Le Courrier des Amis
Une ministre belge : Al Qaïda est notre allié indirect en Syrie
Par Bahar Kimyongur
IRIB - Des
milliers dEuropéens se rendent en Syrie pour combattre le gouvernement de
Damas et à fortiori le peuple syrien.
La ministre belge
de lintérieur Madame Joëlle Milquet sest engagée à aider les familles des
jeunes Belges embrigadés par les recruteurs terroristes. Ce jeudi soir à
lémission « Face à linfo » dEddy Caekelberghs, la ministre nous a donnés la
confirmation que lEtat belge a abandonné nos jeunes à leur sort mais quil
serait ferme à leur égard en cas de retour chez nous. En dautres termes, nos
concitoyens enrôlés dans les bataillons dAl Qaïda sont utiles et efficaces là
où ils se trouvent tant quils servent notre guerre contre la Syrie.
Le journaliste
Eddy Caekelberghs a invité quatre intervenants pour parler des jeunes Belges
partis en Syrie : une maman anonyme dont les deux garçons se trouvent sur le
front, le député MR (libéral) Daniel Ducarme, la ministre de lintérieur Joëlle
Milquet et moi-même. Jointe par téléphone, la ministre sest taillée la part du
lion avec une intervention ininterrompue de 12 minutes sur un total de 30
minutes de débat. Pour saboter léchange didées, Mme Milquet a misé sur le
procès dintention, menvoyant une petite phrase assassine sur mon prétendu
soutien au régime dAssad. Nous népiloguerons non pas sur ce procédé déloyal
et mesquin de la ministre mais sur le bilan de son inaction en matière de
rapatriement de nos jeunes concitoyens égarés sur le chemin de Damas. Nallons
surtout pas déranger Al Qaïda !
Dans son
intervention radiophonique, Madame Milquet a implicitement reconnu que ses
officiers de liaison en poste en Turquie ont brassé du vent. Du vent parce que,
daprès elle, pour retrouver les jeunes Belges, lon ne peut aller au delà de
Bab el Hawa, littéralement la Porte du Vent en arabe, le principal
poste-frontière turco-syrien situé dans la province du Hatay.Rappelons tout de
même que Bab el Hawa est aux mains de Jabhet al Nosra, cest-à-dire de la
section syrienne dAl Qaïda. Les bataillons terroristes syriens et étrangers
les plus cruels y font la pluie et le beau temps. Al Qaïda détient ainsi un
point de passage situé en territoire turc, cest-à-dire dans une zone sous
contrôle de lOTAN et à fortiori des Etats-Unis. Mais on ne peut rien faire,
paraît-il. En dautres termes, Madame la Ministre et ses alliés européens,
étasuniens et turcs laissent faire Al Qaïda au nom de la guerre contre la
Syrie.
Passons. Passons et citons la ministre :
« Jai été
voir longuement le ministre de lintérieur turc, le chef de la sûreté de lEtat
turc. Jai vu Monsieur Erdogan. Jai vu le ministre de la justice. Jai redonné
aussi (au-delà de ce que nos services ont fait) les photos que javais eues des
mamans et les numéros de téléphone pour quils tentent de les localiser, les
différents éléments
Ils étaient apparemment sortis par Bab El Hawa. [Ils]
devraient se situer plus ou moins dans le Nord de la Syrie.
Ils (les Turcs Ndr) ont dit et promis quils mettaient tout en uvre pour
pouvoir les localiser sils se retrouvaient en Turquie. (
) Lambassade est au
courant. Elle est prête à aller jusquà la frontière. (
) les autorités
(turques NDR) [peuvent] retrouver un des deux ou les deux (enfants de la maman
invitée à lémission Ndr) sils se trouvent sur le sol turc. Mais évidemment,
ils ne peuvent pas entrer en Syrie. »
Evidemment,
souligne-t-elle. Bein voyons. Entrer en Syrie ? Quelle idée ! Des criminels
venus du monde entier, des violeurs, des coupeurs de route et de gorges, des
malfrats à la petite semaine, quelques romantiques révolutionnaires, des
aventuriers attirés par lodeur du sang, des Talibans afghans, daghestanais,
yéménites ou bosniaques, des journalistes français, britanniques ou israéliens,
des fondations caritatives salafistes, le sénateur US républicain John McCain,
des agents arabes de la CIA, du Mossad, les députés koweïtiens Abdel Halim
Mourad et Adel al Mawada, le prédicateur génocidaire Adnan Arour et bien
dautres chefs de guerre religieux bref toutes les composantes de la Croisade
anti-syrienne passent par la Turquie pour pavaner en Syrie. Mais daprès la
ministre Milquet, les autorités turques ne peuvent « évidemment » pas
entrer en Syrie. Croit-elle vraiment que nous allons avaler cette fable
Madame Milquet
devrait dabord nous expliquer ce que faisaient alors les quelques dizaines
dagents turcs capturés par larmée arabe syrienne à Idlib, Lattaquié, Raqqah
et Alep et qui serviront bientôt de monnaie déchanges lorsque lEtat turc aura
calmé ses ardeurs guerrières contre la Syrie. Ne sait-elle donc pas que tous
les chefs rebelles influents du Nord de la Syrie sont des agents turcs en
puissance placés sous le commandement et la protection directe de larmée
turque ? Pendant plus dun an, lex-chef de la soi-disant Armée syrienne libre
(ASL) Riyad Assaad ne pouvait même pas accorder dinterview à la presse sans
lautorisation préalable du ministre turc des affaires étrangères Ahmet
Davutoglu.
