Une chambre civile du tribunal de
1ère instance de Mons a examiné mercredi un litige entre les
organisations syndicales et le groupe de grande distribution Carrefour,
tandis qu'une manifestation de la FGTB et de la CSC pour la défense du
droit de grève réunissait de 300 à 400 militants syndicaux devant les
portes du palais de justice, a-t-on constaté sur place.
"Intérêt moral" Invoquant
un "intérêt moral" à agir, les deux syndicats ont plaidé la tierce
opposition contre une ordonnance prise le 24 octobre dernier par le
président du tribunal de première instance de Mons. L'ordonnance en
question donnait droit à une requête unilatérale déposée par les
avocats de Carrefour, alors en conflit avec les syndicats à propos de
l'ouverture, à Bruges, d'un nouvel hypermarché.
Cette décision
de justice, qui interdisait de bloquer l'accès aux bâtiments du groupe
sous peine d'une astreinte de mille euros par personne, a été signifiée
par huissier dès le lendemain aux grévistes du Carrefour des Grands
Prés (Mons), puis, quelques jours plus tard, à ceux des hypermarchés de
Soignies et d'Haine-Saint-Pierre. Les syndicats dénoncent une
ordonnance qui témoigne, à leurs yeux, d'une judiciarisation des
conflits sociaux au détriment de la concertation.
Pas de motif d'urgence Selon
leur avocate, Me Marianne Pétré, la requête unilatérale du groupe
Carrefour est contraire aux dispositions du droit belge et aux normes
européennes, notamment au droit à un procès équitable gravé dans
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Estimant
que ce genre de requête doit se limiter à des cas rares et précis,
l'avocate a souligné que la direction de Carrefour n'avait aucun motif
de plaider l'urgence. "La partie adverse mentirait en affirmant qu'elle
n'a appris la grève que la veille ou qu'elle ne pouvait pas identifier
ses adversaires" dans le conflit, a déclaré Me Pétré, plaidant pour que
l'ordonnance du 24 octobre soit rétractée.
Justification de l'urgence Me
Éric Carlier, conseil de Carrefour Belgium, a émis des doutes sur
l'intérêt à agir des syndicats. Pour lui, cette tierce opposition
tardive est irrecevable dès lors que le conflit social est résolu
depuis le 13 novembre et que Carrefour s'est engagé à ne réclamer
aucune astreinte ni remboursement de dommages.
Afin de
justifier l'urgence de la procédure du 24 octobre, l'avocat a affirmé
que c'est à cette date que le groupe a appris la grève avec blocage qui
se préparait pour le lendemain au Carrefour des Grands Prés, "alors que
le calendrier des syndicats ne prévoyait aucune action dans ce magasin
avant le 31".
La grève est un droit, empêcher les autres de travailler un délit Il
ajoute qu'il était impossible de citer nommément les adversaires (ce
qui aurait contraint à un débat contradictoire) vu que n'importe qui
aurait pu intervenir pour bloquer les magasins. Sa consoeur Me Fabienne
Raepsaet a fait valoir quant à elle qu'une requête unilatérale ne
bafoue en rien le droit à un procès équitable, dès lors qu'une tierce
opposition reste toujours possible.
Elle a également soutenu
que le droit de grève s'accompagne, pour les travailleurs, du droit de
marquer leur action au travers d'un piquet, certes, ce qui n'autorise
pas pour autant à bloquer l'accès à une entreprise.
Le juge
Hiernaux prononcera son ordonnance le 25 mars à 11 heures. Jusqu'ici,
sur deux requêtes similaires portant sur le même conflit, la justice
s'est prononcée une fois en faveur des thèses syndicales (le 3 décembre
au tribunal de Furnes) et une autre en sa défaveur (le 11 février à
Bruxelles). (belga/th)
source : www.7sur7.be
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