi en Italie ; et,
considérant son role pivotant, la Belgique ne pouvait pas manquer à l'appel.
Ils était baptisés sous le mot italien 'Gladio' ou 'épée', un symbole fasciste
classique.
Peux dans le gouvernement belge étaient au
courant de l'existence des réseaux Gladio. Et le secret était absolu. Premier
Ministre Wilfried Martens à une conférence de presse le 9/10/1990 : « Je
suis premier ministre depuis onze ans, mais je ne savais absolument rien de
l'existence dans notre pays d'un tel réseau secret. » Le Ministre de Défense Guy
Coëme y ajoute : « Bien sur, il est anormal que je n'était pas informé sur
ce réseau durant ma mise en fonction. La Guerre Froide est depuis longtemps
derrière nous, et les événements récents dans les pays de l'Est indiquent
clairement qu'un tel réseau est totalement dépassé. C'est un anachronisme qu'il
vaudrait mieux abolir. » Le membre du parlement Hugo Van Dienderen a des
suspicions: « Ce réseau secret faisait plus que se préparer pour une guerre
contre une menace communiste. (...) Des agents essayaient d'infiltrer les
mouvement de la paix. Certains groupes américains cherchaient à les contacter.
(...) Un ancien directeur de la CIA ne laissait pas de doute que leurs
services de renseignements étaient à la base de ces réseaux. » En effet, ceci
fut admis par William Colby, ancien directeur de la CIA, dans son
autobiographie. Durant la même période, l'existence d'un groupe-Gladio était
reconnu par le chef d'état italien Giulio Andreotti. Celui-ci admet que
de tels opérations étaient maintenu par des services militaires de l'OTAN, et
que ces groupes se faisaient financer par la CIA.
S t r a t é g i e
A travers les résultats pratiques des
réseaux-Gladio coule une longue trace de sang inutile, qui possède une
légitimité que dans le regard aliéné et cruel des services secrets américains.
Dans un rapport des services secrets italiens on lisait : « La réaction se base
sur deux méthodes parallèles : l'action psychologique et le terrorisme. Une
telle réaction se fait définir comme la guerre contra-révolutionnaire. » En d'autres
mots : gardez la population divisée, dans la peur et incertaine, pour
qu'ensuite elle puisse apprécier la nécessité d'une dominion par les services
de renseignements, et que l'appareil d'Etat abandonnerait volontairement sa
souveraineté à ces services.
En 1968, dans le capo Marrargiu en
Sardine, une base de l'OTAN servira à l'entraînement des premiers groupes
anti-communistes. Ils sont instruits dans la propagande, la désinformation, les
techniques de guérilla et des actes de sabotage. La signature de la CIA est
claire. Les murs des salles d'entraînement affichent le slogan 'Je sers la
liberté en silence'. On estime qu'en six ans de temps pas moins de 4000 agents
européens compléteront leur stage dans ce camp. Plus tard, la commission
rogatoire italienne sur le terrorisme reconnaîtra l'existence de la base. Un
document de 1970 resurgit du ministère de défense américain, signé par le
général Westmoreland, chef de l'armée américaine, qui décrit précisément
la stratégie de l'OTAN en Europe. Par le moyen des services secrets, elle
tenait à mettre en place des activités
par l'extrême-gauche ainsi que par l'extrême-droite, afin de faire
croire à l'opinion publique que l'idéologie communiste ne pouvait être freinée
que par des moyens militaires américaines. Le document contient les
recommandations suivantes : « Dans nombreux pays les supérieurs ont la
mentalité conservatrice, par leur descendance familiale ou par leur éducation.
Ceci leurs rend susceptible à la doctrine anti-révolutionnaire. Les services secrets
de l'armée américaine doivent posséder les moyens de démarrer des opérations
spéciales qui convainquent le gouvernement et l'opinion publique de la
nécessité de réagir. Ils doivent essayer d'infiltrer des milieux
révolutionnaires et ensemble mettre en place des actions spéciales. » La
paranoïa des américains est tangible ; au cas où les gouvernements européens
manquent de reconnaître le danger communiste, « les groupes doivent passer à
l'action, violente ou pas, dépendent du cas.» A la fin on peut lire: « Si
l'infiltration des cercles révolutionnaires ne réussit pas, la manipulation
d'organisations d'extrême-gauche peut tout-de-même aider à réaliser le but.
»
L'année 1969 donnera l'exemple parfait de
la terreur qui allait envelopper la Belgique. Au cours de l'année, l'Italie fut
terrorisée par 145 attentats. Des innocents perdent la vie en masse. Pendant
des années, la SID (Servizio Informazione Difesa), en essayant de résoudre les
crimes, poursuit en vain la piste de rebelles de gauches ou anarchiques.
Finalement, les chercheurs poursuivent la piste d'extrême droite, ce qui en
1974 mène à des inculpations à l'adresse du directeur de la Sûreté même, le
général Miceli.
