Alaa Abdel Fattah
Le Caire, 2 novembre 2011. Le 9 octobre dernier, des manifestants coptes (chrétiens d'Egypte) manifestaient devant Maspero, le bâtiment de la Radio-Télévision égyptienne, quand leur sit-in paisible se transforma en carnage.
On compta alors 28 morts, écrasés par les chars de l'armée égyptienne ou tués par balle. Les corps transportés à la morgue sont fracassés, déchiquetés.
Alors que les événements se déroulent sous ses fenêtres, la télévision d'Etat diffuse le message suivant: «les coptes attaquent l'armée, nous demandons aux citoyens honorables d'aller défendre leur armée égyptienne magnifique». Surgissent alors au milieu des manifestants des civils armés de battes et de sabres, réunis pour défendre leur "armée magnifique". L'autopsie révélera plus tard qu'une des 28 victimes est morte égorgée.
Cette fois, pense-t-on, l'armée ne pourra pas se défiler, nier les faits. Ceux-ci ont été diffusés sur les chaînes du monde entier. Mais plus le Conseil Supérieur des Forces Armées se trouve acculé et plus sa répression est dure et tissée d'accusations mensongères.
Le 30 octobre 2011, trois accusés figurent dans le dossier de l'enquête qui s'ouvre ce jour là: Mina Danial, Alaa Abdel Fattah et Bahaa Saber.
Mina Danial, un blogueur âgé de 20 ans, est mort le soir des événements, d'une balle dans la tête.
Après interrogation, Bahaa Saber est relâché. Reste alors Alaa Abdel Fattah, accusé «d'agression, d'incitation à la violence et de vol d'armes à feu».
Alaa, activiste, informaticien et blogueur, né au Caire en 1981, est une figure emblématique de l'opposition et de la blogosphère égyptienne qu'il structura dès ses premiers pas, en créant avec son épouse, Manal Hassan, un aggrégateur de blogs qui permit à chacun de s'informer et d'observer la croissance d'une force politique d'opposition, libre et engagée.
Incarcéré une première fois en 2006 dans les geôles de Moubarak, Alaa se trouve à nouveau détenu. Hier soir, il nous a fait parvenir une lettre. La voici.
Retour aux geôles de Moubarak
par Alaa Abdel Fattah
Jamais je n'aurais cru revivre mon experience dil y a cinq ans. Après la révolution qui eut raison du tyran retourner à ses geôles?
Tous mes souvenirs de détenu me reviennent; se coucher sur le sol, vivre à 9 dans une cellule de 2 mètres sur 4, écouter les chansons et les conversations de zonzon. Je ne me souviens plus de ce que je faisais pour garder, durant mon sommeil, mes lunettes à labri. Elles ont été pietinées trois fois depuis ce matin. Je réalise que ce sont les mêmes lunettes qui mont accompagnées lors de ma première incarcération en 2006, quand je fus arreté pour avoir appelé de mes vux un système judiciaire indépendant.
Me voilà à nouveau enfermé sur la base daccusations creuses et sans fondement; la seule différence, cette fois-ci, cest que nous navons plus à faire au Procureur de la Sécurité dÉtat, mais au Procureur Militaire un changement en harmonie totale avec la période militaire que nous traversons.
La fois précédente, je partageais mon incarceration avec 50 camarades du Mouvement Kefaya (Assez). Cette fois, je suis seul. Maccompagnent dans lépreuve huit détenus. On opprime, ici, le coupable comme linnocent.
Quand ils apprirent que jétais un jeune de la révolution ils se mirent à damner cette revolution qui na pas été fichue de mettre lIntérieur au pas. Jai passé les deux premiers jours à écouter leurs histoires de torture aux mains de notre police résolue à rester ce quelle a toujours été, résolue à prendre sa revanche sur les corps des plus démunis et des laissés pour compte, quils soient, eux aussi, coupables ou innocents.
De leurs histoires je découvre lenvers du décor du retour à la normale et de la sécurité dans nos rues. Deux de mes co-détenus sont là pour la première fois. Ce sont des jeunes hommes ordinaires, dénués de toute forme de violence. De quoi les accuse-t-on? Dassociation de malfaiteurs! Abou Malek serait donc une association de malfaiteurs à lui tout seul et armée, qui plus est! Je comprends mieux alors les déclarations dont nous abreuve le Ministère de lintérieur sur son combat réussi contre linsécurité! Compliments.
Pendant les rares heures de la journée où les rayons du soleil pénètrent dans notre cellule habituellement plongée dans le noir, nous lisons les inscriptions dun ancien détenu, gracieusement calligraphiées. Quatre murs recouverts de bas en haut de versets du Coran, dinvocations et de pensées intimes. On y lit les paroles dun homme qui veut se repentir. Le lendemain, nous découvrons, dans un coin, la date dexécution du détenu inconnu. Nous pleurons.
Les condamnés se consolent dans le repentir, mais de quoi se console un innocent?
Je laisse libre à cours à mes pensées en écoutant la radio. Jécoute le discours dun Général à loccasion de linauguration du drapeau le plus haut du monde qui, sans aucun doute, battra tous les records. Je minterroge si le record de linsolence na pas été battu par mes accusateurs quand ceux-ci ont inscrit le nom de Mina Danial tout en haut de la liste des personnes accusées davoir incité à la violence? Sans doute sont-ils les premiers à tirer sur un homme, à cracher sur sa tombe et à accuser son cadavre de meurtre. Ou serait-ce plutôt ma cellule qui remporterait le record mondial du nombre de cafards au metre carré? Abou Malek me tire de ma rêverie: Je te le jure devant Dieu, soit cette révolution rend justice aux opprimés, soit elle échoue.
