Turquille
La Turquie, en forme longue la république de Turquie (en turc : Türkiye et Türkiye Cumhuriyeti
Est un pays transcontinental situé aux confins de lAsie et de lEurope.
Elle a des frontières avec la Grèce et la Bulgarie à louest-nord-ouest, la Géorgie et lArménie à lest-nord-est, lAzerbaïdjan (Nakhitchevan) et lIran à lest, lIrak (Gouvernement régional du Kurdistan) et la Syrie à lest-sud-est. Il sagit dune république à régime présidentiel dont la langue officielle est le turc. Sa capitale officielle est Ankara depuis le 13 octobre 1923. La Turquie est bordée au nord par la mer Noire, à louest par la mer Égée et au sud-ouest par la partie orientale de la mer Méditerranée : le bassin Levantin. La Thrace orientale (Europe) et lAnatolie (Asie) sont séparées par la mer de Marmara.
Les détroits du Bosphore (à lest-nord-est) et des Dardanelles (à louest-sud-ouest) relient respectivement cette mer à la mer Noire et à la Méditerranée. Ces deux bras de mer forment ce quon appelle les Détroits.
La Turquie possède une partie de son territoire en Europe par la Thrace orientale (qui équivaut à 3 % de sa surface territoriale mais qui représente 14 % de sa population, soit plus de 10 millions de personnes7). Par sa localisation géographique, pays dAsie avec une petite portion sur lEurope, au carrefour des axes Russie Méditerranée et Balkans Moyen-Orient, sur lantique route de la soie, aujourdhui sur le tracé doléoducs dimportance stratégique, cette région a toujours été un carrefour déchanges économiques, culturels et religieux. Elle a fait le lien entre lOrient et lOccident, doù sa position géostratégique de premier plan qui se renforce au vu des évènements politiques qui secouent tant le Moyen-Orient que le marché des hydrocarbures ou les tensions liées au problème de leau.
La Turquie moderne, fondée sous limpulsion de Mustafa Kemal Atatürk en 1923 sur les ruines de lEmpire ottoman, défait à la suite de la Première Guerre mondiale et entaché par les génocides arménien, assyrien et grec pontique, est une république parlementaire, laïque, unitaire et constitutionnelle. Depuis 1945, elle na eu de cesse de se rapprocher de lOccident en se joignant, par exemple, à des organisations de coopération : lOTAN, lOCDE, lOSCE, le Conseil de lEurope ou le G20.
La Turquie est officiellement candidate depuis 1963 à lentrée dans la Communauté économique européenne (CEE), lactuelle Union européenne (UE), avec qui elle a conclu un accord dÿunion douanière en 1995, en vigueur depuis 1996. Les négociations pour lentrée de la Turquie dans lUE sont officiellement en cours depuis 2005. Parallèlement, la Turquie a su conserver des liens privilégiés avec les pays à population majoritairement musulmane comme elle, ainsi quavec le Moyen-Orient et lAsie centrale en participant notamment à lOrganisation de la coopération islamique, lOrganisation de coopération économique, et lOrganisation des États turciques.
Étymologie
La « Turquie » se dit Türkiye en turc. Ce nom peut être divisé en deux composants : lethnonyme Türk, et le suffixe -iye, signifiant « possesseur », « pays de » ou « de la même famille que » (dérivé du suffixe arabe -iyya, similaire aux suffixes grec et latin -ia). Le premier usage enregistré du terme Türk ou Türük comme auto-dénomination se trouve dans les inscriptions en Orkhon des Göktürks (Turcs bleus, cest-à-dire « célestes » en turc) dAsie centrale (env. viiie siècle apr. J.-C.). Tu-kin est enregistré depuis 177 av. J.-C. comme nom donné par les Chinois aux gens vivant au sud des montagnes Altaï dAsie centrale.
Le mot français « Turquie » vient du latin médiéval Turquia ou Turchia (env. 1369), de Turcus (turc), qui vient lui-même du grec byzantin Τοῦρκος, issu du persan et de larabe ترك.