En suite -- suivant ce même scénario
américain -- commencera l'épisode sanglante de terreur d'extrême gauche sous le
nom des Brigades Rouges (un terme tout aussi stéréotype que les 'Cellules
Communistes Combattantes'). Leur assassinat politique d'Aldo Moro, un
homme de conviction progressiste, est étonnant. Certains juges suspectent ouvertement
l'implication de la sécurité d'état italienne dans les attaques. En suite, lors
des attentats de bombes, on constate que les explosifs utilisés n'existent que
dans les cercles militaires. Ceci est confirmé par des 'insiders' avec des
remords. Dans une interview en Mars 2001 dans le journal britannique The
Guardian, le général Maletti, chef de contre-espionnage italienne de
1971 à 1975, ne laisse aucun doute :
["US
intelligence services instigated and abetted rightwing terrorism in Italy
during the 1970s, a former Italian secret service general has claimed. The
allegation was made by General Gianadelio Maletti, a former head of military
counter-intelligence, at the trial last week of rightwing extremists accused of
killing 16 people in the bombing of a Milan bank in 1969 - the first time such
a charge has been made in a court of law by a senior Italian intelligence
figure. Gen Maletti, comannder of the counter-intelligence section of the
military intelligence service from 1971 to 1975, said his men had discovered
that a rightwing terrorist cell in the Venice
region had been supplied with military explosives from Germany.
"Those
explosives may have been obtained with the help of members of the US
intelligence community, an indication that the Americans had gone beyond the
infiltration and monitoring of extremist groups to instigating acts of
violence," he said. "The CIA, following the directives of its
government, wanted to create an Italian nationalism capable of halting what it
saw as a slide to the left and, for this purpose, it may have made use of
rightwing terrorism," Gen. Maletti told the Milan
court. "I believe this is what happened in other countries as well."
Gen. Maletti's role at the heart of the complex intrigues makes him an
illuminating witness. "Italy
must clarify the mysteries of that time if it is to recover its national
dignity and sovereignty," he said. "Among the larger western European
countries, Italy
has been dealt with as a sort of protectorate. I am ashamed to think that we
are still subject to special supervision."]
Bref, la vague de terreur qui enveloppe
l'Italie suit parfaitement le scénario-Gladio. Qu'il existe un lien entre la
terreur italienne et la CIA, comme le général Marcelli indique, était déjà
connu auparavant. En 1976 a eu lieu aux Etats-Unis une commission rogatoire
dirigé par le sénateur Pike. On peut lire dans leur récits que
l'ambassade américaine à Rome avait payé un haut fonctionnaire des services
secrets italiens, pour qu'un groupe d'extrême droite puisse détrôner le gouvernement
et le remplacer par un régime plus favorable. En 1983, les services de
renseignements italiens publient une étude sur le trafic d'armes international.
On peut y lire qu'en 1969, avec l'accord d'Alexander Haig et Henri
Kissinger (à ce moment chef-adjoint et président du Conseil de Sécurité
Nationale), la Sûreté d'Etat italienne avait recruté quatre cents officiers
militaires au sein de l'ainsi-nommé loge-P2. Ceci sera confirmé plus tard par Richard
Brennecke, un ex-agent de la CIA, dans une interview télévisée.
L'ex-agent sait de quoi il parle,
puisqu'il opérait au sein du réseau Gladio même comme transporteur
d'armes. Brennecke déclare que le gouvernement américain dépensait
mensuellement pas moins que $10 million à cette opération. « On a utilisé la
loge durant les années '70 (...) afin de faire éclater le terrorisme en Italie,
et dans d'autres pays. Cette loge est toujours active. » dit Brennecke à la
commission.
En 1980, un attentat dans la gare de
Bologne fait 85 morts. L'équipe d'investigation sur l'attentat ne formule sa
conclusion qu'en 1986, après des années de sabotage par la Sûreté d'Etat
italienne : qu'une structure privée existe en Italie composé de militaires et
de citoyens collaborant, avec comme but d'influencer la démocratie par des
moyens non-démocratiques. Pour atteindre ce but, le groupe se sert des
attentats organisés par des mouvements néo-fascistes. « Il constitue une forme
de gouvernement invisible, dans lequel la loge-P2, certains niveaux des
services secrets, le crime organisé et le terrorisme sont intimement connecté,
» concluent les juges. Des investigations suivantes arrivent à une conclusion
similaire : « Pendant des années, un groupe clandestin, avec des connections
extra-institutionnelles, a opéré dans notre pays avec comme but le
conditionnement politique de la démocratie, et l'acquisition du pouvoir
personnel. Afin de réaliser ses buts, ce groupe utilisait le terrorisme.»
