Prof. Nathalie Bulle, directrice de recherche au CNRS & onderwijssociologe over nefaste gevolgen van progressivisme & ontscholing in het onderwijs
(Bulle vertolkt een visie die aansluit bij de visie die we al lange tijd in Onderwijskrant en via O-ZON propageren: www.onderwijskrant.be)
Le triomphe du progressivisme pédagogique et ses conséquences
Le site Skhole vient de publier un texte de Nathalie Bulle intitulé : La fin de l'ère des enseignants.
Jen tire quelques extraits qui me semblent particulièrement intéressants.
Sur léchec de lÉcole française :
« Léchec français se traduit par une situation de crise institutionnelle, non seulement au niveau du recrutement, et de la formation des enseignants, mais aussi au niveau de lécole en France. Lécart des performances des élèves les plus fragiles et des autres sest accentué, cest ce que révèlent les enquêtes nationales et internationales, tandis que les programmes denseignement nont cessé daffaiblir leurs exigences. Cet échec sest manifesté aussi par la situation fortement conflictuelle évoquée, qui a suscité de nombreux débats, les médias relayant en général la rhétorique incantatoire des promoteurs de la rénovation pédagogique, invoquant lélève actif dans la construction de ses savoirs, la pédagogie de la réussite, lélève au centre, par opposition à un enseignement transmissif, passif, centré sur le professeur, etc. »
Sur le triomphe du progressivisme éducatif :
« Laccélération de lexpansion des systèmes éducatifs dans les années 1960 a suscité la critique néo-marxiste, cette dernière sest faite la critique de toutes les formes de différenciations internes qui conduisaient à un partage des parcours des élèves privilégiant statistiquement certains groupes sociaux, sur le plan de lorientation, sur le plan pédagogique, sur celui des classes ou des établissements. Rangée notamment derrière le célèbre sociologue français Pierre Bourdieu, cette critique a mis en cause les formes dominantes de la culture scolaire. La profession enseignante sest trouvée ainsi accusée de reproduire par lécole des inégalités contre lesquelles elle pensait au contraire lutter. Cétait lépoque du triomphe des structuralismes et relativismes associés. Dans ce contexte de forte remise en cause du modèle académique, et du développement de la problématique de léchec scolaire, au besoin amplifiée par les promoteurs des idées nouvelles, les approches pédagogiques multiples et variées ont été promues, sous légide dun Freinet, dun Piaget, sous la bannière des pédagogies actives, des pédagogies de projet, etc. Toutes ces approches ont été diffusées au nom de la modernisation et de la démocratisation de lenseignement. Ces théories ont tout dabord déferlé, dans les années 1970, dans les anciennes écoles normales dinstituteurs où étaient formés les enseignants du premier degré.
On peut noter cette coïncidence entre la domination de la critique néo-marxiste et la montée institutionnelle des progressismes éducatifs variés. Elle sexplique par une sorte de symbiose idéologique. La première, par sa critique radicale et récurrente du système éducatif, sattaque indéfiniment à toutes les formes dinégalité qui ne manquent pas de se créer. La seconde, par la réponse radicale quelle offre, proposant une table rase du passé pédagogique et des missions intellectuelles antérieures de lécole, au service dune mission éducative première développée autour de la thématique de la citoyenneté et du vivre ensemble.
Dans ce contexte fortement critique, les changements du système éducatif français depuis les années 1960 et 1970 (
) révèlent les progrès dune rénovation pédagogique de lensemble du système, touchant les curricula, la pédagogie stricto sensu et les programmes. Ce sont les promoteurs des idées nouvelles qui ont animé les commissions de réforme du système denseignement, et en ont inspiré les nouvelles orientations. »
Voir également cet article sur les origines de la pédagogie progressiviste.