Le 31 mai 2022, sur demande de la mission permanente de Turquie, lÿONU adopte le nom local « Türkiye » en français et dans les autres langues officielles8,9. Le nom est également adopté en français par lÿOrganisation internationale de normalisation
Empire seldjoukide et premiers Turcs dAnatolie
Les Turcs, peuple nomade originaire des plaines de Mongolie à celles de lAsie centrale, ont connu un vaste et continu mouvement démigration vers louest du continent asiatique. Organisés en tribus et en fédérations de tribus non exclusivement turques, ils ont constitué au cours du temps des royaumes (comme celui des Göktürk ou Turcs célestes) plus ou moins vastes et plus ou moins durables. La première fois que lhistoire retient le nom des Turcs au Moyen-Orient, cest en tant que mercenaires du califat abbasside, quils dirigent de fait dès le xe siècle. Les Seldjoukides, des Turcs oghouzes, fondent un empire qui sétend des plaines dAsie centrale jusquà lAnatolie. Les invasions mongoles de Gengis Khan ruinent lEmpire seldjoukide, déjà mis à mal par les croisades et des luttes internes.
Ottoman Empire (1299 à 1923)
Articles détaillés : Empire ottoman, Janissaire et Mehter.
Bataille de Nicopolis (1396). Carte des conquêtes de lEmpire ottoman jusquen 1683.
En 1299, le sultan oghouz Osman Ier conquiert la ville byzantine de Mocadène. Cet événement est considéré comme le début de lEmpire ottoman. Dès lors, lEmpire ne va cesser daccroître son territoire et il atteint son apogée au xvie siècle sous le règne de Soliman le Magnifique11.
Les Balkans sont conquis dès la fin du xive siècle et la Serbie est entièrement annexée en 1459. 1453 voit la prise de Constantinople par les troupes du sultan Mehmet II. Cest la fin de lEmpire byzantin.
Cest à cette époque que de nombreux chrétiens slaves, grecs ou arméniens, pauvres et démunis, se convertissent à lislam pour ne pas payer le haraç (impôt sur les non-musulmans) et deviennent ottomans.
Au xvie siècle, lEmpire trouve sa place dans le jeu diplomatique européen où il est un allié traditionnel de la France, dans une alliance de revers contre les Habsbourg dès le règne de François Ier. La défaite de lEmpire à la bataille de Lépante en 1571 porte un premier coup à la puissance ottomane.
LEmpire décline à partir du xviie siècle. La défaite à la bataille de Vienne de 1683 marque le début du déclin effectif et des premières pertes territoriales. Au xixe siècle, lEmpire désagrégé tente de se reconstruire en se modernisant par de nombreuses réformes. Mais cette période de réformes, appelée Tanzimat, sachèvera en 1876 sans empêcher la perte de lÉgypte, après celle de la Grèce, et de lAlgérie des années bien avant. Au cours du siècle, ce sont les Balkans qui retrouvent leur liberté. Dans le même temps, les populations arméniennes se révoltant pour obtenir davantage de droits et de libertés deviennent un véritable problème au sein de lEmpire. Le sultan Abdülhamid II ordonne de les massacrer entre 1894 et 1896. Les massacres hamidiens font 200 000 victimes arméniennes12.
En 1912, à lissue de la guerre italo-turque, lEmpire ottoman perd la Tripolitaine et la Cyrénaïque (Libye) ainsi que Rhodes.
En 1913, la défaite de la Première guerre balkanique amène les Jeunes-Turcs (Parti Union et Progrès) au pouvoir. À linstigation de ceux-ci, lEmpire ottoman entre en guerre en 1914 aux côtés de lAllemagne et ses alliés.
En 1915, face aux menaces russe (campagne du Caucase) et franco-britannique (débarquement des Dardanelles), le noyau dur du parti, et notamment Talaat Pacha, met en place et organise, entre 1915 et 1917, le génocide arménien qui coûte la vie, selon une majorité dhistoriens, à 1,2 million dArméniens dAnatolie et du haut-plateau arménien13, soit les deux tiers de la population arménienne locale, sans que les puissances occidentales interviennent. Le génocide arménien est parfois qualifié de « premier génocide du xxe siècle »14.
Le palais de Topkapı est un palais dIstanbul, en Turquie. De 1465 à 1853, il est la résidence de ville, principale et officielle, du sultan ottoman.
