"Transmettre, apprendre" - recension de l'ouvrage de Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi
21/05/2014 - 18:37 Julien Gautier Revue Skhole:
Basisidee:overgang van cultuuroverdracht naar leren & kennismaatschappij : la mission directrice de lécole, désormais, ne serait plus dassurer dabord la socialisation par linculcation du passé, lhéritage de la mémoire sociale, mais de contribuer à lép...anouissement des individus, et cest pourquoi « le fait dapprendre a pris le dessus sur une démarche de transmission jugée rétrograde, tant du point de vue de ses attendus politiques que de sa vision de lacquisition dun savoir
Après Pour une philosophie politique de léducation (2002) et Conditions de léducation (2008), Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi publient leur troisième ouvrage commun, qui vient ainsi prolonger et approfondir un travail de grande ampleur pour penser léducation à lépoque contemporaine, et dont il faut saluer lexistence et limportance.
Ce volume, intitulé Transmettre, apprendre, issu dun séminaire de deux ans au Collège des Bernardins[1], propose de condenser dans ces deux verbes et dans leurs relations le « problème intellectuel » de lécole daujourdhui. « Transmettre » désigne ici de manière générale lopération qui consiste à assurer le transfert de certains acquis dune génération à une autre, lhéritage dun passé, plus précisément dun ensemble de symboles et de savoirs, quil sagit dabord de recevoir : léducation envisagée du point de vue de la tradition. « Apprendre », de son côté, renvoie au contraire à lacte dapprendre envisagé du point de vue de lacteur qui apprend, et désigne dabord dans louvrage une certaine conception et orientation de lenseignement mettant laccent sur lauto-construction individuelle des savoirs, et refusant lidée dinculcation. Transmettre versus apprendre, cest la première signification du titre. Mais ce que sefforce finalement détablir le livre, cest la nécessité de penser ensemble ces deux dimensions de léducation humaine, de repenser leur lien fondamental, une fois pris acte de léchec théorique et pratique de leur opposition unilatérale. En cela, ces deux termes condensent le « problème intellectuel » de lécole daujourdhui, et aussi, dune certaine manière, les voies de sa résolution.
Problème danalyse dabord : la crise actuelle de linstitution scolaire sexpliquerait par le fait que si lunivers de la transmission est « mort et bien mort », lunivers de lapprendre qui lui a succédé, malgré ses intentions et son triomphe, nest pas parvenu jusquici à fonder une nouvelle école motivante, efficace et juste. Lunivers de la transmission est bien mort, mais pas la transmission elle-même (ni sa réalité, ni sa nécessité), lunivers de lapprendre domine mais ne tient pas ses promesses et désespère, montrant en cela son insuffisance (de fait et de droit). Ceci est déjà vrai au niveau scolaire, mais lun des intérêts de louvrage est de chercher à comprendre ces phénomènes sur le fond dun arrière plan beaucoup plus large. Le crise de lécole nest pas essentiellement imputable aux errements pédagogiques des trente dernières années, mais à des tendances beaucoup plus profondes qui travaillent la modernité depuis ses origines et qui se seraient entièrement actualisées dans le seconde moitié du XXe siècle : le passage « définitif » mais problématique dune « société de tradition » à une « société de la connaissance ». Problème de perspective ensuite : ce quindique aussi cette crise le triomphe paradoxal de lapprendre, la persistance refoulée de la transmission -, cest la nécessité de repenser ensemble ces deux dimensions irréductibles lune à lautre de léducation humaine et elle incite en cela à trouver les moyens de les articuler pratiquement. Elle permet de dessiner les contours dun programme théorique et pratique en vue dune régénération de lentreprise scolaire et de la pédagogie quelle requiert.
Ce « problème intellectuel » de lécole trouve à travers cinq parties une série déclairages sous plusieurs angles et focales, qui font la richesse de cet ouvrage à plusieurs mains, et dont nous voudrions maintenant présenter les dimensions les plus importantes à nos yeux. Sy articulent en effet une approche historique et anthropologique de large envergure[2], une approche plus sociologique des conditions contemporaines déducation (rôle des familles, persistance des figures « magistrales », nouvelles technologies)[3], des éléments pour une histoire intellectuelle des idées éducatives au XXe siècle[4], enfin une réflexion philosophique dordre épistémologique, conceptuelle et phénoménologique sur la nature de lapprendre[5]. Nous nous concentrerons essentiellement sur la première et la dernière.