B e l g i q u e
Le 16 août 1983, la police de la commune
de Forêt intervient dans une querelle entre un certain Marcel Barbier et
son frère. Barbier menace des citoyens avec un fusil - un fait peu commun dans
la capitale belge. Pendant l'investigation, les agents de police, après avoir
arrêté Barbier, entrent et font une découverte étonnante dans son domicile rue
de Parme: les agents tombent sur un sac contenant des dizaines de
messages-télex 'OTAN' et 'confidentiel', venant du centre de commande de l'OTAN
à Evère. Ce qui aurait du être une visite routine mènera à la découverte d'un
des indicateurs les plus remarquables que les Tueurs de Brabant recevaient
leurs ordres des cercles des services de renseignements américains. Le
lendemain, sous pression policière, Barbier admettait être membre du Front de
la Jeunesse, une milice notoire avec des convictions profondément néo-nazi et
des activités paramilitaires. Barbier admettait faire parti d'un réseau de
pouvoir international, duquel il refusait de divulguer le nom. Il parait
probable qu'il fait allusion à l'OTAN ou la CIA, les deux géants organisateurs
impliqués dans la stratégie-Gladio. Marcel Barbier faisait parti du groupe
Westland New Post, une organisation de conviction fasciste créé par Paul
Latinus et Christian Smets - deux agents importants de la Sûreté
d'Etat. Latinus (qui en 1981 s'était couronné maréchal de la WNP) avait, sous
les ordres de la Sûreté d'Etat, souvent infiltré des mouvements de gauche
pacifistes, et Christian Smets (qui tenait le rang de colonel du WNP) était
commissaire à la Sûreté d'Etat. Tous les deux sont largement impliqué dans le
dossier des Tueurs de Brabant et de la CCC. A Forêt, Barbier admettait
tout-cela pendant son arrestation, au matin suivant l'épisode gênant avec son
frère.
Que la Sûreté d'Etat est impliqué dans
l'organisation des attentats meurtriers des Tueurs de Brabant laisse peu de
doute. Quand Jean Bultot, soupçonné membre des tueurs, fut
questionné dans son refuge au Paraguay, il précise que certains des Tueurs
faisaient parti de la Sûreté d'Etat. Il ajoute, tan dis que personne ne lui
l'avait demandé, que les activités de la CCC avaient suivi une même formule.
Après son retour en Belgique il était moins bavard et révoquait vite ses
déclarations. Robert Beijer -- un membre possible des Tueurs -- sous
pression des investigateurs, fera des déclarations similaires. Il disait
littéralement : « Il doit exister une sorte d'organisation entre des membres de
la Sûreté d'Etat, la gendarmerie et les parquets. A mon avis, les attentats de
la CCC font parti d'un même plan. Un des endroits cachés de la CCC était loué
par un frère d'un membre de la Sûreté d'Etat. »
Que la CIA essaye traditionnellement
d'incorporer des services de renseignements étrangères sous son aile, est un
secret bien gardé. Qu'elle sème la terreur ensuite devient de plus en plus évident.
Partout au monde, ceci menait à une vague incroyable d'opérations sanglantes en
Amérique Latine, Asie, Afrique mais aussi en Europe. La Sûreté d'Etat belge
accusait systématiquement l'extrême gauche des actes de terreur en Belgique,
tan dis qu'il est clair qu'elle-même était impliquée. En 1985, malgré des
protestations jamais-vus par l'opinion publique, des missiles nucléaires de
l'OTAN se font installer sur le territoire belge. La terreur politique avait
finalement atteint son but.
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Dédié aux journalistes
Sergio Carozzo (1959-2004) et Hugo Gijsels (1950-2004). Ils enquêtaient le
thème ci-dessus, ainsi que d'autres dossiers liés aux services de renseignement. Tous les deux meurent en 2004 suite à une soudaine crise cardiaque. Tous les deux étaient seul à la maison.
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Sources:
- Ressources Gladio sur Wikipedia, Parallel History Project et Statewatch.
- Sergio Carrozzo, L'énigme des Tueurs Fous du Brabant, Le Monde Diplomatique, Août 2001.
- Hugo Gijsels, Netwerk Gladio, Kritak, 1991.
- Dossier Tueurs de Brabant, Résistances.be
- Daniele Ganser, Terrorism in Western Europe: An Approach to NATO's Secret Stay-Behind Armies, Frank Cass, London, 2004 (PDF) (synopsis).
- Jan Willems (ed.), Gladio, EPO, 1991.
- David Hoffman, A Strategy of Tension, The Oklahoma City Bombing and the Politics of Terror, Feral House, 1998.
- Mark Zepezauer, The CIA's Greatest Hits, Operation Gladio, Odonian Press, 1994.
- Jos Van der Velpen, De CCC: de staat en het terrorisme, EPO, 1988.
- Terrorists 'helped by CIA' to stop rise of left in Italy, The Guardian, 26 mars 2001.
- Het Spiegelpaleis van de Gladiatoren, Georges Timmerman, De Morgen, 14 mai 2005 (PDF).
16-05-2006 om 00:00
geschreven door thomasdeflo 
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