Le 13 octobre 1918, les dirigeants Jeunes-Turcs sont écartés du pouvoir. Larmistice de Moudros signé le 30 octobre avalise la défaite militaire de lEmpire ottoman et son démembrement. Le 12 novembre, les troupes britanniques, françaises et italiennes entament loccupation de Constantinople (1918-1923).
Guerre dindépendance (1919-1923) : fin de lEmpire et traité de Lausanne
Le 10 août 1920, mettant officiellement un terme à la Première Guerre mondiale, le traité de Sèvres partage
lÿEmpire ottoman ; il prévoit un Kurdistan autonome et une Arménie indépendante, attribue la Thrace orientale et la région de la mer Égée à la Grèce et met les territoires arabes sous contrôle de la France et du Royaume-Uni.
Entre 1920 et 1923, Mustafa Kemal Atatürk mène la guerre républicaine destinée à récupérer une grande partie des territoires perdus par le traité de Sèvres.
La déposition de Mehmed VI, dernier sultan ottoman et avant-dernier calife du monde musulman, intervient le 1er novembre 1922.
Le 24 juillet 1923, le traité de Lausanne annule le traité de Sèvres en attribuant toute lÿAnatolie et la Thrace orientale à la Turquie. La minorité grecque de Turquie fait lobjet dun échange de populations avec la minorité turque de Grèce (1,6 million de Grecs dAnatolie contre 385 000 musulmans de Grèce). Toutefois, sont exclus de léchange de populations les habitants grecs de Constantinople et des îles dImbros et Tenedos, ainsi que les habitants musulmans de la Thrace occidentale15 ; les derniers Arméniens sont chassés, sauf à Istanbul.
Le 29 octobre 1923 est instituée à Ankara la Turquie moderne, républicaine et indépendante. Les 6 principes de la République de Turquie : « lÿÉtat turc est républicain, nationaliste, populiste, étatiste, laïc et réformateur » (Türkiye Devleti, Cumhûriyetçi, Milliyetçi, Hâlkçı, Devletçi, Laik ve İnkılâpçıÿdır), les « six principes dÿAtatürk »
République de Turquie (depuis 1923)
Article détaillé : Histoire de la Turquie.
La révolution kémaliste parachève le mouvement initié par les Jeunes-Turcs à travers la création dun État unitaire, la république de Turquie. Le mouvement révolutionnaire prend racine en Anatolie, y compris dans les parties occupées par la Grèce, la France ou lItalie17. Il redéfinit lidentité nationale turque et réduit la dimension religieuse à un islam sunnite étroitement contrôlé et régulé par lÉtat. Des communautés musulmanes non sunnites comme les alevi bektachi18 ou non turciques comme les Lazes et les Kurdes19 jouent un rôle de premier plan lors de la guerre dindépendance. Toutefois, les différents partis politiques qui se succéderont à la tête de lÉtat nintègreront pas le caractère pluriel de la révolution turque dans les textes fondateurs du nouvel État. En revanche, pour récompenser leur rôle actif lors de la guerre dindépendance, Mustafa Kemal Atatürk accordera aux femmes turques le droit de vote et déligibilité en 1930, pour les élections municipales, et en 1934 pour les élections législatives
Premier président de la République turque en 1923, Mustafa Kemal, dit Atatürk, : a fait de son pays une démocratie laïque et occidentalisée. Premier président de la République turque en 1923, Mustafa Kemal, dit Atatürk, a fait de son pays une démocratie laïque et occidentalisée.
Alors quErdogan a été réélu président en mai 2023, le pays va fêter le centenaire de sa République, façonnée par Mustafa Kemal Atatürk, le 29 octobre. Rencontre avec Hamit Bozarslan, historien et politologue.
Hamit Bozarslan, historien et politologue, est enseignant à lÿEHESS. Spécialiste de la Turquie contemporaine et de la question kurde, il est lÿauteur dÿHistoire de la Turquie : de lÿEmpire ottoman à nos jours (éd. Tallandier).
Ça Mintéresse Histoire : Quelle est la situation de lÿEmpire ottoman, ancêtre de la Turquie, à la fin de la Première Guerre mondiale ?