Le paradoxe de la modernité scolaire
Louvrage débute par une analyse des racines de la transformation profonde quont connu les systèmes éducatifs depuis les années 70, analyse dont le cadre général est celui dune certaine histoire de la « modernité », conçue essentiellement comme un long processus à la fois socio-politique et épistémique de « détraditionnalisation » et d « individualisation » : à ce titre, Transmettre, apprendre se situe clairement dans le prolongement de luvre de Marcel Gauchet qui, depuis Le désenchantement du monde (1985), développe une vaste et complexe analyse de la modernité comprise comme « sortie de la religion » et avènement problématique - dun monde où les hommes ambitionnent de se gouverner eux-mêmes. Dans ce cadre, la naissance et lévolution de lécole moderne sont retracées à grand traits comme celles dun « compromis » historique, instable mais longtemps résistant, entre la volonté explicite de construire un système éducatif nouveau formant des sujets autonomes à la rationalité méthodique et critique, et le maintien tacite des exigences de la tradition et de lautorité du passé, à travers les contenus enseignés et les démarches pédagogiques[6]. Au fond, lécole était jusquà la fin du XXe siècle linstitution moderne paradoxale qui, tout en promouvant les idées modernes de connaissance méthodique et dindividu rationnel, « prolongeait jusque dans la modernité avancée lâme des anciennes société de tradition »[7] : « apprendre » et « transmettre » sy articulaient tant bien que mal. A partir des années 70, ce compromis se serait « définitivement disloqué », au profit exclusif de la tendance moderne, marquant ainsi lavènement dune « société de la connaissance » désormais affranchie de la « société de tradition ». Devenue dès le début du XXe siècle, avec le développement des « pédagogies nouvelles » et de « léducation progressive », lobjet dune critique politique et technique, et sous la pression plus générale dune nouvelle poussée de lindividualisme démocratique, lécole moderne, qui était en fait restée jusque là profondément « traditionnelle » dans son esprit et ses pratiques, fut finalement conduite à changer de paradigme : la mission directrice de lécole, désormais, ne serait plus dassurer dabord la socialisation par linculcation du passé, lhéritage de la mémoire sociale, mais de contribuer à lépanouissement des individus, et cest pourquoi « le fait dapprendre a pris le dessus sur une démarche de transmission jugée rétrograde, tant du point de vue de ses attendus politiques que de sa vision de lacquisition dun savoir »[8].
Mais la thèse originale de Transmettre, apprendre consiste à mettre en lumière le paradoxe de cette victoire des idées modernes déducation et du « sacre de lapprenant » qui laccompagne, victoire en trompe-lil dont lensemble du livre sattache à montrer les limites : ce que révèlerait et signifierait la « crise » persistante de lécole contemporaine, dans ses différents aspects, cest finalement léchec patent, et dans une certaine mesure inévitable, dune institution éducative qui sest efforcée déliminer, sans pouvoir y parvenir, toute dimension de « transmission ». Dune part, quarante ans après le tournant des années 70, il faut se rendre à lévidence : les faits montrent que, contrairement aux objectifs quelle sest donnée et malgré les réformes successives destinées à les réaliser, lécole nest parvenue ni à remobiliser ses acteurs, ni à redonner sens aux contenus scolaires, ni à combattre efficacement léchec scolaire, ni surtout à réduire les inégalités scolaires et leurs effets de reproduction sociale. Pour expliquer ce paradoxe, louvrage souligne à juste titre la réalité persistante et limportance de mécanismes informels et invisibles de transmission qui, pour ainsi dire refoulés par lécole, continuent néanmoins de produire leur effets sur les jeunes générations, de manière dautant plus prégnante que le système scolaire sen est officiellement détourné : dans le cadre familial en particulier, mais aussi à travers les medias et les relations entre pairs, toute une série de transmissions « clandestines » opèrent, sur les plans psychique, moral et cognitif, hors du contrôle de linstitution mais conditionnant largement, de lextérieur, son propre fonctionnement[9]. Ainsi, si la transmission a été en quelque sorte bannie de lécole, elle na pu lêtre de la société elle-même : la conséquence en est que lécole sest delle-même privée des moyens dagir sur ces déterminismes sociaux et les fortes inégalités qui les caractérisent : « Si lécole, ainsi, échoue à réduire les inégalités, cest quelle achoppe sur la puissance des transmissions informelles (
) qui conditionnent dautant plus les performances des élèves que laccent est mis sur leur démarche individuelle. »[10] Doù la douloureuse impasse et la profonde désorientation dans laquelle elle se trouve désormais, sans en avoir tout à fait conscience. Mais ce que soutient dautre part louvrage cest que cette persistance de fait témoigne, plus profondément, de la nécessité anthropologique de la transmission qui, en ce sens, ne saurait être éliminée de léducation humaine au profit de la seule activité de lapprendre conçue comme auto-construction individuelle : parce que lhomme serait intrinsèquement un être de culture et dhistoire, un être dhéritage, il ne saurait se construire comme un individu singulier et tourné vers lavenir sans se rapporter à un passé collectif, à une « précédence » sociale quil lui faut adopter pour pouvoir se trouver. Ce qui revient à dire aussi, semble-t-il, que le processus de la « modernité » lui-même ne peut tout à fait saccomplir, un résidu de « tradition » - et donc de « religion » ? paraissant inéliminable des relations interhumaines, et dont la tâche éducative, que personne na encore osé déclarer tout à fait périmée[11], constitue en un sens le noyau dur.