Sur la théorie constructiviste :
« Il sagit dabandonner lenseignement rationnel des disciplines fondé sur une élémentarisation, ou encore une réduction analytique au service de la construction progressive et cumulative des savoirs théoriques ou scientifiques. À lencontre de ce principe délémentarisation, le rapport préconise de partir au contraire de démarches globales, dobjets complexes. Il justifie ce renversement par les nouveaux savoirs issus des diverses sciences (biologie, psychologie, linguistique, neurologie puis sciences humaines) et qui mettent en avant les notions de continuité, de globalité, de structure, et de complexité. Le projet de professionnalisation des enseignants sest donc ouvertement doublé dun projet pédagogique engageant la contextualisation des enseignements, autrement dit le retournement de leur logique : au lieu daller du simple vers le complexe, il sagit au contraire, désormais, de partir du complexe. »
« Cette interprétation adaptative de la connaissance est partagée par les constructivismes contemporains, socioconstructivismes et approches par compétences, qui sont des formes modernes du progressisme éducatif. (
) Les élèves doivent être confrontés à des situations concrètes demblée complexes, les problèmes et non les explications de lenseignant étant supposés présider au développement intellectuel. Lapprentissage de type théorique apparaît, dans ce cadre, entraîner une acquisition artificielle, un simple emmagasinage de savoirs de type factuels. »
Sur les sciences de léducation :
« Ce quil faut comprendre, cest pourquoi le leadership des projets de réforme du système éducatif a été assuré par les spécialistes des nouvelles disciplines qui sétaient fait connaître par leurs travaux, ou qui se trouvaient en position de responsabilité dans les nouveaux départements de recherches en sciences de léducation.
Voici comment ce retournement peut être expliqué.
Dans les années 1960, une « science de lenseignement » sest développée (
). La méthode scientifique offrait ainsi une légitimité universitaire aux idées éducatives nouvelles. Il sest ainsi constitué un ensemble grandissant de savoirs formels (
). La sanction de la « science » permettait en effet à ces nouvelles orientations pédagogiques de servir de guide prescriptif pour les politiques publiques et les pratiques enseignantes. À linverse, sans cette caution des sciences positives, les formateurs denseignants nauraient pu revendiquer aucune autorité particulière face aux pratiques professorales déjà éprouvées. »
Sur la mainmise de lÉcole par les constructivistes :
« Les réformes pédagogiques ont été dominées par une philosophie particulière, non remise en cause, légitimée par des recherches prônant la méthode scientifique et une mission sociale associée aux idées de démocratie, dégalité, de vivre ensemble. Il sagit de comprendre maintenant pourquoi les promoteurs de cette nouvelle philosophie de linstitution ont pu dominer ces transformations institutionnelles et pédagogiques, comment ils ont pu atteindre les positions de premier rang dans les commissions de réforme, dans les nouveaux instituts de formation des professeurs, etc. »
« Compte tenu de cette politisation [de la question éducative], (
) les promoteurs des idées éducatives nouvelles se sont vus investis dun rôle quasi salvateur. Ils étaient en mesure de refonder la légitimité de linstitution par leur approche, la méthode scientifique et leur mission, la démocratisation de linstitution, voire lefficience sociale.