Il sort dune série de conflits qui ont commencé en 1912 avec les guerres balkaniques. Lempire sest ensuite engagé aux côtés de lAllemagne en octobre 1914, sans aucune provocation de la part des alliés. Cette période est également marquée par le génocide des Arméniens, qui a débuté en avril 1915, mais aussi par lÿextermination dautres communautés chrétiennes, dont les Assyriens. En 1918, le pays se trouve donc face à un bouleversement total, aussi bien démographique, économique que géographique. Lÿempire est exsangue et le sultan signe le Traité de Sèvres, le mettant sous tutelle occidentale. Un mouvement de résistance est mené notamment par Mustafa Kemal, partisan de lindépendance turque. Il fait partie du groupe Union et Progrès, une formation politique nationaliste. Talaat Pacha, le principal architecte du génocide arménien, y participe également. Ces mouvements vont finir par mener à la dissolution de lÿEmpire, au sortir de la guerre dÿindépendance, en 1922 et à la création de la Turquie, dont la République est proclamée le 29 octobre 1923.
La République turque est intimement liée à Mustafa Kemal Atatürk, son président de 1923 jusquÿà sa mort en 1938. Quelle était sa doctrine politique ?
Le kémalisme se situe dans la continuité de lÿunionisme. Son idéologie est toujours basée sur un nationalisme et un turquisme extrêmes. Atatürk [son surnom, qui signifie « père des Turcs », ndlr] assume totalement lÿhéritage du génocide en ayant un discours anti-Arméniens extrêmement radical jusquÿà la fin de sa vie. Dans les années 1930, le pays va entrer dans ce que lÿon peut appeler « le vrai kémalisme » : une volonté de modernité associée à un profond antilibéralisme. Ainsi, Atatürk et les cadres du parti vont considérer la Turquie comme le troisième pôle dÿun monde antidémocratique et antilibéral à venir [il nÿy a quÿun parti unique durant les années Kemal, ndlr], les deux autres étant lÿItalie de Mussolini et lÿUnion soviétique. Cÿest également à partir de 1930 que les « six flèches » sont adoptées et inscrites dans la constitution. Elles symbolisent les six principes majeurs du kémalisme : laïcité, populisme, nationalisme, républicanisme, étatisme et révolutionnarisme.
Pourquoi Kemal a-t-il autant uvré pour la laïcité ?
Il sagit en quelque sorte dune « laïcité à la turque ». Elle nÿest pas du tout considérée comme lÿéquidistance de lÉtat par rapport aux confessions, comme cÿest le cas de la laïcité française depuis la IIIe République par exemple. La « version turque » régit le mode dÿorganisation de lÿespace religieux, dans une société que lÿon a pris soin dÿislamiser au préalable, par le biais du génocide arménien et de lÿexpulsion de communautés chrétiennes, grecques notamment.
Sous sa présidence, les droits des femmes progressent : elles obtiennent le droit de vote dès 1934.
Ces avancées vont de pair avec une volonté générale de modernisation de la société et de montée en puissance de la nation. La polygamie est interdite alors que le mariage civil est autorisé [et le divorce civil remplace la répudiation, ndlr]. Les femmes deviennent alors les sujets de lÿÉtat et non plus de la religion. Pour cela, elles reçoivent une éducation. Et elles obtiennent effectivement le droit de vote, ainsi que le droit de se présenter à des élections. Mais pour Mustafa Kemal, les citoyennes doivent se soumettre aux exigences et aux impératifs de la nation : le rôle principal des femmes reste donc celui de mère.
1922 Le sultanat est aboli : Mehmed VI est destitué. Cÿest la fin de lÿEmpire ottoman après 623 ans dÿexistence.
1923 Signature du traité de Lausanne, annulant le traité de Sèvres. Il définit les frontières actuelles de la Turquie.
1923 Le 29 octobre, la république est proclamée. Mustafa Kemal en devient le premier président.
1938 Mort de Mustafa Kemal. Son successeur Ismet Inönü autorise la création dÿautres partis politiques.
1950 Celâl Bayar, président de la République, et Adnan Menderes, Premier ministre, mènent une politique très autoritaire et réintègrent lislam dans la vie publique.
1971 Coup dÿÉtat militaire menant à une décennie dÿinstabilité politique et économique.
2014 Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre depuis 2003, devient président de la République.