Le sens de lapprendre
Cette interprétation historique de létat critique de lécole contemporaine conduit les auteurs du livre à vouloir reprendre sur cette base la question de léducation scolaire, à travers une analyse fondamentale de ce en quoi consiste et de ce que signifie « apprendre », analyse qui donne à louvrage sa densité philosophique en même temps que sa dimension programmatique : « Tout est à reprendre, à commencer par lopposition supposée entre activité de lélève et transmission du savoir »[12]. La quatrième partie du livre en particulier, ainsi que le chapitre consacré aux maîtres et disciples, développent ainsi une approche à la fois phénoménologique, épistémologique et conceptuelle, qui conduit à établir la complémentarité de fait et de principe entre apprendre et transmettre. Comment se présente en effet le savoir à lenfant, tel quil sincarne dans les contenus scolaires des plus élémentaires jusquaux plus élaborés, cest le point de départ et lenjeu principal de la 4e partie de louvrage intitulée « Pour une phénoménologie de lapprendre ». Ce qui ressort globalement de cette analyse, cest que la nature « résistante » de lobjet à conquérir les savoirs dispensés à lécole rend lacte dapprendre en lui-même « difficile », en fait une expérience « à part » et qui ne va pas de soi, en discontinuité à légard de lexpérience naturelle de lenfant : « cet objet ne sajuste pas spontanément à la logique de lappropriation personnelle ; il la défie, voire la contredit. »[13] Or ceci exclut en principe la possibilité dapprendre ces objets naturellement de soi-même et par soi-même - lidée dune auto-construction des savoirs par lélève - et montre au contraire limpérieuse nécessité dune action de transmission. La phénoménologie de lapprendre permet en effet de souligner les traits essentiels qui font la difficulté de lintroduction dun sujet dans lunivers du savoir, traits et difficulté que la conception moderne de la connaissance (affirmant le primat du sujet connaissant) et les théories pédagogiques dominantes au XXe siècle (en particulier celle de Jean Piaget) auraient conduit, conjointement, à négliger voire à refouler. Apprendre à lire, à écrire, à compter, comme, plus tard, apprendre les champs des disciplines scolaires (physique, histoire, géographie, etc.), cest chaque fois sefforcer de pénétrer dans des totalités déjà constituées, des « labyrinthes » de significations sédimentées, qui se présentent dabord nécessairement au sujet qui les aborde comme singulièrement abstraits, artificiels et même « ésotériques », et qui réclament de sa part une forme de décentrement par rapport au reste de son expérience personnelle ces totalités ne font pas sens immédiatement : « Apprendre, cest devoir entrer dans un système de significations cohérent quil faudrait idéalement pouvoir sapproprier dun coup parce quil est cohérent, précisément, et que cest sa dimension densemble qui lui procure sa portée. Ainsi toute entrée de ce genre se solde-t-elle chez les impétrants par le sentiment décourageant que lentrée est impossible. La partie que lon parvient à appréhender est dérisoire et le tout est hors datteinte. Arrivé au pied de la forteresse, elle apparaît imprenable. Je ny arriverai jamais : cette impression dun combat sans espoir est structurelle ; elle ne tient pas à la psychologie individuelle, mais à la nature de la tâche. »[14] Ainsi, lapprentissage (en particulier scolaire, mais pas seulement) consiste nécessairement, pourrait-on dire, en lexpérience dune forme de « transcendance », celle des objets de savoir dont il faut être à même, si lon veut les apprendre, dendurer justement lobjectivité leur extériorité, leur antériorité, leur consistance et leur globalité jamais entièrement saisissables -, et dobjets dont il est donc par avance exclu quun sujet puisse les constituer demblée et entièrement par soi-même[15]. La langue, par excellence, représente un tel objet transcendant, en tant quelle précède et dépasse toujours le sujet parlant, qui doit dabord la recevoir et sy insérer pour pouvoir parler lui-même en première personne, ce qui en toute rigueur naura jamais tout à fait lieu : « nous nen avons jamais fini dapprendre à parler »[16]. Mais ce qui est vrai de la langue parlée lest aussi, sous des formes et à des degrés divers, de tout objet à apprendre, quil sagisse des savoir-faire dun métier ou encore de lunivers des symboles écrits, qui est le champ plus particulier de léducation scolaire. Et cest pourquoi une médiation directrice, une certain genre dinitiation, une forme de transmission savèrent chaque fois nécessaires - à la réalité de cette trans-cendance répond la nécessité dune trans-mission : « Il est besoin de passeurs qui font le pont avec cette autre rive qui semble inaccessible. Il faut pouvoir compter sur des complices qui vous apportent à la fois la sécurité due à leur contrôle du point darrivée et la compréhension du chemin à parcourir. »[17] Pour parvenir à apprendre, et même à être « actif » dans son apprentissage, il faut avant tout être soutenu et accompagné par un « maître » capable de trouver les moyens dintroduire à des objets et à des champs qui sinon resteraient largement étrangers, capable de faire profiter lélève de laisance personnelle quil a lui-même, de la même manière, acquise. Transmettre, en ce sens, ce nest pas inculquer autoritairement les contenus normés une fois pour toutes dune tradition sacralisée, et louvrage insiste pour que lon ne confonde pas lidée de transmission avec les modalités particulières que celle-ci a pu prendre dans lhistoire. Transmettre, ici, cest dabord faire surmonter la difficulté dapprendre, cest libérer la faculté dapprendre en organisant habilement lintroduction dans lunivers des objets de savoir, en les rendant peu à peu familiers.