Alaa Abdel Fattah
Le troisième jour, 1er novembre 2011
Cellule numéro 19, Prison dAppel de Bab el Khalk,
Le Caire, Egypte
Thursday, Nov 17, 2011 8:17 PM 11:02:00 UTC+0100
Egyptian blogger held in U.S.-backed crackdown
U.S. silent as Alaa Abdel-Fattah sits in jail for defying military
Now-jailed Egyptian blogger Alaa Abdel-Fattah, left ,and his wife, Manal Hassan. (Credit: AP)
CAIRO It took tens of thousands of Egyptians to upend the 31-year rule of Hosni Mubarak in the Arab worlds most populous country. Can a single dissident curb the authoritarian inclinations of Egypts current military rulers during what is supposed to be a democratic transition?
Alaa Abdel-Fattah, a blogger turned political activist, is trying to do just that, by challenging the military authorities right to prosecute civilians.
His case stems from controversy surrounding the terrifying breakup of a Coptic-Christian-led demonstration in Cairo on Oct. 9. The Supreme Council of the Armed Forces, or SCAF, which has run Egypt since Mubaraks Feb. 11 ouster, put itself in charge of investigating the violence.
It quickly absolved its soldiers from any wrongdoing in the deaths of more than two dozen protesters, but has arrested Abdel-Fattah and about two dozen other civilians so far in connection with the incident. Authorities jailed Abdel-Fattah on Oct. 30 and charged him with incitement, damaging military property and stealing army weapons during the episode.
He was detained because he has refused to cooperate with military prosecutors. By doing so, he is striking at one of the lengthening list of powers the army is reserving for itself even as Egypt prepares for parliamentary elections, constitution-writing, and an eventual presidential election. Since Mubaraks downfall, military courts have tried about 11,000 Egyptians. Defendants in Egyptian military courts usually have no access to counsel of their own choosing. Judges in the military justice system are military officers subject to a chain of command and cannot easily ignore instructions from superiors.
The SCAF has kept in place emergency laws that were a mainstay of Mubaraks rule, and penal code provisions that provide incarceration for such supposed crimes as besmirching Egypts image or insulting the president. The generals have added to these repressive laws by decreeing strikes illegal, and prosecuted activists for criticizing the military. Some detainees have been tortured in custody. The SCAF also proposed a draft guide to a new constitution that would give the military effective veto over its articles and keep future military budgets off-limits to public scrutiny.
Abdel-Fattah, by refusing to cooperate with the military prosecutors, is effectively saying no more running roughshod over basic rights. He is in Tora prison; on Nov. 13, a military court extended his jail stay for a second 15-day investigation period.
If SCAF actions embody Mubarak-era habits, Abdel-Fattah represents the persistence of pro-democracy dissidents. He and his wife once blogged on social and cultural matters, but turned to political criticism in 2005, after Mubarak police and plainclothes henchmen beat women pro-democracy demonstrators. A year later police arrested him and dozens of other demonstrators marching to support judges who denounced electoral fraud. He was held for 45 days.
It runs in the family. His father, Ahmed Seif al-Islam, founded the Hisham Mubarak Law Center, a law firm specializing in human rights litigation, especially for torture victims. His sister, Mona Soueif, founded a group called No to Military Trials well before Abdel-Fattahs arrest to protest army prosecutions of civilians. His mother, the university professor and academic freedom proponent Laila Soueif, is on a hunger strike to protest the jailing.
The bright side to all this is that Alaa and other people are not afraid, Laila Soueif said. Why should I be afraid of missing meals?
She said her son arrived at the Oct. 9 Coptic demonstration after the main violence had occurred and ferried a wounded 16-year-old to a hospital. There, he helped organize families to demand autopsies; doctors found that 10 of the 17 people whose bodies were there had died from being crushed, six from gunfire and one from stab wounds. On Oct. 20, in the newspaper Shorouk, Abdel-Fattah wrote about how he and some comrades persuaded the family of Mina Daniel, a pro-democracy activist shot during the demonstration, to permit an autopsy rather than bury the body right away. Other families followed their lead. In another letter published in Shorouk, Abdel-Fattah wrote, I never expected to repeat the experience of five years ago: after a revolution that deposed the tyrant, I go back to his jails?
The United Nations Office of the High Commissioner for Human Rights on Nov. 11 called on Egyptian authorities to free him and all others who have been imprisoned for exercising their fundamental rights to free speech and association and expressed concern about what appears to be a diminishing public space for freedom of expression and association in Egypt.
The Obama administration has not called for Abdel-Fattahs release.
Quiet approaches to Mubaraks repression rarely worked; it would be wrong to think coddling the current military overseers of the country will work now. On Nov. 7, Secretary of State Hillary Clinton told the National Democratic Institute in Washington that in Americas Middle East past, America did push for reform, but often not hard enough or publicly enough.
Administration officials have put out the word they are taking a tougher line with Egypts military rulers and cautioning them not to hold on to power. They should also speak out clearly on the ongoing abuses the SCAF has countenanced, starting with the detention of Alaa AbdelFattah.