Rabbiner Dr. Mendel HIRSCH
(1833 1900)
Humanisme et Judaïsme (quatrième partie)
Das reine Menschentum im Lichte des Judentums (1893)
Par Dr. MENDEL HIRSCH Directeur des écoles communautaires religieuses israélites, Frankfort-on-Main.
Pour cette raison, quand Abraham a été choisi, la mission qui lui a été confiée, ainsi quà ses enfants, a été résumée comme suit: alors que tous les autres aspirent à être bénis, « sois une bénédiction »; « Par toi, toutes les familles de la terre seront bénies » (ibid.: XII, 2 et 3). La même injonction ou le même enseignement figurait également dans les mots que Moïse devait adresser au souverain égyptien, pour plaider en faveur de la libération de ses frères et lui déclarer, au nom de Dieu: «Le paria hébreu méprisé par toi, et jeté dans l'esclavage par toi, c'est Mon fils, Mon fils premier-né! Car le terme hébreu désignant le premier-né, « Bechor », est un étymogramme « libérateur » (commentaire de S.R. HIRSCH), un abreuvoir qui libère les sources de la maternité jusque-là restreintes. Pas pour lui-même, mais pour ce qui suit, il s'appelle Bechor. Lorsque tel est le cas, Dieu parle de Yisroel comme de « Beni Bechori », « Mon fils, Mon premier-né », la signification sous-jacente est la suivante: à travers lui les puissances génératrices de lhumanité sont ouvertes. A travers Yisroel, la marche commence dans laquelle toutes les nations doivent marcher. Mes fils : « En ton nom et en celui de tous les hommes, Je viens à toi, Pharaon; Yisroel est mon premier né, mais pas le seul. Je demande la liberté pour Yisroel, tout comme je veux la réclamer pour toutes les nations qui Me suivent en tant que fils » Non pas en rang, mais chronologique, Yisroel est le premier.
Mais surtout, au Sinaï, alors que Yisroel devait se préparer à la révélation, la conception de tous les hommes comme subordonnés au dessein de Dieu et à leur haute signification en tant que telle était soulignée en termes particulièrement clairs et précis: « La terre entière Mappartient » (Exode XIX, 5,6). Tu M'appartiendras cependant plus exclusivement que tous les peuples, car tu seras pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte ». Par cette déclaration, les lois qui suivent sont définies comme celles qui établissent la consécration de Yisroel au sacerdoce de lhumanité, tout comme de nouveau à la Maison de Yisroel, des tâches spéciales sont imposées au prêtre. Cependant, toute idée fausse concernant la position de Yisroel est évitée par la déclaration emphatique: « Toute la terre est à Moi » et par le rappel que le simple appel à la prêtrise pour Yisroel est une reconnaissance accentuée de la soumission à Dieu, même sous beaucoup de conditions qui, autrement, sont laissées au libre choix des hommes. Par l'expression comparative: «plus exclusivement», la relation intime entre Dieu et tous les hommes s'exprime sans ambiguïté. Que le mot « Segoula » n'implique pas un trésor représentant la totalité des biens du propriétaire, mais indique plutôt la propriété exclusive du poste par ce propriétaire, peut être déduit de manière concluante de la phrase suivante: « car toute la terre est à Moi ». Pourtant, l'interprétation erronée de cette expression a été utilisée pour soutenir tout un tissu de faussetés concernant la prétendue restriction de la relation du Père de toute l'humanité avec la petite Communauté Juive.
Dans l'introduction des lois sacrificielles (Lévitique I, 2), nous trouvons certaines directions adressées à « l'homme » en tant qu « Adam ». Ces prescriptions pour ces actes symboliques, par lesquels la dévotion désintéressée de toutes les forces humaines et les moyens de promouvoir les objectifs éthiques les plus élevés de la justice, de l'amour de l'homme et de la moralité, doivent être exprimées de manière formelle et solennelle comme « le maintien du feu Divin sur la terre, sont donnés, non pas exclusivement aux Juifs, mais aussi à « Adam », « Homme ». Quel autre objectif pourrait-il avoir si ce nétait dexprimer le principe selon lequel, conformément à la tradition juive, tous les hommes sont invités à la maison de Dieu, et que sur l'autel du sanctuaire Juif l'offrande du non-Juif est déjà acceptée comme tout aussi acceptable comme « reconnaissance de la soumission à la Volonté Divine ».
Ainsi, cest luniversalité, avec sa vision large de lhumanité tout entière, et lidéal de la hauteur du destin humain qui constitue la base ainsi que le point de départ de lAncien Testament dans sa vision du monde. Le souffle chaud de tout l'amour pour l'humanité tel qu'il nous vient des prophètes, des Psaumes et du reste des Hagiographes, ne peut donc pas être considéré comme une sorte d'élévation ou de transcendance de la vision mosaïque, mais comme portant loyalement et préservant le même souffle de vie auquel l'enseignement de Moïse était destiné, et travaille encore, à inculquer à ses enfants, ainsi qu'à tous les hommes qui le reçoivent avec un esprit et un cur ouverts. Ces conceptions, dont nous avons indiquées certaines grandes lignes, étaient les prémisses des enseignements du Prophète et du Psalmiste. Et nous pouvons en outre affirmer à la foi quils caractérisent également lesprit des Rabbins du Talmud, dont linstruction a aidé à organiser le Culte Juif ultérieur, et cest le même esprit qui subsiste jusquà présent dans la synagogue, dans l'humble demeure dans laquelle l'âme du Juif solitaire sélève dans la prière à son Dieu.
(Humanisme et Judaïsme du Dr Mendel HIRSCH, p. 27-31 - Traduit par J. GILBERT ( à suivre lundi prochain)
A lire aussi :
Humanisme et Judaïsme - préface de l'auteur
Rabbiner Dr. Mendel HIRSCH: Humanisme et Judaïsme (première partie)
Rabbiner Dr. Mendel HIRSCH: Humanisme et Judaïsme (deuxième partie)
Rabbiner Dr. Mendel HIRSCH: Humanisme et Judaïsme (troisième partie)
|