Ainsi repensés, transmettre et apprendre ne sopposent en effet plus lun à lautre, un nouvelle alliance entre eux est concevable, et une nouvelle pédagogie imaginable, dont louvrage indique la direction générale rendre possible et faciliter lapprendre : « Son objet stratégique est de construire les progressions permettant de surmonter le hiatus structurel entre le sens densemble et le caractère inévitablement fragmentaires des acquisitions. Cest cela transmettre. Tâche éminemment difficile qui consiste à aménager des paliers donnant une idée globale du domaine concerné dans les limites dune connaissance parcellaire. Car cest sur cette tension interne que bute à tous les moments lacte dapprendre. Elle est son obstacle intime, son incitation autochtone au renoncement : elle fait que, plus vous apprenez, plus vous entrevoyez létendue de ce qui vous manque, et plus vous avez limpression de reculer au fur et à mesure que vous avancez. La tâche de la pédagogie est de renverser ce facteur dinhibition en facteur dappel, grâce à des cheminements bien conçus, qui savent donner lidée du but à quelque échelle modeste que ce soit. »[18] Cette conclusion programmatique a le mérite de proposer une voie de sortie hors des impasses du sempiternel débat entre partisans « traditionnels » du savoir et de linstruction et promoteurs « progressistes » de lactivité de lélève. Lécole « traditionnelle » avait tendance à concevoir la transmission comme linculcation autoritaire dun passé immuable et sacré, sans se préoccuper de savoir comment ces contenus pouvaient être effectivement appropriés individuellement par les sujets de lécole : elle appelait sa critique, et de ce point de vue les pédagogies nouvelles et les théories du développement de lenfant ont joué au XXe siècle un rôle salutaire qui reste à cet égard un acquis. Mais, parce que celles-ci ont souvent péché elles aussi par leur unilatéralisme, elles rendent aujourdhui nécessaire une « critique de la critique »[19], une nouvelle étape de la pensée éducative moderne : « une étape consistant à articuler ces termes, transmettre et apprendre, posés longtemps dans un antagonisme qui a dispensé den interroger sérieusement la teneur. »[20]
Cest donc un ouvrage dense et stimulant que nous proposent Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, et qui mérite non seulement dêtre lu mais aussi dêtre prolongé et discuté par tous ceux qui, philosophes ou non, souhaitent faire avancer la réflexion collective sur lécole daujourdhui et demain. Sur le plan de lanalyse historique de la modernité et de ses conséquences scolaires, les thèses sont claires et soutenues avec force, mais on pourrait néanmoins regretter quaucune place substantielle ne soit faite à une approche socio-économique : pour le dire brutalement, tout ce qui est ici pensé comme les marques de la « modernité » et de ses contradiction internes (« détraditionalisation », « individualisation », « désenchantement », présentisme/futurisme, règne de la rationalité instrumentale, perte de sens des savoirs, puissance des médias, etc.) na-t-il pas quelque chose à voir, de manière essentielle, avec le capitalisme et son évolution ?[21] Plus spécifiquement, pour comprendre lévolution critique des systèmes scolaires dans la seconde moitié du XXe siècle nest-il pas indispensable de tenir compte aussi du passage à un « capitalisme cognitif » dans lequel la vie symbolique humaine toute entière tend à être intégrée au système de production, lui-même livré à linnovation permanente et au consumérisme ? Sur le plan dautre part de la philosophie de léducation et de ses conséquences pédagogiques, on pourrait trouver parfois excessif laccent mis sur le caractère « ésotérique » et « transcendant » du savoir, et corrélativement sur la difficulté et les mystères de lacte dapprendre, au risque peut-être de compromettre la synthèse théorique et pratique recherchée entre modernité et transmission : plus largement, lidée de « savoir » nest-elle pas présentée dans louvrage de manière un peu trop abstraite, centrale et « monumentale », sans que soient assez précisés ses contenus pour lécole daujourdhui, ni assez pris en compte les capacités quils auraient vocation à former, cest-à-dire ce que les élèves daujourdhui pourraient espérer en retirer pour eux-mêmes ? Nous ne pouvons développer davantage ici ces questions, mais peut-être feront-elles lobjet de discussions lors de la table-ronde du Mardi 3 Juin prochain, organisée autour de cet ouvrage en présence des auteurs.