Les promoteurs des idées nouvelles ont donc occupé des positions privilégiées au sein des instances décisionnelles en matière éducative, en France, dès lors quune critique radicale appelait une réponse radicale. En même temps, cette réponse ne sest pas donnée pour ce quelle est, porteuse dune théorie philosophique particulière, mais au contraire comme rompant avec un passé idéologique pour introduire une vision scientifique et moderne du rôle de léducation et de ses méthodes, dans la société. »
Sur laffaiblissement des systèmes scolaires inspirés par le constructivisme :
« Les nouveaux instituts de formation des maîtres se sont faits les vecteurs de la propagation de ces idées par la sélection des formateurs et des recherches. Les progressismes contemporains ont présidé à la poursuite de la majorité des réformes du système éducatif. La dégradation de la situation dans les établissements, la baisse chronique des résultats des élèves aux enquêtes nationales et internationales ont créé, de manière endogène, une école à deux vitesses bénéficiant, du point de vue de la sélection sociale, à ceux qui économiquement et culturellement ont les moyens de choisir les écoles où lon continue dune certaine manière, à apprendre. Cette situation entretient laccusation par les courants progressistes dune prise en compte toujours insuffisante des résultats de la recherche et de la philosophie qui les anime. »
Sur linfluence néfaste des organisations internationales :
« Il ne faut pas sous-estimer, dans ce mouvement, linfluence des organisations internationales. En dépit du traité de Masstricht suivant lequel la communauté na quun rôle accessoire en matière déducation, les influences internationales apparaissent de plus en plus « intrusives et persuasives ». (
) La mise en concurrence des systèmes éducatifs est organisée par lOCDE autour de lenquête PISA, sur la base dune forte médiatisation des palmarès internationaux. Les objectifs éducatifs des pays sont redéfinis arbitrairement autour des normes portées implicitement par les indicateurs du PISA les programmes scolaires tendent en particulier à être recentrés sur le développement de compétences de base, telles quévaluées par les tests. Il en résulte un ensemble de plus en plus important danalyses menées par les experts internationaux proposent des résultats convergents à ce sujet un appauvrissement des curricula scolaires et un affaiblissement des systèmes éducatifs. »
Voir, sur le même thème, cet article sur le discours pédagogique de l'UNESCO et de l'OCDE.
Sur la professionnalisation des enseignants :
« La question de la professionnalisation des enseignants (
) est déjà une vieille histoire en France, qui na cessé de faire couler de lencre. La création des anciens Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) datant de 1989, elle a déjà 25 ans. Cette professionnalisation a connu, pour linstant, une suite déchecs cuisants. Quels que soient les raisons profondes de ces échecs, la professionnalisation ne suit quune seule voie, celle dun changement du profil de lexpertise qui fonde le métier denseignant. Elle ne représente pas, elle na pas représenté en France, ni aux États-Unis, ni même dans lensemble, en Europe, un levier pour la formation pédagogique des enseignants, mais plus précisément, un levier de la rénovation pédagogique. »
« La professionnalisation des enseignants, dans ce contexte, ne désigne donc pas tant le passage dun art pratiqué de manière intuitive à un savoir plus réfléchi et éprouvé par lexpérience, mais elle engage la transformation de lobjet même de la profession enseignante. Elle marque le passage dune école dont la mission première est de former lesprit et de transmettre des savoirs à « un système de gestion de lenfance et de la jeunesse dans lequel lenseignement nest plus laspect le plus important ». »
« La philosophie qui a présidé à la professionnalisation des enseignants en France, a suscité de vives polémiques, très peu comprises encore aujourdhui par le grand public, entre les représentants dune éducation qui développaient des méthodes dapprentissages opposées aux logiques des disciplines, et ceux qui défendaient ces logiques. Ces derniers ont dès lors tendu à apparaître comme les ennemis de tout ce dont les promoteurs de la nouvelle éducation se faisaient les champions : légalité, la démocratie, la pédagogie. »
En contrepoint de cette conception constructiviste de la professionnalisation des enseignants, je recommande la lecture de cet article de Clermont Gauthier
Je signale également, dans les notes de bas de page, celle-ci :
De multiples analyses montrent que les pédagogies rationnelles ou encore explicites ont, comparativement aux pédagogies progressistes, de meilleurs résultats et sont plus égalitaires socialement.
Cf. par exemple :
- S.Bissonnette, M.Richard, C.Gauthier (2005). Échec scolaire et réforme éducative. Quand les solutions proposées deviennent la source du problème. Saint-Nicolas: Les Presses de lUniversité de Laval.
- J.Chall (2000). The academic achievement challenge: what really works in the classroom? New York, NY: Guilford Press.
- D. Mann (1992). School Reform in the United States: A National Policy Review 1965-91. School Effectiveness and School Improvement, 3,216-230.
- B. Rosenshine (2009). The empirical support for direct instruction. In S.T.Tobias, T.M.Duffy, Constructivist instruction: Success or failure? (pp.201-220) New York, NY: Routledge.