Dautre part,
lEtat turc sait exactement où se trouvent les 9 otages chiites enlevés à Azaz
ainsi que les deux évêques chrétiens Mgr Paul Yazici et Mgr Youhanna Ibrahim.
Les familles des victimes passent dailleurs par la Turquie pour contacter les
ravisseurs. Autrement dit, le trousseau de clés jalousement gardé par Erdogan
permettrait la libération de biens des otages en Syrie, y compris nos jeunes
embrigadés par les maffias sectaires qui rêvent de convertir la Syrie en un
califat wahhabite.
Madame la ministre
parle à plusieurs reprises de la guerre de Syrie comme sil sagissait dun
différend entre Damas et Ankara, comme si notre pays navait pas contribué au
pourrissement de la situation en Syrie en votant des sanctions économiques, en
encourageant la surenchère militaire, en durcissant les pressions sur laxe de
la résistance pro-palestinienne dont la Syrie est le pivot.
Quoiquen pense
Madame la Ministre, lengagement de nos concitoyens dans cette guerre nest ni
plus ni moins un engagement de la Belgique en tant quEtat dans la guerre de
Syrie. Et disons-le encore plus franchement : la moindre négligence de la
Belgique en la matière est un signe de complicité de nos autorités avec le
djihadisme anti-syrien.
Madame Milquet
découvre que la rupture avec Damas empêche le contact avec nos jeunes
Poursuivons le
décryptage du discours de Madame la ministre :
Le gros problème
au niveau de la localisation téléphonique, cest que pour les localiser, vous
devez avoir un lien évidemment avec lopérateur national qui est évidemment
lopérateur syrien et par rapport à des personnes en lutte avec le régime, il y
a un danger et un problème de collaboration. (
)
La Turquie soutient lopposition et larmée libre syrienne (ASL) (
) Il y a
aussi parfois ce problème de technologie. Moi, javais demandé si, à partir de
la Belgique, on pouvait localiser via les numéros belges. Mais ce nétait pas
possible parce que nous avions besoin du lien avec lopérateur syrien (
).
Madame Milquet
sous-entend que si nous avions eu un lien avec lopérateur téléphonique syrien
donc avec les autorités syriennes, nous aurions pu retrouver les enfants
belges. Mais quattend-elle donc au nom de la sauvegarde de nos enfants et de
leurs victimes syriennes pour rétablir la ligne avec Damas ?
Madame Milquet
poursuit sur un aveu dimpuissance :
On est un peu
hélas dépendant (notre compétence sarrêtant à la sortie de la frontière) des
services turcs qui pourtant nous ont assurés, et je pense quils sont sincères
sur la manière avec laquelle ils ont mis cela dans leurs banques (de données
Ndr) et leurs différents signalements lorsquils sont à la frontière (
) Nous
navons plus dambassade en Syrie. (
) Nous avons un gros problème daccès au
territoire (
).
Nous nous
passerons de tout commentaire sur la candeur de Madame la ministre concernant
la sincérité du gouvernement turc à laquelle elle croit, elle aussi, avec
sincérité. Notons juste quen ce moment même, des centaines de milliers de
manifestants turcs doutent de la sincérité dun régime qui depuis deux
semaines, utilise la matraque, les gaz, les balles en plastique, les menaces,
la prison et la torture et affiche un mépris total face aux doléances du
peuple.
Ceci étant, si
lon suit le raisonnement de Madame la ministre, on arrive à la conclusion que
la réouverture de notre ambassade en Syrie nous offrirait une opportunité pour
retrouver nos enfants. En voilà une excellente idée ! Pourquoi pas si lon peut
sauver la vie de Belges partis en Syrie et celle des Syriens victimes des
Belges.
La vice-présidente
du groupe socialiste européen, Madame Véronique de Keyser a eu le courage de
proposer de reparler avec le président syrien après avoir exigé son départ avec
acharnement (Le Vif, 19 avril 2013).
Aujourdhui même,
une autre voix lucide du paysage médiatique belge, le journaliste Vincent Braun
de La Libre a plaidé en faveur dune résolution pacifique du conflit syrien. La
conclusion de son éditorial est sans appel : « Il faut impliquer lIran
dans la résolution de ce conflit ».
La sagesse de ces
paroles se situe en parfaite opposition avec le radicalisme et lextrémisme de
notre politique étrangère laquelle na dégal que le radicalisme et
lextrémisme des volontaires belges partis en Syrie.