Julien Gautier [1] Lensemble des séances de ce séminaire est disponible ici : http://www.collegedesbernardins.fr/fr/recherche/chaire-des-bernardins...
[2] Celle-ci imprègne lensemble de louvrage, et se trouve en particulier développée dans la première partie « le sacre de lapprenant ».
[3] Deuxième partie, intitulée « Résistances de la transmission », et cinquième partie, intitulée « Faut-il encore apprendre à lheure dInternet ? ».
[4] Troisième partie, intitulée « Comment apprend-on ? Théories et débats ».
[5] En particulier dans la quatrième partie, intitulée « Pour une phénoménologie de lapprendre », mais aussi dans la sous-partie intitulée « Maîtres et disciples » (87-111).
[6] La note de la page 22 souligne le rôle durable du latin dans léducation moderne du XVIe au XXe siècle et le présente comme un exemple paradigmatique de ce « compromis scolaire entre lesprit de tradition et lesprit des savoirs méthodiques » : « Lébranlement, le lent affaiblissement, puis la disparition de cet empire du latin au XXe siècle sont à lire comme des manifestations caractéristiques de la décomposition du compromis qui inscrivait la formation des esprits à la méthode à lintérieur du lien avec une origine inaltérable. Lexemple montre au mieux comment cette conjonction si durable a fini par devenir intenable. »
[7] Ibid., 15. Déjà, dans Conditions de léducation, on pouvait lire : « Lécole aura été (
) linstitution ambiguë par excellence dans la modernité. Dun côté, elle se construit contre la tradition. Elle en appelle à la méthode et à la transmission raisonnée contre le mode dacquisition par imprégnation qui allait de pair avec le règne social de lautorité du passé. Mais cela, de lautre côté, tout en sétayant dans son fonctionnement quotidien sur cette dimension de tradition quelle récuse en principe. Cest sous langle de ce compromis secret entre raison et tradition quil faudrait écrire lhistoire de linstitution scolaire en Occident depuis la Renaissance, compromis régulièrement renégocié, mais solidement maintenu jusquen plein XXe siècle. » (p. 71).
[8] Ibid., 26.
[9] Cf. en particulier la deuxième partie de louvrage intitulée « Résistances de la transmission », ainsi que la cinquième partie consacrée à « lheure dInternet ».
[10] Ibid., 8.
[11] Même les thèses radicales dIvan Ilitch dans Deschooling Society, exmainées dans la 2e section de la première partie du livre, nallaient pas jusque là. Et, plus près de nous, Michel Serres déclare certes quil ny a plus aucun besoin de « transmettre », non déduquer. Cf. ici-même notre lecture critique de Petite Poucette : http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres
[12] 4e de couverture.
[13] Ibid., 189.
[14] Ibid., 205.
[15] Sur cette idée de « transcendance » de lobjet denseignement, et sur ses ambivalences possibles, nous renvoyons aux précisions utiles de Denis Kambouchner, dans LEcole, question philosophique, p. 96-102, où se trouve cité Marcel Gauchet.
[16] Ibid., 192.
[17] Ibid., 205.
[18] Ibid., 206. Nous soulignons.
[19] Ibid., 188.
[20] Ibid., 252.
[21] Plus brièvement encore : quid du lien entre modernité et capitalisme ?
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