« Oui Madame
la Ministre, uvrons pour la paix et la réconciliation et nos enfants
reviendront peut-être sains et saufs » a-t-on envie de lui dire si la fin
du conflit syrien eut été sa réelle intention.
Pendant ce temps,
la fabrique du terrorisme tourne à plein régime
Au début du mois davril 2013, le Centre international pour létude de la
radicalisation (ICSR) du Kings College de Londres annonçait que 140 à 600
jeunes ont été recrutés par des cellules djihadistes actives dans des pays
européens comme la France, lAngleterre, la Belgique, le Danemark ou les Pays-Bas.
Trois semaines
plus tard, le spécialiste européen de lantiterrorisme Gilles de Kerchove
évoquait la présence de 500 djihadistes européens en Syrie (Martine Gozlan,
Marianne, 25 avril 2013).
Le 21 mai 2013,
Georges Malbrunot, le journaliste du Figaro estimait à 800 le nombre de
djihadistes européens actifs en Syrie.
Aujourdhui,
daprès de nouveaux éléments denquête, les Européens seraient entre 1.500 et
2.000, soit deux à trois fois plus que les estimations publiées il y a trois
semaines à peine (Pierre Beyleau, Le Point, 14 juin 2013).
Ils sont sans
doute bien plus nombreux à partir en Syrie.
Vu lampleur du
phénomène, une question simpose : Nest-il pas pour le moins suspect que des
apprentis sorciers rêvant de commettre à Damas des attentats semblables à ceux
de Madrid, Londres ou New York puissent se rendre aussi massivement en Syrie
sans être inquiétés dès leur départ ?
Imagine-t-on un
seul instant ce que feraient les polices européennes si des prédicateurs actifs
en Europe mobilisaient des légions musulmanes pour aller égorger les Juifs
dIsraël ?
Que le Mossad se
rassure, la Maison des Saoud et lémir du Qatar, grands sponsors du djihad en
Syrie, ne sont pas prêts de trahir leur alliance avec Tel Aviv.
Quant aux terroristes
européens, conformément aux directives qui leur parviennent de Riyad ou Doha,
ils préfèrent de loin verser le sang de musulmans sunnites, chiites ou
alaouites que de sen prendre à lEtat hébreux.
Mais sait-on
jamais, si un jour, Al Qaïda se mettait à acheminer des djihadistes en Israël
ce qui, à ce jour, nest jamais arrivé, il est certains que nos gouvernements
neutraliseraient les jeunes volontaires européens avec une violence extrême. Le
Mossad userait sans détour de son droit douvrir le feu sur des suspects dans
les aéroports occidentaux comme il la très souvent fait durant les années 70
et 80.
Nous sommes dès
lors en droit de nous demander pourquoi lOccident est si laxiste quand nos
jeunes partent en Syrie et si ferme quand ils en reviennent.
La décision du
bourgmestre dAnvers Bart de Wever de radier de son registre de population les
candidats djihadistes de retour de Syrie illustre bien cette stratégie
daccompagnement passif et de confinement du djihadisme en Syrie.
Monsieur De Wever,
Madame Milquet et nombre de leurs homologues européens espéraient sans doute
que la guerre internationale contre la Syrie par djihadistes interposés allait
conduire à limplosion du pays, gage de réussite de la théorie du chaos
constructif permettant de remodeler les nations selon nos intérêts à court
terme.
Mauvais calcul.
Etant donné la connectivité complexe du corps politique et social syrien avec
les lignes de fracture qui traversent notre monde multipolaire, toute tentative
de déstabilisation de ce pays hautement inflammable ne conduit pas à son
implosion mais bien à son explosion.
Si Madame Milquet
nous avait écoutés dès le début du conflit, nous aurions peut-être pu sauver la
vie de nombreux Syriens et de nombreux Belges.
Aujourdhui, elle
peut encore se rattraper. Mais pour cela, nous pensons quelle doit
impérativement se concerter avec ses homologues européens et les convaincre à :
- promouvoir un
message de paix en Syrie, le dialogue intercommunautaire en Europe et lutter
contre la désinformation et la propagande sectaire qui contribuent à la
radicalisation de nos jeunes
- lever toutes les
sanctions européennes qui pèsent contre la Syrie et normaliser nos relations
avec le gouvernement de Damas
- présenter nos
excuses au peuple syrien pour avoir laissé les djihadistes européens contribuer
à la destruction de leur pays et pour avoir armé les terroristes actifs en
Syrie
- contraindre nos
agents syriens de la Coalition nationale des forces de lopposition et de la
révolution à saisir la chance offerte par la Russie et le gouvernement syrien
de résoudre pacifiquement le conflit.
- poursuivre
légalement les vétérans belges qui ont commis des crimes de guerre, de génocide
ou des crimes contre lhumanité en Syrie et assurer un accompagnement
psychologique adapté aux volontaires belges non terroristes,
Nous cesserons de
penser que Madame Milquet roule pour Al Qaïda le jour où elle militera
concrètement pour la paix et contre le terrorisme en Syrie.
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